Voilà quelque temps que je ne sors plus que pour aller aux écuries, à l'animalerie ou au stand de tir. Je n'ai plus envie d'aller au motocross ou au circuit automobile. La dernière fois, j'ai eu des ennuis à cause d'un idiot. Je l'ai regretté. Je n'ai pas peur, je ne veux juste pas me prendre la tête et être triste à nouveau. Certains diront que c'est bete. Mais je m'en fiche. Je fais ma vie comme je l'entends, comme dirait grand mère. De toute façon, j'y retournerai. Mais quand l'envie refera surface. Et c'est pas pour de suite. Il faut laisser du temps au temps. Enfin, je l'espere.. Je n'ai jamais eu froid aux yeux, alors pourquoi faiblir maintenant ?
C'est assise sur le canapé de la maison de ma grand mère que je réfléchis. Il faut que je surmonte la peur que j'ai eu la dernière fois. Je dois me remettre à la boxe, c'est plus sûr pour ma défense. Et si je sais me défendre, je n'ai plus jamais à avoir peur, même si je suis seule. Enfin, je suis idéaliste, il y a tellement de choses dans ce monde que limite la boxe pourrait ne pas se montrer suffisante à m'aider. La sonnerie de la maison me tire de mes pensées. Je regarde la montre. Il n'y a personne d'attendu à cette heure-ci. Enfin, peut-être l'infirmière de grand mère, mais il me semblait qu'elle venait une heure avant que je rentre. De toute façon, on verra bien. Quand j'ouvre la porte, ce n'est pas face à une infirmière que je suis, mais face à Miles. Depuis quelque temps, on se voit beaucoup. ça me rappelle un peu quand on était plus jeunes, amoureux et surtout irréflechi. Ce temps ne me rend pas nostalgique. Mais je suis toujours contente de le voir, même en temps qu'amis. Salut, Miles! dis-je en souriant à mon amis.

Miles fume. Depuis toujours, je le réprimandais à ce propos. L'odeur de tabac froid, peu pour moi, merci. Mais bon, on ne peut pas changer les gens, et malgré tout, je m'y suis habituée. Même si je trouve assez sympa le fait qu'il fasse attention à ne pas m'emboucaner avec la fumée. De toute façon, si quelqu'un fumait dans la maison, Grand-mère pêterait un câble, ça, c'est sûr. Mais bon. Je lui sourit gentiment, et m'écarte un peu pour le laisser entrer. Non, pas du tout. Entre ?
Je me fichais qu'il se justifie ou non. Après tout, ça m'était déjà arrivé d'aller squatter chez des gens à pas d'heure.. Alors, 17:00 c'était encore raisonnable. Les travaux.. voilà un sujet dont je ne comprenait pas la venue. Mais je me taisais. La situation me semblait tellement incongrue, que j'avais l'impression que j'allais partir dans un fou-rire. Autant ne pas blesser mon ami qui était devant ma porte. Même si je savais que Miles n'était pas non plus ultra-susceptible comme je pouvais me montrer des fois. Je le regardais, sans trop savoir quoi dire, et apparemment, il en était de même pour lui. Pourquoi cette espèce de gêne, tout à coup ?
Et bien évidemment, le fou rire qui me prit en réponse à sa question n'était pas vraiment pour aider, bien au contraire. Mais pourquoi ? Pourquoi il avait essayé de briser le silence, et surtout avec ça ? Je me calmais petit à petit. Oh, juste une émission sur les animaux.. Et toi ? Quitte à faire dans l'incongru, autant continuer. J'attendais sa réponse et lui proposais : tu veux boire quelque chose peut-être?

Je regarde Miles, tout en restant, au départ, silencieuse. Le voir ici faisait remonter des souvenirs, certes, mais ils étaient tellement lointains. Miles était un chaître important de ma jeunesse, et je ne suis pas sûre qu'un jour il ne fasse partie d'autre chose. De toute façon, j'ai autre chose en tête, et on est tous les deux assez adultes pour savoir faire la part des choses entre le passé et le présent. Il ne faut jamais s'amuser à les mélanger, sinon, c'est la pire des choses qui ne puisse arriver.
Je regarde Miles. Sa réponse à ma question renversée me semble tout à fait ressemblante à ce que j'imagine du "lui" actuel. Un peu comme son ancien lui, en fait. J'imagine que ça devais être cool.
Je suis assez pensive. Les sorties, en ce moment, c'est pas mon fort. Mais merde, je me morfond pour ce qui m'arrive, alors que j'ai toujours appris à garder la tête haute. Si mon père me voyais, il aurait certainement honte de ce que je lui montres. De mes réactions, et de ma peur, qui sont toutes injustifiée. Bianca, Bianca, ressaisis-toi ma grande! Parcourue d'un léger frisson au souvenir de ce qui me bloquait presque à la sortie, je me redressais et regardais Miles. Voyons, tu ne déranges pas, Miles. Au contraire, ça fait plaisir de te voir par ici.

Il n'y avait aucun doute : de voir Miles me faisait vraiment très plaisir. Mais j'avais été tellement mal quand il avait décidé de partir, sans vraiment me prévenir, juste à me mettre face à sa décision le jour même, sans qu'on ne puisse en discuter, et puis, je n'avais pas eu de ses nouvelles, enfin, que très peu, et ça ne m'avait pas donné l'impression que ça continuerait ainsi. J'avais vécu son départ comme un abandon. Comme celui que j'avais subit de mes parents, d'abord de ma toxico de mère, et puis de mon père, qui nous avait laissée, India et moi, à notre grand-mère, la personne en qui il avait plus confiance au monde, pour essayer de pouvoir avoir une vie décente avant que nous puissions vivre de nouveau ensemble. Mais à l'époque, j'avais dix ans. Désormais, j'en avais vingt-six, et aucune nouvelle de cette vie qui arrivait, juste des visites dont l'au revoir était toujours aussi proche pour nous laisser croire que la famille serait un tant soit peu réunie. Pour Miles, l'abandon avait été différent, en quelque sorte. Mais le sentiment, lui, était toujours le même. Alors oui, j'avais continué ma vie, même si explicitement, rien n'avait été dit par rapport à notre relation. Et il en avait fait de même. Qui en était vraiment à l'origine, là, c'est une question dont la réponse est assez floue. J'aurais été tentée, par moment de dire que c'était lui. La faute était plus facile quand elle n'était pas nôtre. Et puis, c'était ses actes à lui qui m'avait poussé à faire comme si de rien n'était. Mais en vérité, je me doutais que si je l'avais attendu, on aurait certainement repris comme si la vie avait juste été en pause. Sans mes doutes et mes craintes venant de mon passé, on serait certainement encore en couple. Mais je ne savais même pas si j'étais heureuse de le revoir parce que je l'aimais encore, ou si tout simplement, je le voyais comme un ami dont la présence m'apaiserait.
Sa question me fait baisser les yeux. Parfois, j'ai l'impression qu'il lit en moi. Comme un livre ouvert. Pourtant, ce n'était pas comme si je laissais facilement voir mes émotions. Il me connait, comme un membre de ma famille. Comme Nonna ou India. Je soupire légèrement. Sa question me met bien plus que mal à l'aise. Si seulement j'avais une vraie réponse. Je... je ne sais pas, Miles commencait-je à lui dire. Je suis perdue par tout ce qui m'arrive en ce moment, et je ne sais même pas comment l'exprimer. J'ai envie de pleurer. Pas à cause de ses questions, de sa présence ou autre. Mais parce que je ne sais pas où j'en suis, je ne sais pas ce qu'il m'arrive. J'aimerais juste ne pas avoir à me poser de questions, si souvent. Et je n'ai pas forcément envie de lui parler du sentiment d'abandon. Je ne veux pas passer pour ce que je suis. Une égoïste. Le temps nous joue parfois des tours, tu sais.. Je soupire, et remet une meche de cheveux qui me tombe sur les yeux en arrière. Il faut vraiment oublier les soucis. Je ne veux pas dire oublier qui nous sommes. Mais ne pas penser à ce qui a fait que nous ne sommes plus ensemble. Je ne pense pas que si jamais nous sommes amener à être à nouveau un couple, ce sera parce qu'on aura pensé au passé, mais plutôt au présent et à l'avenir.

Je le regarde attentivement. Et plus je le regarde, plus je sais qu'il sait. Mes mensonges, il n'y a jamais cru, alors c'est pas encore aujourd'hui que ca va arriver. Je me mords la joue, quand il pose sa main dessus. Je baisse la tête légèrement, mais ce n'en est pas plus du rejet Parfois, je préfèrerais qu'il me connaisse un peu moins. Ca lui fait du mal de reparler de son école militaire. Ca NOUS fait su mal. Alors, a quoi bon continuer sur cette lancée. Il y a des fois ou je me dis que si nous ne nous étions jamais rencontrés dans notre jeunesse, se connaitre a présent ne serait pas si difficile par moment. Mais je me dis aussi que nous sommes désormais très différents, et que peut être que nous ne nous serions jamais parlé. Alors, je suis plutôt heureuse que la jeunesse nous a permis de nous rencontrer. Malgré les soucis que ca a pu entrainer dans nos vies. Je ne sais pas comment la vie de Miles a évolué. Plus de dix ans sans se voir, sans avoir de nouvelles, c'est impossible pour un couple. Alors c'est certainement mieux ainsi. Quand je lui ai dit que le temps nous jouait des tours, j'etais des plus sincère. Il avait rendu la distance ainsi que la rupture implicite facile a accepter. Il m'avait rendue incertaine a bien des égards.
J'avais toujours été distante. Enfin, involontairement, autant l'avouer. Alors, quand je voyais les autres montrer leurs sentiments, et quand cela se traduisait par des larmes comme pour Miles, j'etais confuse, et je me le reprochais un peu beaucoup.. Ne pleure pas... Ce qui est fait est fait. On ne peut rien y changer, tu sais.. Il faut essayer d'avancer malgré notre passe. Je t'ai déjà pardonné.
On m'avait toujours dit qu'être rancunier ne faisait rien avancer. Alors j'essayais de suivre ce conseil meme si ce n'etait pas chose facile. Meme si, pour le cas, pardonner a Miles de ses choix de jeunesse n'etait pas non plus très difficile, il ne fallait pas aller chercher le bout du monde.

A dire vrai, je ne sais pas où j'en suis. Je ne sais pas ce que je ressens pour Miles, même si je crois bien que l'amour que j'avais pour lui auparavant est parti. Mais dans un sens, ça peut bien se comprendre, cela fait plus de dix ans que nous ne nous étions pas revus quand enfin, nous nous sommes recroisés. Et même si à mes seize ans, j'étais folle amoureuse de lui, je dois avouer que de laisser passer dix ans de ma vie à aimer un fantôme, ce qu'il était au final devenu, ça aurait été impossible pour moi. Au final, j'aurais été odieuse et fait des choses dont je n'aurais pas été fière. Même si je n'en menais tout de même pas large, je l'avoue.
De le voir ainsi, si malheureux et triste, j'en suis mal à l'aise. Si je pouvais faire quelque chose pour l'aider, et ce, sans me créer de soucis, sans aller à l'encontre de ce que je désire. OUI, vous pouvez le dire, je suis égoïste. Je pense d'abord à mon petit confort personnel. Mais je suis comme ça, qu'y puis-je vraiment ? On ne peut pas se changer, et dans un sens, c'est tant mieux, si tout le monde était parfait, on s'ennuierait. Mais il ne faut jamais montrer ses défauts au grand jour. C'est pour ça que je me garde bien de faire savoir mon égoisme.
J'allais ouvrir les fenêtres de la terrasse, la chaleur du soir étant assez épuisante. Puis, je revenais vers Miles, et m'asseyais sur un fauteuil, ramenant une jambe vers moi. Sa question me fit légèrement hausser les épaules. De moi, tu n'as pas loupé grand chose. J'ai continué l'équitation.. Je suis monitrice actuellement. Un ou deux ans après ton départ, Alize a eu des troubles alimentaires, Nonna et moi, on a eu très peur pour elle, mais aujourd'hui, ça va.. Que dire d'autre ? je continue la motocross... et j'ai commencé le tir.. Sinon, il y a pas vraiment à dire.. Tu n'as pas raté beaucoup de moi, tu sais. J'évolue très doucement.
Je baisse la tête. Le pire dans tout ça ? c'est que c'est vrai. Je ne bouge presque pas d'un moment de ma vie à un autre. Un soupir, et voila le tout balayé de mon esprit. Et toi, alors, qu'est-ce que tu es devenu ?

Je posais ma tête, enfin, plutôt mon menton sur mon genou et écoutais patiemment ce que Miles disait. Il n'avait pas vraiment vécu des choses très heureuses. Dans un sens, quand on était soldat pour le compte de l'armé, ce n'était jamais vraiment quelque chose de magique à vivre, je m'en doutais bien. La guerre désarmais presque littéralement les pays. Et pas qu'au sens premier du terme. Aussi en nombre de vies humaines. Il fallait beaucoup plus que du courage pour s’enrôler dans les rangs d'une armée. C'est un quelque chose que jamais je n'aurais pu faire, personnellement. Je ne comprends pas forcément ce qui pousse quelqu'un à devenir soldat et faire la guerre, mais je pense que chacun à ses raisons. Et Miles aussi. Son récit me fatigue. Pas dans le sens que ça m'ennuie, m'énerve ou autre. Mais l'entendre parler des horreurs qu'il a vécu, ça me donnerait presque la nausée. L'énergie dont il a eu besoin fait contraste avec celle qui s'épuise peu a peu en moi. J'avais un peu de la peine pour ce qu'il avait vécu. Un esprit était à jamais heurté parce qu'il pouvait se passer, ce que l'on pouvait voir ou vivre. Je soupirais légèrement et le regardais silencieusement. Je dois avouer qu'à ce moment-là, je n'avais pas envie de décrocher le moindre mot. Même si le silence dont je faisais preuve n'avait été que de très courte durée. Je suis désolée pour toi, Miles.. ça.. ça n'a pas du être vraiment facile.. et même aujourd'hui..
Je savais que désormais, il tenait un garage. J'en avais entendu parlé au stand de tir, je pense que la conversation concernait un de ses employés et un étranger. Donc ce n'est pas avec un grand étonnement que j'entends qu'il est propriétaire d'un garage. Et ce qui concerne le FBI, je trouve que c'est une bonne idée pour lui. Il a toujours eu une excellente capacité de déduction. Donc c'est tout à fait honorable et louable de travailler avec le bureau fédéral d'investigation... Il doit certainement être une aide précieuse. Mais je ne peux pas l'affirmer avec certitude. Même si je n'en doute pas.