“undisclosed desires” ▸ Toutes ces conneries ont trop duré. Ou du moins, c’est ce que se dit Will alors qu’il balance son téléphone portable au pied de son lit après avoir répondu à un message de Lane. Ca fait quoi ? Six, sept mois qu’il joue à ce petit jeu débile ? Ce n’est pas lui. Il n’hésite pas, il ne se pose pas de questions inutiles pendant cent ans. Quand il veut quelque chose, il le prend, fin de l’histoire. Et s’il a eu des doutes assez longtemps, il est bien le seul, apparemment tout le monde autour de lui sait depuis des mois que ce qu’il veut là, c’est ce mec. Même Aiden l’a compris avant lui, c’est pour dire. Qu’est-ce qu’il risque, après tout ? D’avoir le coeur brisé ? Ce ne sera pas la première fois, probablement pas la dernière non plus. De tout faire foirer ? Ouais, même histoire. Il est déjà en train de tout faire foirer à se la jouer vierge effarouchée inlassablement depuis six mois. Toute cette mascarade s’arrête maintenant. Ce soir. D’un hochement de tête, il scelle ce pacte avec lui-même et tourne le dos à sa chambre pour quitter l’appartement avant de changer d’avis.

Honnêtement, il ne sait pas trop ce qu’il fait. Il n’a même pas récupéré son téléphone et ne s’en rend compte qu’une fois arrivé dans la rue quand il veut commander un Uber. Il hésite une seconde à remonter le chercher, mais finalement, il se met juste à marcher. Ça lui fait du bien, lui laisse tout le temps dont il a besoin pour réfléchir à ce qu’il va dire. Parce que c’est bien joli de se pointer comme ça, sur un coup de tête, mais il faut qu’il arrive à vendre son truc. Étrangement, Will doute sérieusement de ses chances de réussite. Ce genre de grande déclaration spontanée, ça ne marche que dans les films, pas vrai ? On est dans la vraie vie, là et même si le chercheur en a bien conscience, ça ne commence à l’inquiéter que quand il reconnaît le bâtiment où habite Lane. Il se répète son petit discours une dernière fois avant d’oser approcher.

Il prend une grande inspiration avant de frapper à la porte et profite des quelques minutes d’attente ensuite pour se redonner un air impassible. Il sait ce qu’il fait, se répète-t-il en boucle. Tout va bien se passer, n’en déplaise à son coeur qui manque un sérieux battement quand la porte s’ouvre enfin… Pour dévoiler un type qui n’est clairement pas Lane. Le semblant de sourire que s’apprêtait à étirer Will retombe comme un soufflé. “Salut ?” lance-t-il en regardant au-dessus de l’épaule du brun en travers de sa route. “Je cherche Lane, est-ce qu’il est là ?” Il lance un regard un peu agressif au type qui tarde à aller prévenir le jeune homme qu’il l’attend et doit se retenir de ne pas lui donner un petit coup de main pour aller plus vite quand il se décide enfin à aller passer le message. Sérieux, c’est qui ce mec ? En tout cas, Will décide immédiatement qu’il ne l’aime pas. D’autant plus qu’il doit se retaper une petite séance de stress devant la porte d’entrée à cause de ce crétin.

Elle lui paraît deux fois plus longue et deux fois plus courte avant qu’enfin, il puisse regarder droit dans ces yeux bleus à se damner. Il n’a même pas besoin de se forcer cette fois, un seul regard suffit à lui arracher un sourire éblouissant. À le faire douter et oublier chaque petit mot du discours qu’il a préparé en chemin. C’était une idée stupide. Il sait pourtant que Lane déteste toutes ces conneries romantiques, c’est plus ou moins la seule chose dont ils aient eu le temps de parler au cours de leur premier rencard désastreux. À quel moment il a cru que ce serait une bonne idée de venir lui jouer un plan digne du pire film à l’eau de rose du siècle ? “Hey.” souffle-t-il malgré tout, parce qu’il est là maintenant, donc… “Désolé, j’aurais dû appeler avant de venir, je… Est-ce qu’on peut parler ?” Ce n’est pas du tout à la hauteur de ce qu’il avait en tête, mais il faut bien commencer quelque part, n’est-ce pas ?

 

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“undisclosed desires” ▸ C’est assez exaspérant comme Will se sent nerveux, planté là à attendre de savoir comment Lane va prendre sa petite visite surprise. Bien, de toute évidence. Ça se voit bien avant qu’il ne le confirme à voix haute, à son sourire, au regard qu’il pose sur Will. Le chercheur admire sa patience, à vrai dire. Il est certain qu’à la place de Lane, il aurait lâché l’affaire depuis bien longtemps. Heureusement pour lui, ce n’est pas ce qui s’est passé. Vaguement soulagé, il suit le jeune homme à l’intérieur de la maison. “Ta chambre.” répond-t-il au choix qui lui est offert, sans hésiter, sans même réfléchir à ce que ça implique. La conversation qu’il espère avoir dans les prochaines minutes n’est pas faite pour accueillir un public. En silence, il suit le jeune homme dans les couloirs, légèrement impressionné par la taille de cette maison, mais dès qu’ils sont dans sa chambre, que la porte est fermée, il oublie tout ce qui se passe de l’autre côté en une seconde. Le moment est venu, plus de retour en arrière.

Il s’appuie contre la porte close et lève les yeux vers Lane, mais laisse le silence s’étirer en longueur. Ça le rend à moitié dingue : il lui a fallu presque une heure pour venir jusque là à pieds, il a eu tout le temps pour trouver quoi dire… Alors pourquoi rien ne sort ? La réponse est plutôt simple, en fait. C’est la même raison qui l’a poussé à prendre la fuite chaque fois que l’étudiant a tenté quelque chose ces six derniers mois. Il a peur de tout faire foirer. Il a peur qu’Aiden ait raison et qu’il ne mérite pas qu’on l’aime. Mais c’est faux. Tout ce que le soldat lui a rabâché pendant un an, c’était seulement pour le détruire et tout à coup, ça le met en colère de constater que ça a marché. Il en a fini avec cette histoire. Alors, tant bien que mal, il se redresse et se rapproche un peu, ne laissant que deux ou trois pas entre eux, comme une sorte de distance de sécurité. “Lane,” souffle-t-il, comme s’il prenait une dernière inspiration avant de se jeter dans le vide. “Je crois que je suis en train de tomber amoureux de toi.” Est-ce qu’il essaye de minimiser le problème ? Oui. Il ne traverserait pas la moitié de la ville au milieu de la nuit pour quelques suspicions ou des doutes. D’un geste de la main, il demande au jeune homme de ne pas l’interrompre. “T’es pas obligé de me répondre que toi aussi, ok ? T’es pas obligé de répondre quoi que ce soit, en fait. J’suis pas venu pour te demander de me promettre quoi que ce soit, juste… pour que tu saches pourquoi je te repousse depuis tout ce temps et pour te dire que, si t’en as pas eu marre de m’attendre, je suis là, je suis prêt.”

Dans sa tête, ça sonnait beaucoup moins pathétique. Et ça se terminait aussi très, très bien. Là… Il est quand même un peu inquiet de ce qu’il va récolter. Il a beau dire qu’il ne veut pas entendre les mêmes mots, qu’il peut même se satisfaire d’un silence pour toute réponse… C’est faux. Tellement faux qu’il se sent obligé de rajouter quelque chose avant de laisser une chance à Lane de ne rien dire du tout ou de le dégager d’ici à la vitesse de l’éclair. “J’aurais bien attendu la Saint Valentin pour te dire ça, mais… c’est dans presque six mois. On a perdu assez de temps comme ça.” Contre toutes attentes, il arrive à sourire. Pas sûr que son humour parvienne à atteindre le jeune homme, mais lui en tout cas, il se sent un tout petit peu mieux. Un peu plus léger aussi. Quoi qu’il se passe maintenant, au moins, il n’aura plus ce poids-là sur les épaules.  

 

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