Régulièrement, Alexie se rendait dans les administrations pour la validité de ses faux papiers. Ses régulières visites dans le bureau fédéral de protection des témoins apportait à ces faux documents une crédibilité et un soutien discret des guichetiers qui, depuis, se souvenaient bien de la jeune femme, d'autant qu'elle se rendait toujours auprès des mêmes personnes afin que son secret ne devienne pas un sujet de discussion à la machine à café. Elle était si souvent là qu'elle avait sympathisée avec deux guichetières qui lui faisaient la causette chaque fois qu'elles la voyaient. Alexie, ça ne l'embêtait pas trop, même si elle savait se faire discrète, ça la distrayait assez pour que le temps passe un peu moins lentement.

Ce jour-là, c'est avec surprise qu'elle retrouva une tête qu'elle pensait connaître. Une tête qu'elle avait rapidement connue lors d'un voyage scolaire lorsqu'elle était enfant et qu'elle avait perdu de vue depuis quelques années déjà. Avec le sourire, ce fut son côté avenant qui prima aux premiers abords et qui la fit amorcer un pas vers son ancien camarade de sortie, Lodovico. De lui, elle se souvint qu'ils n'étaient pas dans le même niveau scolaire, puisqu'elle était d'un an son aînée, mais elle n'eut pas de mauvais souvenir, raison pour laquelle ce fut son ton avenant et ravi qui sortit de sa bouche. Lodovico ? Lodovico DiBello, c'est ça ? Elle fut certaine qu'il la reconnaîtrait. Elle n'avait pas tant changé que ça, et l'incrédulité se lisait autant dans sa voix que dans son visage, de ne pas s'être attendue à le retrouver dans un tel endroit. Peut-être réussirait-elle à éviter les potins bien croustillants des guichetières.

En dépit d'une seule mésaventure, Lodovico n'avait jamais réellement pâti du mauvais caractère que pouvait avoir l'impétueuse rouquine. Une fois n'était pas coutume, elle avait perdu son calme publiquement après qu'il eût chatouillé son égo et il avait fini la tête dans des feuilles de salade. Soit. Il ne lui en avait pas véritablement tenu rigueur et ils étaient ainsi devenus amis le temps du voyage scolaire. S'ils avaient gardé le contact ils avaient vite fini par le perdre. C'était le lot de la vie de Lexie. À l'exception d'Amon et son père, chaque connaissance avait fini par tomber aux oubliettes. Le fait d'avoir une fausse identité l'éloignait systématiquement des autres : elle arrêtait du jour au lendemain de voir les autres, ou peut-être étaient-ce les autres qui arrêtaient subitement, elle n'aurait pas su le déterminer. Sans doute sa paranoïa qui éloignait absolument tout.

Elle n'avait pas connu sa mère mais la peur de la revoir un jour lui prenait l'estomac. Elle savait que si elle la retrouvait, ce serait son père qui risquerait le plus gros. Quant à elle, se retrouver face à une vie qu'elle n'avait jamais connue, ça l'effrayait. Alexie vivait de la même façon que ce que son boulot préconisait : avec beaucoup de prévoyances. Des prévisions constantes qui la rassuraient dans chaque épreuve de la vie et qui ne laissait que peu de place au hasard et au "destin", comme son père lui disait. Alors, se retrouver face à l'inconnu, c'était inenvisageable, surtout seule. C'était pour ça qu'elle trop régulièrement refaire ses papiers : pour être sûre qu'on ne la retrouve pas.

Elle était là face à un ancien camarade en remerciant le ciel que ce ne soit que lui, pourtant comblée de revoir quelqu'un de son passé. Elle se mordit la langue lorsqu'elle se rendit compte de la question qu'il venait de lui poser. Il y avait deux façons de répondre : la première le plus vaguement possible et la deuxième le plus honnêtement possible tout en gardant son secret bien au chaud. Ma carte d'identité est sur le point d'expirer alors j'en profite pour vérifier que tous mes papiers sont à jour.