J'adorai les samedis matins. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'était le début de mon week-end qui se finissait le lundi soir, et que le week-end, on avait toujours le temps de faire tout ce que l'on veut. Et puis, c'était aussi pour moi l'occasion de passer un peu de temps avec ma famille, en temps général. Même si je ne passais pas tous mes week-ends chez moi. Je suis quelqu'un de casanier, mais pas au point de ne pas voir l'extérieur dès que j'avais un peu de temps pour moi.
Ce matin-là, je m'étais levée tranquillement, en déjeunant sur la terrasse extérieure de la maison, qui se trouvait à l'opposée de l'entrée de la maison. On se sentait dans un petit cocon, et je dois avouer que j'adorais simplement ça. Il commençait à faire frais, mais l'air ambiant n'en était pas moins bon. L'été qui s'en allait me rendait parfois un peu triste. Mais comme disait tout le temps Grand-mère, dans environ 250 jours, il revenait. Et avant toute chose, on avait droit au printemps, qui était une saison pleine d'espoir. Si elle le disais, c'était très certainement vrai.
J'avais proposé à ma soeur, Alize, de se lever pour se rendre avec moi sur le marché. J'avais encore envie d'acheter mille et mille choses qui ne serviraient à personne. Mais j'étais comme ça. Et puis, je trouvais que le marché des Îles Vénétiennes était tout simplement magnifique. Boon, je m'extasiait peut-être pour un rien, mais l'ambiance qui y régnait était juste ce que j'adorais.
Finalement prête, j'étais allée voir si Alize était réveillée, et, voyant qu'elle dormait encore, je lui ai simplement dit de me rejoindre. De toute façon, le temps qu'elle se prépare, j'aurais à peine bougé, je le savais. Donc ce n'était pas très grave. Et on avait l'habitude de se retrouver dehors, vu qu'on était jamais prête aux même moments.
Le marché commençait à une dizaine de pas de la maison, donc j'y arrivais en assez peu de temps, et commençait à regarder les stands. Certains commerçants me connaissaient, depuis le temps que j'habitais ici, que je les croisais, et que je venais faire le marché, alors c'était sans soucis que je leur tapait la discussion sur un peu tout. C'était également une des raisons pour lesquels je mettais beaucoup de temps à avancer quand j'étais seule dans le marché. Je me sentait juste dans le genre de chose que j'appréciais : personne ne se prenait la tête, ne jugeait les uns ou les autres. Même quand, comme moi, ils repartaient avec les bras chargés de sacs à chaque fois qu'ils venaient. Et sur ces îles, tout le monde se connaissait. Ce n'était pas comme dans le reste plus ''métropolitain" de la Nouvelle-Orléans. C'était comme un village dans la ville, mais juste avec ses avantages.

Le samedi était toujours un jour épuisant. Il arrivait toujours un moment où Alize se devait de se pointer au boulot pour faire des pâtisseries encore et encore, pour la simple et bonne raison que ses patrons se débarrassaient toujours des portions en trop le vendredi soir. Et même si cette solution permettait aux sans abris de se gaver de sucre toute une soirée, quand il leur prenait la lubie d'ouvrir le samedi, la petite blonde avait toujours plus de travail à faire. C'était dans ces rares moments qu'elle enviait Bianca, son aînée, qui avait un week end de trois jours tandis qu'elle non puisque son seul jour de congé était le mardi, avec quelques fois un semblant de week end pour elle.
Mais heureusement, cette fois-ci, ses patrons étaient en voyage d'affaires et lui avaient donné la possibilité de fermer le samedi. Ce qu'elle n'avait pas fait, mais c'était le boulanger qui avait pris la relève. Il semblait que le "rituel" pour se débarrasser des pâtisseries en trop n'avait pas eu lieu la vieille. Probablement à cause du voyage d'affaires, en fin de compte.
Elle s'était à peine réveillée quand sa soeur était venue voir si elle était encore en train de dormir ou non. Elle n'était pas particulièrement fatiguée mais elle avait ce moment pour se lever qui exaspérait un peu tout le monde... compensé par sa rapidité à se préparer par rapport à certaines personnes. Rapidement tout de même, elle s'extirpa de son lit afin de s'asseoir dessus pour se réveiller complètement... ce qui n'arriva qu'au bout d'une bonne grosse dizaine de minute quand ses yeux s'habituèrent à la très faible lumière qui traversait le couloir devant sa chambre. À cette allure là ce n'était vraiment pas gagné d'avance. Elle s'était préparée en deux temps trois mouvement. Pas la peine de se faire belle, de toute façon elle n'avait personne à rencontrer et à qui elle aurait voulu plaire.
Arrivée sur le marché où elle devait se rendre avec sa sœur, Alize la retrouva facilement. Bianca mettait toujours le temps à papoter avec tout le monde. Il fallait toujours qu'elle la booste un peu pour avancer plus vite, et encore fallait-il que ça fonctionne. Le commerçant avec qui Bianca parlait la salua et elle le gratifia d'un sourire immense avant de le saluer également et de regarder son aînée. « Alors, tu as quelque chose de particulier à acheter? »

Comme d'habitude, je passais mon temps au marché. Oui, au final, quand on me connait bien, on en prends l'habitude. C'est pas non plus comme si c'était une nouveauté le fait que je traîne à faire quelque chose. Et puis, les gens au marché sont tous tellement sympa, ce serait dommage de passer, et de ne pas s'arrêter pour un brin de causette avec eux. J'adore parler avec les gens qui présentent des stands au marché. Ils ne se prennent pas la tête, on le sourire aux lèvres, et adorent parler de tout et de rien avec les passants, qu'ils les connaissent ou non. Et puis, ça me fait mon petit moment de socialisation hors du champ de la famille en allant au marché. Même si j'espère passer un moment avec ma soeur. Mais ce n'est pas pareil que lorsqu'on est à la maison. On habite ensemble, mais j'ai parfois l'impression qu'on ne se voit jamais. Pour une fois qu'Alize est à la maison un samedi, autant en profiter, non ?
D'ailleurs, parlant de ma soeur, j'étais en train de parler avec l'épicier au coin de la rue où se croisaient le marché et la rue descendante à notre maison quand elle m'avait rejointe. Je lui souriais largement en la voyant. Je n'ai pas foule d'amis, et pour cause. Mais avec Alize, c'est comme si j'avais une meilleure amie de certes, six ans de moins, mais je m'était toujours sentie très proche d'elle. Je la regardais toujours plus comme une amie qu'une soeur. Après, j'ai été un peu à tous les rôles selon les moments avec ma soeur, alors tout peut être compris. A sa question, je lui présentais ce petit sourire gêné qui voulait dire "La réponse ne va pas trop te plaire, tu sais...?" Et bien... Pas vraiment.. tu me connais, j'aime bien traîner... et j'achète un peu au coup de tête, aurais-je du continuer...

Jour de marché. Soit synonyme de jour où Bianca sortait d'elle même, sans qu'Alize n'ait à la pousser encore et encore. Et honnêtement, c'était le seul moment où Alize ne suivait pas son aînée. Car elle savait que Bianca, au marché, était sujette à une sorte de fièvre acheteuse qui faisait qu'elle en ramenait plus que de raison à la maison. Leur grand mère souriait de ce trait de caractère, puis ça lui faisait de quoi vendre aux vides greniers, surtout quand Bianca avait acheté pas cher un truc qui ne lui plaisait pas après mûre réflexion, ce qui arrivait parfois.
Alize, qui se réveillait tard en week end quand elle ne travaillait pas, n'avait cependant pas vraiment hésité à rejoindre sa soeur. Elles n'étaient pas sorties toutes les deux depuis quelques temps et, après tout, ça manquait un peu à la cadette, de ne pas être avec son aînée. Surtout qu'elle avait son samedi de libre plutôt que d'aller à la boulangerie pâtisserie, se faire arnaquer de quelques heures de tranquillité en week end. Car en semaine, elle ne travaillait pas forcément toute la journée voire pas tous les jours, tandis que ce n'était pas forcément le cas de Bianca.
Une fois après avoir trouvé sa soeur dans cette marée humaine, Alize l'avait salué et lui avait demandé si elle avait quelque chose à acheter en particulier. Ce à quoi Bianca avait répondu, pour commencer, par ce sourire que sa cadette redoutait tant, lui précisant qu'elle n'avait pas même idée de la réponse. Elle éclata de rire quand sa soeur lui répondit oralement. « Oh mon dieu, j'ai peur de ce que ça veut dire! »

Je sais qu'Alize n'aime pas forcément le fait que je traine dans les marchés. Enfin, elle comme notre grand-mère me reprochent souvent d'acheter des choses qui ne me servirons pas forcément. Mais j'aime bien avoir de nouvelles affaires, et ce même si dans quelques temps, je les jeterais ou les revendrais à un vide grenier, ce que je faisais assez souvent. Même si ça faisait assez rire grand mère de voir tout ce que j'achetais. Comme elle me le disais, tant que je ne me ruinais pas dans des futilités, ça allait. Mais c'était mieux de ne pas dépenser pour rien. Oh et puis, après tout, vu que de toute façon, je les revendais la plupart du temps, et que mis à part au marché, je n'étais pas une grande acheteuse, ça ne faisait pas grand chose. Puis c'était bien souvent aux marchés qu'on trouvait ce qui était le mieux, le moins cher et qui nous plairais le plus. En plus, c'était en extérieur, donc à mon goût bien mieux que n'importe quel magasin dans lequel on était obligé d'aller s'enfermer dans une chaleur extrême en plein été, ou qui nous ferait un coup de chaud une fois à l'extérieur. Trop de changement de température. Mais d'habitude, Alize ne me suivait pas. ça me manquait de passer du temps avec elle, alors j'étais plus qu'heureuse quand je l'avais vue arriver et qu'elle m'avait saluée. D'ailleurs, je riais intérieurement. Elle m'avait retrouvée dans la foule. Normal, je n'avance pas vraiment très vite. Je passe généralement ma matinée au marché pour arriver à tout voir. Elle m'avait demandé ce que je voulait acheter, et je lui avait simplement dit que je regardais, que je trainassait. Autant dire que pour elle, ça n'avait pas de nombreux sens possibles : j'allais revenir avec de nombreuses choses en main. Mais la grande question était : Quoi ? Je riais à la reflexion qu'elle m'avait faite du coup et j'haussais les épaules. Comme si je faisais n'importe quoi. Et puis, je ramène souvent des trucs chouette aussi, non ? Bon, des trucs chouette ok. Mais pas que, et je le savais. Elle aussi d'ailleurs. ça me fait plaisir que tu sois là.

En bonne tête de mule qu'elle était, Bianca refuserait de se limiter, et Alize le savait. C'était le marché, c'était pas cher et souvent de la bien meilleure qualité qu'en supermarché, où le seul but était de faire vendre et de faire des bénéfices... quitte à faire revenir le client six mois plus tard pour qu'il rachète exactement le même article. Ca faisait partie des stratégies commerciales et, même si elle avait étudié ça pour être pâtissière ou la demande était légèrement différente en raison du service qui différait, elle avait vite intégré cette information qu'elle trouvait particulièrement injuste, étant elle-même acheteuse... comme tout le monde, d'ailleurs.
Elle comprenait donc assez bien le besoin de Bianca de revenir les bras chargés, mais ça ne l'empêchait pas de ne pas accepter cette façon de faire, bien qu'au fond, ça la fasse rire.
Trouver Bianca dans la foule? Honnêtement, c'était un jeu d'enfant. Une blonde qui s'extasiait devant tout et n'importe quoi et qui mettait une heure à partir d'un stand, c'était plutôt singulier, même au marché. « Oui oui, des trucs chouettes... mais tu sais très bien comme moi qu'il n'y a parfois pas que de ça, hein! » Alize sourit à sa soeur avant de la prendre dans ses bras. « Moi aussi, je suis contente que tu sois là! D'autant que ça fait longtemps qu'on n'a pas passé un moment rien que toutes les deux! »

Bon, oui, d'accord. Je devais bien souvent sembler irrécupérable et exaspérer. En fait, je savais que mon attitude agaçait parfois ma petite soeur. Mais elle n'osais rien y redire. Et dans un sens, elle n'avait pas grand chose à y redire. Elle n'avait pas d'emprise sur moi. En fait, personne ne pouvait me dire quoi faire, et ce depuis des années. En fait, je devais avoir 17 ans, et perdu mon amour de jeunesse qui m'avait tout bonnement lâché. Je crois qu'à partir de ce moment, j'ai décidé que plus personne n'aurait d'emprise sur ma vie. Non, personne. Je ne laisserait pas ça se reproduire, j'ai failli être détruite par l'abandon pur et simple d'une personne en qui je laissais toute ma confiance, et en qui j'avais confié mon coeur. Cependant, je m'étais aussi fait une promesse : faire attention à ne pas perdre les personnes les plus importantes pour moi. A savoir, ma soeur, et ma grand-mère. Alors même si des fois, j'avais envie de leur envoyer en pleine figure que j'allais sur mes 30 ans, que je faisais ce que je voulais, je ne le faisais pas. Déjà, c'était méchant. Et je ne voulais pas créer de soucis. Je m'étais construite une vie indépendante. Mais qui les comprendrait toujours. Mon but était de préserver les gens qui m'étaient chers et que jamais je ne laisserais partir ou que j'abandonnerais.
Je n'avais même pas eu le temps de répliquer que mes achats étaient bien plus souvent chouettes qu'autre chose qu'Alize m'avait prise dans ses bras après que je lui ai dit que ça me faisait plaisir de passer du temps avec elle. Enfin, plaisir qu'elle soit là, quoi. Je n'étais pas particulièrement effusive niveau sentiments, mais je ne m'empêchais pas de la serrer contre moi. Ma petite soeur. Ma meilleure confidente, et celle en qui je pouvais tout dire. Je la regardais après et je lui sourit largement.Oui, c'est vrai. Ca me manque de ne pas te voir aussi souvent qu'avant. Mais le fait qu'on ait grandi nous a éloignées, je trouve. Chacune on a notre petite vie, et parfois, d'être sous le même toit pour vivre, ça n'empêche pas qu'on ne se voie pas trop. Faut remedier à ça, petite soeur ! Je la regardais et reprenais. ça fait aussi un moment qu'on a pas parlé...J'ai l'impression de ne plus rien savoir sur toi..

Malgré toutes les réflexions qu'Alize était et serait capable de faire sur la fièvre acheteuse compulsive de son aînée, elle était tout de même drôlement contente de se retrouver avec elle. La pâtisserie, ça avait beau être ce qu'elle adorait faire, ne valait pas un moment avec sa soeur, bien loin de là. De toute façon, qu'elle lui fasse ou non des réflexions, elles n'auraient probablement pas un grand impact, Bianca étant majeure et vaccinée, même si, comme elle, elle vivait encore chez leur grand mère. Mais c'était la solution de facilité: pas d'impôts, pas de responsabilité financière ou civile, et vivre dans le cocon familial, si on pouvait appeler ça de la sorte. C'était toutefois toujours mieux que de vivre à moitié à la rue, entre une mère junkie et un père qui n'arrivait presque pas à s'assumer lui même malgré les économies qu'il avait, et qui était presque capable de se laisser mourir de faim... alors deux enfants en plus, ce n'était pas vraiment ce qu'il y avait de mieux.
Alize sourit à Bianca après sa réponse « C'est très vrai! Mais c'est toujours mieux si on se voit! » La petite blonde était très attachée à son aînée qui avait toujours été un point de repère, sinon une ancre pour elle. C'était elle qui avait réussi à lui faire garder la tête hors de l'eau, même quand elle avait plongé dans les troubles alimentaires. Et en quelques sortes, c'était pour elle qu'elle ne replongeait pas dedans, même s'il fallait bien avouer qu'il y avait tout de même une histoire de garçon en plus. « Il n'y a pas grand chose à parler, sur moi », répondit Alize, le sourire crispé. Tout ce qu'il y avait à savoir c'était qu'elle n'avait pas vraiment de vie sentimentale, sinon Thiago qu'elle appréciait un peu plus qu'il ne le fallait, mais avec qui les choses étaient très compliquées. Et elle n'était pas vraiment prête à avouer à sa soeur qu'ils avaient une amitié améliorée. Tentant de détourner la conversation vers sa soeur, elle lança: « Par contre, toi, je suis sûre que tu as des tas de choses à me raconter! » Sinon, tu ne m'aurais pas lancée là dessus, rajouta-t-elle mentalement.

Bon, il fallait que j'arrête de me voiler la face. OUI, j'étais la pire acheteuse au monde, parce que la plupart du temps, ça ne me servait jamais. Pour ne pas dire 99.999% du temps. Un de mes défauts les plus voyants. Parce que je savais bien les cacher, ceci mis à part. Alors les réflexions de ma soeur, c'était sûres, elles ne faisaient pas toujours très plaisir. Mais je savais pertinemment, au fond de moi, qu'elle avait raison. Et que j'avais tort, évidemment. Sauf que ce n'est pas vraiment la chose la plus facile à dire, que l'autre avait raison. Il fallait pas se leurrer.
Mais je ne pouvais rien dire, en fait. J'étais trop heureuse de voir ma soeur pour commencer à lui rabattre les oreilles à lui dire de se taire, que de toute façon, je pouvais faire ce que je voulais sans être jugée. Dans un contexte différent, je lui aurais peut-être sauté à la gorge pour la faire taire et dire que de toute façon, j'allais très certainement partir de la maison, et qu'elle ne me reverrait plus. Ce serait certainement la pire des choses à faire. Parce que je ne le pensais pas, et ce n'était pas vrai. Mais si ma grand-mère entendait ça, elle ne s'en remettrait pas. Non pas qu'elle me préfère à Alize, mais elle se sentirait abandonné de voir quelqu'un qui réagit comme ça, comme s'il souhaitait quitter la maison qui semblait être un enfer permanent dans la façon dont j'aurais pu utiliser mes mots. Même si on était à l'extérieur, ça se serait certainement sû. Et quand on se disputait avec Alize, ça lui faisait du mal. Bon, heureusement, ça n'était pas arrivé depuis un très long moment, et ce n'était pas près d'arriver de nouveaux, en fait. De toute façon, je ne lui en voulait pas, à Alize, de penser ça de moi. Et je n'étais pas du genre à trop m'énerver. Même s'il ne fallait pas me prendre pour un agneau non plus : je ne me laissais pas faire, et je m'énervais quand même dans certaines situations. Mais pas là. De toute façon, j'étais trop bien avec ma soeur pour m'énerver contre elle. Je crois que ça faisait au moins 4-5 ans qu'on ne s'était pas "vraiment" disputées, à s'en tirer presque les cheveux. Si ce n'était plus. Je lui souriait Oui, c'est sûr, je préfère te voir que juste de me savoir vivre dans la même maison que toi. Au moins, quand elle était là, j'avais quelqu'un à qui parler de tout, sans honte. Ma soeur ne me jugeait pas. Et je ne le faisait pas non plus. C'était un des avantages, en fait, d'avoir eu des soucis au niveau de la famille, on essayait de se préserver l'une l'autre, et inconsciemment, il avait été toujours clair qu'on n'avait pas le droit de se juger. Je fis une petite mine quand ma petite soeur m'avouait n'avoir rien à me raconter. Mais, c'est triste, ça ! Je suis sûre qu'il doit y avoir quelque chose, mais tu dois te dire que c'est pas assez intéressant pour que je l'entende. Je suis ta soeur, je ne t'en voudrais pas de risquer, si t'en as envie ! J'essayais de lui sourire de la façon la plus rassurante possible. Ce que je disais, c'était vrai. Il fallait pas qu'elle ait peur de me dire quoi que ce ne soit. Surtout moi, quoi, j'avais l'art de raconter n'importe quoi. Et d'avoir les histoires les plus étranges, aussi, qui m'arrivaient. Normal, en fait, quand on s'appelle Bianca James. j'haussais les épaules. En vrai, je n'avais pas mille et une chose à dire à mon propos. Enfin, mis à part mon ex, qui avait fait un retour dans ma vie. Avant de redisparaître, une fois de plus. Et bien.. Miles était de retour.. Genre, comme pour de bon. mais il est reparti, je ne sais pas trop quoi en penser. En fait, oui, j'avais de quoi dire. Si je m'écoutais..

Même si elle n'aimait pas voir sa soeur se ruiner à acheter tout et n'importe quoi, Alize avait bien conscience que c'était quelque chose qui plaisait à son aînée. Elle n'avait donc pas vraiment de quoi critiquer. Elle, c'était la pâtisserie. Ce n'était peut être pas le même niveau, mais c'était supposément le même effet.
Ne voulant pas lancer une dispute alors qu'elle ne voyait plus beaucoup sa soeur en ce moment, Alize se contentait de se taire et de sourire. « Oui, c'est toujours mieux! » Après tout, ne se voir que pendant les repas et ne pas forcément s'adresser la parole, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus agréable, surtout quand on voyait la relation qu'avaient les deux soeurs, et tout ce qu'elles avaient partagé.
Alize se mordit la lèvres et, la main à l'intérieur de sa poche, tripotait son tissu intérieur, nerveusement. La seule chose qui se passait dans sa vie risquait de la froisser définitivement avec sa grand mère. Quant à sa soeur, elle savait qu'elle ne jugerait pas, mais s'inquiéterait tout de même. De peur qu'elle retombe subitement dans la maladie. Parce qu'elle ne comprendrait probablement pas ce qu'elle vivait. « Non non, je t'assure, il n'y a vraiment rien de bien intéressant. » C'était un mensonge, mais pas totalement. Car après tout, même si c'était la seule chose qui se passait dans sa vie, d'un certain point de vue, ce n'était pas forcément la chose la plus intéressante à savoir. Surtout qu'il s'agissait de sa vie privée à elle et à elle seule. Alize sourit à Bianca. « Je t'assure, vraiment pas de quoi s'inquiéter! » Elle réfléchit un instant. « Oh non... J'imagine même pas la déception que tu as dû vivre une nouvelle fois! Oh ma pauvre! J'espère que tu t'en remettras vite, c'est tellement pas cool! »

Je sais que ça énerve bien souvent les gens de la famille de me voir faire. Mais je suis comme ça, et j’aime ça. Et puis, je ne dépense pas non plus des centaines d’euros dans des affaires de pacotilles sur les vides-greniers. Enfin, quoi qu’il en étais, tant que je savais me gérer, c’était le plus important. J’avais l’impression de ne pas avoir vu Alize depuis un bail. En fait, ça faisait un moment qu’on n’avais pas pris une pose dans nos vies, et qu’on ne s’était pas réellement adressé la parole. Parce que vivre sous le même toit, c’est bien beau, mais ça ne fait pas tout. Voire pas du tout tout. Parce que le manque de ma sœur était présent, même si je la savais à côté de moi, dans la chambre au bout du couloir qui menait à la mienne dans l’autre sens. La chance que nous avions, c’était de prendre cette pause dans nos vies ce weekend. Du coup, je pouvais profité de ma sœur en toute tranquillité… en allant au marché. Et alors ? C’est tout aussi bien qu’autre chose, peut importe ce qu’en pensent les gens. Je regardais ma sœur, tandis que nous avancions vers d’autres stands du marchés. J’avais déjà les mains pleines d’affaires, et Alize devrait certainement m’aider à porter, surtout que j’étais de corvée des courses de la maison. Et que le weekend, c’était uniquement au marché, parce que les produits étaient frais, agricole, et surtout délicieux pire qu’au supermarché. Donc, tant pis, j’aurais dépensé une cinquantaine d’euros, peut-être une soixantaine, mais je ne rentrerais pas les mains vides. Et les mains de ma petite sœur non plus. La pauvre, si elle savait ce qui l’attends. Je souris légèrement à Alize pendant qu’elle répond à ma question. C’était assez triste à entendre en fait, qu’elle n’ait rien d’intéressant à me dire. Ou alors, comme je lui avais dit plus tôt, elle devait juger certaines choses inutiles à me dire alors que ça pouvait être intéressant. De toute façon, on fait tout ça à un moment donné, alors ça n’était pas ce qui me ferait lui faire un gros reproche. Alize n’était pas du genre à cacher des choses énormes, de toute façon, du plus loin que je me souvienne, elle a toujours été assez peu douée pour garder des secrets. Ça ne devait pas être aujourd’hui que ça changerait. « Je vois, je ne m’inquiète pas, dans ce cas. » J’avais confiance en elle, et elle le savait. Si elle voulait me dire quelque chose, alors elle pouvait en toute sécurité. Je ne la jugerait jamais. Et même si elle n’avait rien à me dire ou autre. Peu importait.
J’avais osé parlé de mon souci avec Miles. Ce garçon m’en aurait vraiment fait voir de toutes les couleurs. Je ne savais pas vraiment ce que je devais faire avec lui, puisqu’il se moquait quasi ouvertement de moi, me promettant de ne pas partir, et ayant finalement, à nouveau pris la fuite. Je ne savait vraiment pas quoi faire, et je crois que si jamais il se retrouve face à moi, la belle claque qu’il avait tantôt prise, il aurait de quoi se la prendre, comme dernière explication. Quel idiot. J’hausse les épaules après la réflexion de ma sœur. Elle est adorable d’essayer de me remonter le moral. Mais après tout, c’est comme ça, on ne choisit pas toujours. « Oh, tu sais, c’est la vie, on devait pas être faits pour rester ensemble, que veux-tu.. » A dire la vérité, j'étais très triste de ce qui m'arrivait, mais j'essayais de me faire une raison. J'allais certainement passer par les mêmes étapes que dans le passé, mais qu'y pouvions nous vraiment ? Je soupirais, puis regardait ma soeur, un air de malice dans les yeux. On venait d'arriver au stand de Légumes et je demandais au marchand diverses variétés, avant de les récupérer une fois payés. « Dis... Tu crois qu'on arrivera à tout ramener ?»