Californian nightmare

Bianca & Alize James

Alize était jeune. Enfin, non pas que moi, j'étais une vieille, mais j'avais vécu un petit peu plus de choses, et la déception de la mère, je l'avais vécue quand je n'avais pas quatorze ans révolus encore. Alors, j'avais eu le temps de m'y habituer. Et de faire avec. Elle serait assez forte pour en faire de même. J'avais toujours tenté de lui remplacer notre mère. Mais malgré mes efforts, je n'étais qu'un maigre lot de substitution. Comme toute soeur, trop jeune pour aider sa soeur face à ses difficulté. Comme toute personne n'étant pas sa mère. Alors, je comprenais. Bien que ça soit dur.Mais oui. Et puis, ne t'en fais pas ! Tu as des gens qui t'aiment, sur qui tu peux compter. Même si c'est pas elle. Elle. Rien que de penser à son visage, qui tentait de nous apitoyer pour je ne sais quelle raison, j'en frissonnais. Je la haissais vraiemnt. Au plus haut point.

Mais il fallait passer à autre chose. Et la première façon, c'était de se dire qu'elle était loin. Et que ses attitudes de droguée qui ne s'inquiètait que de sa dope étaient enfermée dans sa cellule, avec elle. Et avec le ressentiment qu'elle nous avait donné, qui s'était accroché à elle plutôt qu'à nous. Il fallait le laisser partir, et espérer que malgré tout, ça ne la hanterait pas. Histoire de ne souhaiter du mal à personne.
Et comme une cruche, j'avais parlé de ses examens, persuadée qu'ils avaient déjà eu lieu. Oh, désolée, je pensais que c'était déjà passé. dis-je, en me noyant dans ma pression. J'avalais ma gorgée, et laissais finir Alize, avant de reprendre. Il n'y a pas de raison. Ta patisserie marche du tonnerre. T'es une bosse. T'es une James, même. Tu vas y arriver ! Je crois en toi. Il ne me manquait plus que les pompoms, pour la soutenir au mieux.

 

Californian nightmare

Bianca & Alize James

J'étais contente, quelque part, d'être tombée dans cette famille. Oui, parce qu'aussi imparfaits soient nos parents, j'avais quand même la chance d'être tombée sur une soeur comme Bianca, et ça changeait clairement la donne, quand il s'agissait d'obtenir un peu de réconfort. C'était clairement mieux que d'avoir une mère incapable de s'occuper de nous et de décrocher de sa drogue. Parce que oui, l'histoire familiale, je la connaissais bien, et même si j'avais tenu à la voir, j'avais toujours regretté que les choses soient ainsi.

Et puis, Bianca avait toujours le chic, quand elle voulait changer de sujet avec moi, de mettre les pieds dans le plat. Pas en revenant sur ce qui avait été dit, au contraire, mais de le faire dans le sujet qu'elle abordait. Parfois mes deux exs, d'autres des meilleures amies qui n'en étaient pas, ou encore le centre de troubles alimentaires... et là, bien moins grave, la date de mes examens. Je laisse donc échapper un petit rire. C'est pas que, mais j'ai l'habitude. Et puis, c'est pour ça que je l'aime ma grande soeur. Parce que c'est une gaffette et qu'elle a le don de dédramatiser avec ses boulettes. Ma petite Bianca quoi. Enfin, grande, mais tout le monde s'en fout, c'est qu'un ridicule petit détail. « Si seulement ! J'aurais du stress en moins ! »  Il fallait dire que j'avais pris une grande résolution : à partir de la semaine qui allait passer, soit quelques semaines encore avant l'examen final, j'allais me remettre à réviser comme une malade, quitte à un peu envoyer chier mon patron. Mes études étaient plus importantes que sa boutique : elles m'assureraient un vrai futur, un futur dont j'avais terriblement besoin.  « Brrrr... J'espère, parce que je n'ai pas envie d'être cette moins que rien qui n'a pas le temps de faire toutes ses pâtisseries et d'élaborer des recettes parce que je me dois d'être derrière une caisse toute la journée. Enfin, même si concrètement, c'est aussi pour ça que je fais des études de commerce, mais au moins je pourrais allier les deux et prendre un peu les devants à la boulangerie. » Elle savait ce que je voulais dire. Prendre les devants, faire bouger le cul de mon boss un peu de temps en temps. Parce que je ne comptais pas rester son sous-fifre toute ma vie. Autant l'être d'un autre patron, qui sait qu'il faut employer d'autres personnes pour gérer.

 

Californian nightmare

Bianca & Alize James

Le temps semblait figé sur cette terrasse de café. On n'avait pas l'impression de rentrer, ou d'avoir vécu quoi que ce ne soit, quelques minutes avant. Enfin, en tout cas, moi, j'en avais quasiment plus l'impression. Et notre soudain mutisme sur la question aidait franchement. Je me sentais bien. Sans contrainte autre que le boulot pour retourner à la Nouvelle-Orléans. Je ne savais même pas si j'en avais envie. Juste de profiter de la Californie. Je ne demandais que ça. D'oublier la maison d'arrêt à quelques kilomètres, et de profiter.
Enfin, je n'y avais pas échappé, je m'étais trompée sur les examens de ma soeur. je me tapais le front avec la paume de ma main. Y a quand même que moi pour me tromper à ce point. mais je suis sûre que ça va bien se passer !
Cela dit, je l'encourageais. Depuis toujours, je disais qu'Alize aurait le monde à ses pieds. C'était le moment où jamais de lui faire comprendre que je croyais en elle, et que si je devais parier ma vie, ce serait sans hésitation sur sa réussite. Il ne fallait pas qu'elle se décourage, elle allait y arriver, j'en étais sûre. Je lui souriais. Et reprenais. je comprends totalement ! Et bien, oui, j'avais fait la même chose avec mon centre équestre, pour ne pas ne pas avoir le temps de faire ce que j'aimais vraiment. Mais ne te décourage pas ! Je suis sûre que tu vas y arriver ! Et tiens, quand t'auras ton petit truc à toi, ta boulangerie, tu pourras prendre Nonna en caisse ! dis-je, en plaisantant, bien que l'idée pourrait ne pas être des pires. Je riais légèrement, je doutais que même si Alize le souhaitais, notre grand-mère n'acceptent. Tout en riant de ma blague -pourrie, qu'on se le dise !- je finissais ma boisson.

 

Californian nightmare

Bianca & Alize James

Le fait que ma soeur aînée se soit trompée à ce point sur mes examens, ça me faisait bien rire. Elle était toujours au courant de tout, mais parfois elle s'inquiétait tellement de tout qu'elle finissait par se laisser submerger. Oui, c'était ça, c'était typiquement Bianca. Elle avait ce don de faire comme bon lui semblait au point de toujours se tromper de pas grand chose quand elle se trompait. Mais je ne pouvais pas lui en vouloir non plus, fallait dire que je n'étais pas la première pour parler des choses importantes de ma formation. C'était ça de n'être pas allée au lycée et de ne pas être allée à l'université non plus ! J'avais un parcours atypique et chaque jour de formation supplémentaire, je croisais les doigts que ça ne me porte pas défaut au moment d'obtenir mon diplôme ou un meilleur job. « Je t'en veux pas, si c'est ça qui t'inquiète ! »  Et puis, je fronçais les sourcils. Je n'étais pas sûre que Bianca avait bien compris ce que j'avais voulu dire. Avoir ma propre boulangerie ? ou ma propre pâtisserie ? C'était un peu de la folie. Non, j'espérais juste un jour être au poste de responsable et de voir davantage d'employés dans cette boulangerie-pâtisserie qui m'exploitait un peu trop à mon goût. « Ma propre boulangerie ? tu me vois là où je ne serai jamais, Bi... Puis, si jamais c'était le cas, tu crois vraiment que Nonna fera la caisse ? Elle voudra plus s'occuper des ressources humaines pour pouvoir me taper sur les doigts, oui ! » Non mais vraiment, n'importe quoi !

Nous restâmes encore un peu à la terrasse du café, nous décidant à rester un peu en Californie pour profiter du soleil et de l'océan jusqu'au lendemain au moins. Les hôtels pas chers, ça devait se trouver. Et nous nous en allions alors à la recherche de l'un d'eux. Au pire, nous dormirions dans la voiture !