Encore et encore des dossiers. Mais Leah est plutôt contente. Car malgré la pile de dossiers qui n'a de cesse de l'attendre et de la provoquer, elle diminue et ça lui fait du bien de se rendre compte du travail qui est bouclé chaque jour. Pourtant, elle sait qu'à un moment donné, la hauteur de la pile s'intensifiera avant de redescendre. Parce que tant qu'elle ne propose pas de poste à pourvoir, elle est plus ou mois seule, ou du moins avec des bénévoles, qui sont généralement là pour leur réduction d'imposition, rien d'autre. Et ça la met hors d'elle de les voir se tordre les mains toute la journée quand elle trime encore et encore. Elle préfère le faire seule, plutôt que d'être reluquée par des gens qui sont juste là pour le fun, ou par flemme de mieux et plus faire. Et là, ça l'agace, parfois, elle enverrait tout chier s'il n'était pas question de personnes ayant besoin d'aide, au fin fond de ces dossiers. Alors elle continue, elle se dit qu'elle aime ça, puis c'est tout ce qu'elle connaît et potentiellement la seule chose dans laquelle elle est assez douée pour continuer. Sa compassion en avait sauvé plus d'un, et sa détermination allait généralement de pair.
Ce jour-là, elle devait se rendre à l'hôpital pour finaliser le dossier d'un vieux monsieur sans abris qu'elle avait tout fait pour reloger. Et, la veille même, elle avait obtenu une place dans un foyer. Parfois, elle n'était pas loin d'être une assistante sociale, si ce n'était qu'elle aimait se vanter d'agir à plus grande ampleur. Ce n'était pas toujours vrai, mais se le dire, c'était réconfortant. Comme si ce n'était pas le système qui agissait sur les gens mais bien les gens qui agissaient sur le système. Alors, elle avait profité de son début de matinée pour faire signer tous les papiers au papi mais également à l'assistante sociale de l'hôpital, non sans lui reprocher de ne pas avoir fait son travail correctement alors que celle-ci était en train de regarder une vidéo de chaton sur son écran. Il n'y avait pas que les bénévoles qui n'en faisaient pas une : même ceux qui étaient payés n'agissaient pas forcément.
Elle se fit interpellée par une infirmière qui lui parla d'un des cas qu'elle avait vus passés ou dont elle savait Leandro s'occuper.... avec tous ces dossiers, elle ne savait plus bien. Elle écouta sagement et patiemment l'infirmière lui donner tous les détails de la situation d'Anita. Mais ça ne lui disait rien, excepté le prénom de la petite fille. Ce ne fut qu'après un long moment à entendre parler l'infirmière qu'elle comprit que c'était une simple mise à jour. Le fait qu'elle et Leandro passaient du temps au travail ensemble semblait faire d'eux des personnes référentes de ce cas. Alors qu'en ce qui la concernait... pas tant que ça. Elle écouta jusqu'au bout et remercia l'infirmière.
Elle devinait trop bien où se trouvait son collègue et ami - du moins l'espérait-elle à défaut de mieux - et c'est naturellement qu'elle alla prendre de quoi déjeuner pour lui comme pour elle à la cafétéria. Puis, elle se rendit directement en salle de pause où elle frappa : sans réponse, elle entra et vit Leandro sursauter, à moitié réveillé.
- Du calme, tu vas faire un infarctus. Anita va bien, l'infirmière vient de me mettre à jour. Il est midi et demi... Je t'ai pris à manger. Elle le regarda un instant. Mais tu ferais sans doute mieux de rentrer chez toi pour dormir dans un vrai lit.