Fight or flight response – elle n’avait que cette stratégie en tête lorsqu’elle se retrouvait confrontée aux investigations parentales : il n’en fallait que très très peu, pour éveiller les soupçons et placer la jeune adulte à nouveau en position de bambin incapable d’être décisionnaire, affranchi d’un quelconque joug familial. Elle était affalée sur le canapé, devant une rediffusion d’un match de football américain – flanquée à sa droite par un père flirtant dangereusement avec sa seconde bouteille de Flying dog raging bitch fermement emprisonnée dans sa paume gauche tandis que de la droite, il agitait la télécommande, s’en allant de son petit commentaire (grandement destiné à encourager une équipe qu’il savait déjà perdante pour avoir lu tous les articles de sports parus la concernant sur les diverses plate-formes consultables depuis la veille au soir).
C’était un vendredi habituel – débuté au son d’un vieux Frank Sinatra, embué de l’odeur caractéristique du sapin qui dépérissait à vue d’oeil sous plusieurs kilos de guirlandes et de boules scintillantes (et les diodes multicolores complètement kitch achetées dix milles ans auparavant, toujours fonctionnelles comme le stipulait l’emballage conservé depuis l’avènement de l’électricité (papa Meyer avait racheté le produit l’an dernier, affirmant pourtant à sa femme qu’il s’agissait bel et bien du modèle daté de l’an 2000 – qu’il avait détruit en une marche arrière réalisée sans consulter ses rétroviseurs)).
Marnie aurait pu meubler cet après midi là de bien des manières impliquant de près ou de loin la dépense sans compter des quelques biftons qui lui restaient sur son compte bancaire (elle n’était qu’à un appel de figurer parmi les favoris du conseiller financier avec lequel elle appréciait converser à chaque fois qu’il fallait déterminer si elle était solvable ou non – autant dire : jamais). Stacy l’avait appelé, deux ou trois fois (en fait, dix) et, la blonde s’était fait un point d’honneur à ne pas prendre les appels – c’était Stacy et Stacy était par définition oubliable, une tare de répertoire.
Marnie avait pris soin de mettre toute notification provenant de cette dernière sous silencieux et ce, sur tous les réseaux sociaux, applications qu’elles avaient le malheur de partager. Marnie Meyer faisait clairement la morte, ruminant la séparation d’avec Betty, proprement mise sous bâche, le temps que Marnie, son permis de conduire décroché avec brio (applaudissements et bravos en tout genre) et son sens accru des dysfonctionnements de cette famille de tarés à laquelle elle appartenait à son plus grand dam (les Meyer, pardi!) se rendent compte du soucis causé par son accident.
Tous les membres de la tribu avait, soit disant, frôlé la syncope et ce à plusieurs reprises (nécessitant presque la pose de pacemakers  -  la Marnie Meyer concurrençant Magnum PI n’était plus qu’un vieux souvenir jauni par l’interminable attente). Cette période caractérisait le retour au bercail du troupeau – et parmi les plus redoutés demeurait Jayden (toujours prompt à redoubler d’ingéniosité pour que les fêtes deviennent mémorables – pas forcément de la manière la plus méliorative qui soit). La scène ressemblait à s’y méprendre à l’ouverture d’une comédie familiale mièvre passant sur la chaîne Hallmark – où on s’attendait certainement à ce que la protagoniste blonde de service prépare des sablés en forme de sapin, un pull tricoté par une grand-mère ayant des rennes pour trame sur le dos et l’espoir vif de conquérir le coeur du boy next door hors de portée depuis toujours mais qui – miracle de noël oblige – décidait de lui tomber dans les bras. Marnie savait qu’elle pouvait se crever un œil avec une canne en sucre d’orge : Henry était amouraché d’une nana superbe et elles ne jouaient malheureusement pas dans la même ligue. Évidemment, c’est le moment que choisit le trublion pour faire sa grande entrée, bruyant comme à l’accoutumée. - Je t’attendais pour ce matin – fit remarquer madame Meyer, depuis la cuisine où elle préparait le dîner – Marnie leva les yeux au ciel et échangea un regard avec son père qui se remit aussitôt à scander des insanités à l’encontre de ses joueurs préférés. Effectivement, elle était bien la seule à attendre que Jayden vienne à nouveau Jaydeniser l'atmosphère absorbant toute l'énergie des autres Meyer tel que l'aurait fait n'importe quel type d'ectoparasite digne de ce nom. Mais, elle aimait son frère et elle n'hésita pas à se précipiter sur lui lorsqu'il fut dans son champ de vision (il n'avait pas changé d'un poil depuis la semaine précédente et elle pouvait d'ailleurs remercier le ciel qu'il ait toujours eu ses dix doigts). - Tu as failli me manquer - souffla-t-elle, narquoise avant de lui tendre un petit bonhomme en pain d'épice dans le seul et unique but d'annoncer la couleur:  oui, il était fort probable qu'elle ait eu l'intention de le travailler au corps. Betty et elle devaient reprendre du service, le plus tôt possible aurait été pour le mieux.