Pourquoi est-ce que j’ai accepté de sortir avec Jayden, le gros lourd service ? Je me pose encore la question. Pourtant, j’ai vraiment cru qu’il allait finir par abandonner, je l’espérais en tout cas, qu’il se lasserait que je le rabroue toujours, mais non ! Non, il était visiblement beaucoup trop têtu pour ça. Depuis combien de temps ça durait ? Combien de temps c’était écoulé depuis le tout début de cette histoire, lorsqu’en premier lieu, je lui sorti ce que je pensais de lui la première fois ? A savoir qu’il n’était qu’un gros lourd égocentrique ? Je me rappelais sa tête comme si c’était hier, avec cette surprenante phrase qui avait suivie : « Laisse moi te prouver le contraire. ». Et depuis, il n’avait pas arrêter de me harceler. Partout où il me croisait, il revenait à la charge, inlassablement. Le souvenir de notre dernier échange me revient en tête alors que je grimace. Même alors qu’il était fort occupé à galocher Laure lorsque j’étais tombé sur lui à la sortie du bureau, il s’était arrêter pour venir me sauter dessus avec ses intentions. Et comme une idiote, j’avais fini par céder.

Et maintenant, je m’arrachais les cheveux pour savoir si oui ou non, je lui envoyais un sms pour annuler. Il était encore temps de le faire, rien ne pouvait m’obliger à aller à ce rencard. Sauf, l’image du sourire arrogant de Jay. Et ce sourire, je rêvais de le lui faire ravaler. Si depuis notre soirée à trois, j’avais un peu baissé ma garde par rapport à lui, il n’en restait pas moins un gros lourd prétentieux et égocentrique, qui au final m’agaçait plus qu’autre chose en temps normal. Même si je devais admettre que parfois, ça lui arrivait d’être... un peu moins con.

J’ai enfilé ma robe sans grande conviction. Pourquoi une robe d’ailleurs ? Pourquoi je me donnais la peine de mettre une robe pour lui ? Par facilité, me répondit mon esprit. Je m’en contenterais. Mon portable vibra, j’affichais une grimace blasée en lisant son message. La soirée allait être longue. Très longue. Je ne me donnais même pas la peine de lui répondre, prêtant attention à l’heure qu’affichait mon smartphone. Ok, il me restait une demi-heure pour être fin prête. Je passais à la vitesse supérieure. Un peu de maquillage, très léger, pour ne pas qu’il se fasse des idées. Je me brossais les cheveux simplement, les mettant en forme sans vraiment les coiffer à l’aide d’une lotion qui sentait bon l’amande douce. Ca suffirait amplement. J’enfilais une paire d’escarpins et m’emparait d’un sac suffisamment grand pour y glisser une paire de ballerines, juste au cas où, n’ayant aucune idée de l’endroit où Monsieur comptait m’emmener ce soir. J’étais prête trois minutes en avance, juste le temps de m’assurer que je n’avais rien oublié. Mon smartphone, mes clés, mon sac, ma veste, Shadow avait ce qu’il fallait, tranquillement installé dans son panier.

« Aller mon vieux, c’est l’heure ! Souhaite moi bonne chance ! »

Je lui adressais un sourire avant de passer ma porte, me retrouvant sur mon porche à l’attendre. Au bout de cinq minutes, j’ai porté attention à mon smartphone. Pas de message. Il était en retard. Ca commençait bien. Un bruit de moto résonna dans le quartier, vrombissante qu’elle était alors que je l’entendais approcher. Lorsque je relevais les yeux de mon portable, ce fut pour en découvrir le propriétaire. C’était Jayden, évidemment. Je n’étais même pas étonnée. Divisée, j’avouais être impressionnée et à la fois blasée. Jayden était un vrai cliché. Belle gueule, coureur de jupons, belle moto. C’était une continuité logique.

Mais ce n’était pas pour autant que j’allais lui faire le plaisir du moindre compliment sur sa bécane. Non seulement je lui en voulais encore pour son comportement inacceptable de la dernière fois, mais il aussi était en retard. Aussi, c’est avec un regard digne des plus grands classiques de Western que j’avançais jusqu’à lui, alors que lui m’adressait son sourire. Ce sourire arrogant. Celui qui m’horripilait. Lorsque je fus à sa hauteur et qu’il me détailla de haut en bas, commentant placidement ma robe, je regrettais déjà d’avoir fait cet effort. Sans parler de la moto. J’aurais dû mettre un jean, définitivement. Agacée, je me contente de garder le silence alors qu’il me donne un casque en se moquant. Je m’en empare sans histoire après avoir accroché mon sac en bandouillière, le glissant sur ma tête. Une chance qu’il soit presque à ma taille. Une chance que j’ai déjà fait de la moto avant. Je sécurise mon casque avant de grimper à l’arrière, sur le siège passager, prenant soin de glisser ma robe entre mes jambes pour ne pas qu’elle voile trop au vent. Je n’ai pas la moindre envie de m’accrocher à lui, si bien que mes mains cherchent une autre accroche. Je grogne en découvrant qu’il n’y a rien. Mes mains glissent alors à regret de part et d’autre de son corps, s’accrochant à sa veste plus qu’à lui. Il ne faudrait pas pousser.

« Prête ! »

Je gueule dans mon casque pour qu’il m’entende. J’avoue, une petite virée en moto, c’est une idée qui me plait bien.

 

Je le sens rire contre moi avant d’enfin démarrer sa moto. Il est à présent trop tard pour faire demi-tour. Mes escarpins glissent presque sur les arrêts prévu à cet effet alors que bien vite, le vent s’engouffre dans ma robe, la faisant voler au vent sans que je puisse y faire quoi que ce soit, me faisant regretter une fois de plus d’avoir mis une telle tenue. En revanche, je me remercie d’avoir pris mon perfecto pour combattre le froid qui s’infiltre absolument partout où il le peut. Le cuir, il n’y a vraiment que ça de vrai. Mes yeux s’évadent sur le paysage filant à toute allure, alors que nous filons à grande vitesse entre les voitures. Cherche t’il à m’impressionner ou roule-t’il toujours aussi vite ? Peu m’importe, j’aime beaucoup trop la vitesse pour m’en plaindre, même si je me garderais bien de le lui dire. Ses arrêts se veulent des plus brusques, faisant à la fois buter mon casque contre le sien et m’écraser comme une merde contre son dos. Je ne peux pas m’empêcher de le fusiller du regard à chaque fois, bénissant le ciel de ne pas m’avoir dotée d’une paire d’air-bags monstrueux à la place de ma poitrine. Pour une fois, c’est une chance. Et évidemment, cela me fait m’accrocher à lui plus correctement afin d’éviter la casse. Peu importe après tout, ce n’est pas comme si nous avions des heures de route devant nous n’est-ce pas ?

Mon regard s’accroche aux lumières et ruelles défilantes devant mes yeux, je profite du moment comme il se doit, un petit sourire au coin des lèvres. Cela faisait un petit temps que je n’avais pas fait de moto. Depuis mon adolescence, ou plutôt mes études. J’avais une belle bécane à l’époque, un véritable chef d’oeuvre que j’avais fini par revendre pour rembourser une partie de mes études. Et à présent, je me rendais compte à quel point cela avait pu me manquer. Peut-être était-ce un signe pour que je pense à m’en offrir une un de ses jours ? Une Ducati toute noire, une petite perle comme je pouvais parfois en voir garée devant le boulot ? Peut-être.

Presque brutalement, Jay me fait sortir de mes pensées en ralentissant doucement, signe que nous sommes presque arrivés à destination. J’essaie de me repérer, de savoir où nous pouvons être rien qu’à l’allure des bâtiments qui nous entoure. De petites ruelles anciennes, des murs de briques semblant appartenir à un autre temps semble nous accueillir à bras ouvert. Quelques lampes d’aspect vintage attire mon attention avant qu’enfin, nous nous arrêtions dans une petite ruelle intime, juste en face d’un bistrot plus ou moins engageant. Quoi ici ? Est-il sérieux ? L’espace de quelques secondes, j’ai un doute alors que je retire mon casque après être descendue avec précaution.  Mon regard fini par rencontrer les décorations lumineuses au dessus de nos têtes, un panel de couleurs dignes des plus belles fêtes de villages. Nous sommes bien loin du centre, c’est certain. Je souris en les découvrant, amoureuse de ce genre de luminescences et des banderoles multicolores. Je n’ai malheureusement pas le temps de m’y accorder, Jay s’emparant de ma main pour mieux m’attirer à sa suite, me posant brièvement sa question à laquelle je réponds à la volée.

« Jamais. »

Je le suis sans broncher, tentant vainement de dégager ma main. La curiosité est trop forte alors qu’il m’emmène presque au pas de course entre les ruelles de plus en plus étroites. J’ai de plus en plus hâte de découvrir où est-ce qu’il nous emmène, préférant ignorer le fait qu’il soit aussi sûr de lui quant à l’endroit où il m’emmène. Juste pour ça, j’ai bien envie de faire mine de ne pas apprécier, juste pour lui faire ravaler son sourire. Evidemment, consciemment ou non, il fini par se tromper pour mieux me rentrer dedans, me faisant presque vaciller sur mes talons pour mieux reprendre la route ensuite. Encore heureux que j’ai l’habitude d’en porter. Enfin, j’entends une délicieuse musique irlandaise résonner entre les murs, puis enfin, nous débouchons à l’endroit clé. Pendant une seconde, je m’arrête pour mieux admirer l’endroit. L’ambiance m’englobe en quelques secondes à peine, la foule festive que je découvre fait apparaître un sourire plus gros encore sur mes joues. Jay serre ma main pour fort comme pour me presser d’avancer, m’entrainant à travers la foule compacte jusqu’au centre de la pièce. La chaleur m’assaille en un coup, les lumières m’émerveillent autant que tout ce que mes yeux et mes oreilles découvrent. Wow. Je fais un tour sur moi même, relâchant la main de Jay au passage pour ne rien louper de ce qui m’entoure. Il me glisse quelques mots à l’oreille, me faisant garder mon sourire sur mes lèvres, s’effaçant presque en découvrant le sien. Il a réussi son coup, je dois l’avouer. Je suis des yeux ce qu’il me montre du doigt, un petit orchestre déchainé accompagné de danseurs tous aussi talentueux les uns que les autres. La musique me fait déjà tapper du pied à leur rythme alors que je me mords la lèvre dans un réflexe. Enfin, je fini par porter mon regard sur lui, un sourire en coin peint sur les lèvres.

« Commençons par une bière ! »

A peine ai-je fini ma phrase que j’enlève ma veste, la posant sur mon sac tout en attrapant sa main en l’entrainant vers le bar. Avec cette chaleur, j’ai avant tout envie de me refroidir ! Je relâche Jay pour mieux sauter sur le bar, zieutant la carte au loin tout en attirant le barman d’un radieux sourire dont j’ai le secret. Une fois fait, je me retourne vers Jay à nouveau.

« Qu’est-ce que tu prendras ? »

J’attends sa réponse avant de passer commande. J’ai hâte de goûter les spécialités Irlandaises. Le barman se détourne après m’avoir lancé un clin d’oeil et je fais alors de même, découvrant la scène d’un autre point de vue. Mon regard danse au rythme des jupons qui virevoltent, puis s’attardent sur une table un peu plus loin où certains semble lancer des paris pour mieux les jouer au bras de fer alors que d’autres montent sur les tables pour chanter des musiques me semblant traditionnelles. A nouveau, je me penche vers Jay.

« Cet endroit est génial ! Comment est-ce que tu l’as connu ? »

Au même moment, nos bières arrivent. Je m’empresse de glisser un billet au barman avant de m’emparer de la mienne, sautant sur mes talons pour partir à la recherche d’une table libre pour mieux la déguster. La nuit promet d’être folle !