I got cold in my heart

Ce matin-là, je m'étais réveillée avec une gueule de bois mémorable. Ma tête était douloureuse et j'avais l'impression de ne plus rien entendre, ce qui m'avait valu une petite demi heure d'angoisse avant de me rendre compte que seule la migraine que j'avais m'empêchait d'être attentive aux sons que je percevais.
La soirée de la veille avait été on ne peut plus arrosée. Cela avait fait bien longtemps que je n'avais pas autant bu, et j'avais adoré passer du temps avec Fiona, ma meilleure amie, mais aussi une des rares personnes avec qui je faisais aussi régulièrement la fête. Si elle ne venait pas avec moi, je pouvais m'avérer être le bonnet de nuit le plus ennuyeux de la planète.

C'était en me levant que j'avais remarqué que quelque chose clochait. J'avais, certes, mes clés, mais j'avais aussi et surtout un fourre-tout en plus, que je reconnaissais rapidement comme étant la pochette de Fiona. Heureusement qu'elle avait toujours son téléphone dans la main et que je savais qu'elle avait toujours un double à disposition, pour les fois où elle oubliait ses clés et rentrait trop tard.
C'est en vérifiant mon téléphone que je m'étais plutôt étonnée de l'absence de SMS pour sa pochette de la part de Fiona. Ce qui me donnait une raison de me déplacer jusque chez elle pour lui rendre ses affaires en mains propres. Au moins, je me déculpabiliserai et ne perdrai pas ses affaires comme j'avais l'habitude de perdre les miennes.

En centre-ville, je trouvais rapidement l'endroit où Fiona et ses soeurs vivaient. Je connaissais un peu chacune d'elles, mais c'était, des deux, Olivia que je connaissais le mieux, puisqu'elle était un sosie presque parfait de sa jumelle.
Je me dépêchais de taper à leur porte, croisant les doigts pour qu'il y ait quelqu'un. La porte s'ouvrit sur une des jumelles. Il me fallut un quart de seconde pour me rendre compte, à l'expression de son visage - et à l'absence de signaux gueule de bois - pour savoir à laquelle des deux j'avais à faire. Je m'efforçais de sourire, me sentant complètement hypocrite sur le moment. « Salut Olivia. Fiona est là? » Savoir comme elle allait ne m'intéressait pas vraiment et l'oubli que j'avais fait, même involontaire, le faisait bien comprendre. Bon, eh bien, au moins, je pouvais m'accuser de n'avoir pas essayé.

I got cold in my heart

Chaque fois que je me retrouvais face à Olivia ou Fiona je voyais deux sosies complètement similaires. Comme cette fois-ci, la seule différence que je percevais en elles c'était la façon de m'accueillir. Pour une raison que j'ignorais à moitié Olivia ne m'aimait pas et avait cette terrible froideur lorsqu'elle s'adressait à moi.

Je savais aussi que des tonnes de rumeurs circulaient à mon sujet dans son groupe d'amis. C'était comme ça que, de mon côté, j'avais évité de faire des efforts pour voir si le choses s'arrangeraient et avais plus ou moins envenimé la situation. Je la voyais comme la peste qui s'amusait à balancer des saloperies sur la fille malentendante juste parce que sa soeur jumelle s'amusait plus avec moi qu'avec elle. Le pire c'était que cette fille, qui allait à l'université, faisait tout pour me rabaisser là bas alors que je n'y mettais même pas les pieds puisque, suite à mes nombreuses opérations, j'avais tout laissé tomber pour entrer dans la vie active et payer ces opérations sans l'aide de mes parents, que je surprenais autrefois parfois à parler sans y mêler le langage des signes, espérant sûrement que si je les voyais converser je ne saisisse pas tout, du coût ahurissant des opérations puisque leur assurance n'était, alors, pas suffisante.

Mais j'avais toujours ma petite soeur, Sara, pour me raconter les derniers potins de l'université et c'est comme ça que j'avais appris qu'Olivia s'amusait à raconter que j'étais une allumeuse étant allée jusqu'à coucher avec mon oncle. Le bémol ? Bah non je n'avais pas d'oncle. Alors face à elle, partagée entre mon envie de vomir (sur elle, ça aurait été tellement parfait!) à cause de la veille ou de lui arracher les yeux, je me contentais d'inspirer longuement et profondément.

« C'est ça au revoir. Tu expliqueras à Fiona pourquoi je n'ai pas pu entrer ni pourquoi elle n'aura pas pu récupérer son sac que je lui ramène d'accord ? » L'agacement n'allait pas tarder à m'envahir et je risquais d'être méchante avec elle ce que je ne voulais pas. Je ne serai pas celle qui se rabaisserait à cracher sur l'autre, surtout pas la première. Alors c'est avec beaucoup d'ironie que j'avais parlé et accompagné mes paroles d'un sourire tout aussi ironique.