J'avais passé la soirée de la veille à picoler, avec une partie de l'équipe avec laquelle je travaillais. Enfin, sauf mon coéquipier qui s'était avéré être atteint d'une vilaine grippe, et qui était presque littéralement cloué au lit. Du coup, quand mon réveil avait sonné, je m'étais retrouvé tout bêtement à essayer d'ouvrir les yeux sans avoir cette impression qu'on donnait un coup de marteau sur ma tête dès que je me concentrais sur une visions précise, ou encore l'impression que les bruits étaient amplifiés par mille, et résonnaient au fond de mon cerveau, y créant de multiples troubles.
Autant le dire, je n'étais pas le policier modèle dès que je sortais des cloisons du commissariat. Non, je faisais un peu n'importe quoi, sans pour autant aller à l'encontre de la loi. Étrangement, mon caractère de policier restait ancré en moi, et je n'arrivais pas à faire quoi que ce ne soit d'illégal. Et s'il pouvait m'arriver de fumer des joints, c'était quand j'étais en congés, et que je n'avais pas l'impression que le boulot me retrouverait d'une seconde à l'autre. Alors, la plupart de mes soirées se résumaient à des sorties nocturnes et tardives, et à une alcoolisation parfois démesurée.
Mais malgré tout, je me devais de me lever, gueule de bois ou non. Alors, après de multiples efforts, qui me prirent plus longtemps que d'habitude, je me préparais, et finis par quitter mon chez moi, qui me semblait, en ces jours-ci très douillet, après avoir bien pris soin de mettre des lunettes de soleil, une casquette bien visée sur ma tête, et d'avoir prévu des bouchons pour les oreilles. Après tout, les commissariats étaient plutôt bruyant, particulièrement l'endroit où je travaillais. Autant garder une assez bonne santé tant auditive que de l'entièreté de mon cerveau qui semblait sur le point d'exploser.
Dans ma voiture, il règnait un silence de mort. Oui, bah quand on a besoin de calme, on fait tout pour le trouver. Et je dois avouer que je n'avais jamais roulé aussi peu vite en me sachant en retard pour me rendre au boulot. D'habitude, je dépassais sans la moindre honte les limitations de vitesse. Et bien, oui, quand on a un gyrophare sonore, on ne se prive pas que croyez-vous ? Mais là, je n'abusais pas des privilèges que d'être agent de police. Non, tant pis si je me faisais taper sur les doigts. Mon équipe serait solidaire, et ne dirait pas que nous avions passé la veille au soir à picoler comme personne, et je n'aurais qu'à inventer, et dire que j'ai certainement dû chopper un coup de fatigue à force d'avoir côtoyé un partenaire malade, qui d'ailleurs, ne revenait pas avant la fin de la semaine; Enfin, peu importait ! Je saurais me débrouiller si besoin !
D'ailleurs, je ne tardais pas trop à arriver sur le lieu de mon travail. J'avais pris grandement soin d'éviter mes supérieurs que j'avais croisé en pleine discussion. En ce moment, de ce que j'avais compris, le commissariat allait subir une réforme. Alors, par contre, s'il s'agissait d'une réforme nationale, ou simplement au sein du commissariat, sur l'organisation, les emplois et autres, je ne savais pas. Quoi qu'il en soit, s'il s'agissait du nombre d'emploi, autant se faire tout petit. je n'avais vraiment pas envie de me faire renvoyer à cause de mes retards répétitifs, et de mon manque de travail avant qu'au moins deux heures ne soient passées depuis mon arrivée le matin.
j'allais à la machine à café pour prendre le petit déjeuner que j'avais du coup raté le matin, en partant de chez moi. L'avantage, c'était qu'il y avait tant des distributeurs de boissons (froides ou chaudes) que de nourriture. Au moins, les cas sociaux comme moi étaient servis, et avaient de quoi se rattraper. Une fois mon café pris, je m'appuyais sur une table haute de l'espace, et commençait à prendre mon pseudo petit-déj. Alors que je commençais à croquer mon pain au chocolat, je vis un collègue passer à la machine à café. Je lui souris et lui dit la bouche encore pleine de pain au chocolat.
-Chalut Jackchon ! Cha va ?
je buvais une gorgée de mon café pour aider à passer avec le trop plein de pain au chocolat que j'avais enfourné dans ma bouche. J'aimais bien Jackson, même si au début, ça avait plutôt mal commencé entre nous pour qu'on s'entende. Maintenant, il s'était montré pour moi comme un meilleur ami. Le voir en arrivant au boulot c'était assez sympa. Et travailler avec son meilleur pote, tout en ne travaillant pas vraiment avec lui, c'était assez agréable.

Il fallait vraiment que je me calme. Arriver à avoir si souvent la gueule de bois, que ce ne soit en semaine ou non, c'était peut-être abuser. Mais j'avais toujours été comme ça. Du plus loin que je me souvienne avoir pu sortir le soir, j'avais toujours été trop loin, tant dans ma consommation d'alcool, que dans le flirt, ou même le fait de rentrer bien trop tard alors que le lendemain signifiait de se lever tôt. je finissais par en payer les conséquences. Je n'étais plus tout jeune, et on finissait par s'épuiser bien plus vite qu'auparavant. D'ailleurs, ce matin-là, je le payais plus que je ne l'aurait jamais pensé. Alors quand, après m'être arrêté à la machine à café, je croisais Jackson, je lui souriais, mais pas trop fort, pour ne pas avoir l'impression de fissurer mon visage qui me tirait tant la fatigue était présente. D'ailleurs, elle l'était également chez lui. Mais on voyait sur le visage de mon collègue que c'était uniquement parce qu'il n'avait pas dû beaucoup dormir. Pour ne pas dire qu'il n'avait pas dormi du tout, en fait. Alors que je suis sûre qu'en comparaison, si on me regardais, on voyait que j'étais totalement défraîchi. Que j'avais passé la soirée dehors, que j'avais la gueule de bois, et que d'entendre les voix qui parlaient fort au sein du commissariat me faisait froncer les sourcils tant elles martelaient mon cerveau. Même celle de Jackson, qui ne parlait pourtant pas particulièrement fort, finissait par me donner l'impression de résonner continuellement dans ma tête. Mais je décidais de ne pas le montrer. Si ça se trouvait, ça finirait par se tasser, à force de ne pas montrer combien c'était difficile de se tenir debout ici, dans un environnement assez bruyant.
-ça va ça va !
mentais-je, tel un "arracheur de dents". Dans un trou, sous terre, on on n'entendait plus rien, je pourrais presque dire cela sans que ça ne soit totalement un mensonge. Enfin, dans un autre sens, comment me plaindre alors que lui semblait avoir passé la nuit à bosser ? Ce serait totalement injuste. Et pas réglo. Alors, je me taisais. Mais ça devait se voir comme le nez au milieu de la figure, en fait. Vu sa question, il ne fallait pas être totalement aveugle pour s'en rendre compte. J'hochais la tête après avoir pris une gorgée de café.
- Un petit peu.. Disons qu'on a un peu fait la fête, hier, avec l'équipe.
En disant ça,je tournais la tête vers les bureaux où je travaillais. Apparemment, j'étais le seul à être dans un sale état. les autres semblaient fatigués, parce qu'ils étaient rentrés tard, qu'on avait enfin fini une méchante affaire, mais ils ne ressemblaient pas à des zombies. Ils devaient avoir moins abusé que moi. Je soupirais.
- Mais bon, je dois encore avoir dépassé les bornes, pour changer un peu. Tu es restée au poste toute la nuit ?
Non pas que je pensais que Jackson était un bonnet de nuit, qui ne sortait jamais. Mais il savait se montrer sérieux, et ne pas passer la plus grande partie de ses soirées à boire, jusqu'à en oublier des bribes. Mais s'il avait cette tête fatiguée, ce n'était pas qu'il s'était mis la tête à l'envers. Non, plutôt pas pendant la période de boulot, et c'était un quelque chose que j'admirais plutôt chez lui.

Je tentais de rester concentrer sur ce que me disait Jackson. C'est un mec super sympa, et ce serait assez grossier que de le laisser parler sans faire attention à ce qu'il disait. D'autant qu'il semblait avoir lui aussi tout aussi peu dormi que moi, sinon encore moins, pour ne pas dire pas du tout. Mais pour des raisons plus "raisonnables" que moi. Même si travailler très longtemps, pendant toute la nuit ce n'était ni raisonnable ni sain. Mais qui étais-je pour juger ? A sa proposition de Doliprane, je hochais la tête, mais faisait une sorte de moue qui montrait tout de même que si je pouvais, je préférais éviter les médicaments.
- Merci.
Lui répondis-je, me promettant que si j'avais besoin d'ici une heure d'un quelque chose pour bloquer les coups de marteaux résonnant dans ma tête, je me tournerai vers les comprimés Doliprane de Jackson. Il me sermonnait souvent sur mon comportement. Mais là, cette fois-ci, quand il avait commencé, j'avais senti qu'il s'inquiètait pour moi. Je risquais de me faire virer, je m'en doutais. Mais je restais malgré tout assez sûr de moi. A tort ou à raison, telle était la question. Parce que j'étais un bon flic. En fait, avec mon équipe, on avait les meilleurs taux de résolution de crime de l'Etat. Bon, si ça pouvait s'étendre jusqu'aux Etats-Unis entiers, ce serait super. Mais en Louisiane, on était les meilleurs. Bon, en fait, je crois aussi que ça avait un lien avec le commissariat en lui-même; puisque chaque équipe était très douée. Mais ils seraient fous de nous virer. Je dis nous.. parce que je ne suis pas le seul à faire la fête. Et que je me suis toujours associé au reste. Même si je sais que si je me fais virer,je resterais le seul sans emploi.
- Une nouvelle affaire ? Sur quoi ?
J'espèrais que ce ne soit pas assez indiscret, mais surtout, que ça pourrait laisser passer crème le fait que je n'aie pas répondu, et que j'évitais le sujet du possible renvoi.