Lorsque j’ai reçu l’appel téléphonique de ce jeune homme, j’en suis tombé le cul par terre. D’accord, mon nom est écrit en petit lorsqu’un livre est édité, parce que j’y est contribué en temps que traductrice, mais, je ne pensais vraiment pas qu’il était connu. Et certainement pas connu au point de pouvoir figurer dans une chronique radiophonique de la Nouvelle-Orléans ! A dire vrai, je n’écoute pas du tout la radio, ni même de la musique. Ce n’est tout simplement pas mon truc. Certaines de mes collègues bossent avec les écouteurs sur les oreilles, moi, ça me déconcentre plutôt qu’autre chose, et j’ai besoin de rester concentré. La traduction d’un roman, c’est tout de même une étape importante. Je suis une personne plutôt discrète, timorée même, alors, cette interview, même si je l’ai accepté ; être reconnue pour mon travail est tout de même assez flatteur ; me met mal à l’aise et me rends nerveuse. Tellement nerveuse qu’avant de quitter mon bureau, je me suis vidée dans les toilettes. Le trac me rends malade, c’est plus fort que moi. C’est donc un peu pâlotte, que me rends dans les locaux de Radio Mix, ou l’interview doit avoir lieu. Malgré le GPS dans mon véhicule, j’ai fais trois fois le tour avant de réussir à trouver. Ma nervosité est telle que je ne tournais pas au bon moment. Enfin, j’arrive. Je m’annonce, me tort les pieds comme un enfant qui fait ses premiers pas et pénètre dans le bureau. Une chance, je ne me casse pas la gueule en entrant, comme cette fille maladroite d’un roman que j’ai lu. « Bonjour ! » que je fais, avant de rester muette devant un tel accueil. Ok, je fais du bon boulot, enfin, je crois, mais je ne suis pas une star de la chanson ou du cinéma, juste une simple traductrice. Il n’y a donc pas de quoi dérouler le tapis rouge. « Désolée pour le retard ! » ajoutais-je, en me tordant les mais nerveusement.

Je suis bien loin d’imaginé que cet homme me prends pour une célébrité locale. Je ne sais pas comment je réagirais si je venais à comprendre qu’il y a un malentendu. Je serais sans doute morte de honte et incapable d’aligner trois mots. Remarquez, ça ne change pas de mes habitudes. Au moins, si je mets les pieds dans le plat, je ne me les prends pas dans le tapis. Bégayer et bredouiller, dire des choses hors de propos, c’est toujours préférable à se casser la gueule devant tout le monde, n’est-ce pas ? Je m’excuse bien vite d’être arrivée en retard, mais pour moi, ça me semble important. Après tout, il y a tellement de gens prétentieux. Prenez ma voisine, par exemple, elle se prends pour quelqu’un celle-là, c’est impressionnant ! Elle se croit belle, parfaite, alors que finalement, elle n’a rien d’exceptionnelle. C’est une fille brune aux yeux marrons, comme il en existe beaucoup. Et en plus, laissez-moi vous dire qu’intellectuellement parlant, elle n’a rien d’une lumière. Mon beau-frère dit qu’elle n’a pas la lumière dans toutes les pièces, ça vous donne une idée, n’est-ce pas ? Mais, dans le fond, c’est peut-être justement parce qu’elle n’est pas très brillante qu’elle se croit parfaite. Allez savoir ce qui peut se passer dans sa tête. Moi, en tout cas, je ne suis pas comme ça. J’ai même plutôt tendance à me rabaisser, mais, là n’est pas le propos. Il m’avoue ne pas briller par sa ponctualité et qu’il ne m’en tient donc mas rigueur. Je me pose sur le fauteuil qu’il m’indique d’un signe de tête, alors qu’il ajoute que l’émission est toujours diffuser en différer. « Tant mieux, ça m’aurait gênée plus qu’autre chose de savoir que j’étais diffusée en direct ! » avouais-je alors, sans chercher une seule seconde à masquer mon soulagement. Il me demande ensuite si je souhaites boire quelque chose. « Je veux bien un verre d’eau, merci ! » que je réponds. La nervosité m’avait assoiffé et j’avais le gosier tout sec. Un verre d’eau me ferait le plus grand bien. Et ça m’éviterait de penser ; ne serait-ce que quelques minutes ; que j’allais passer à la radio.

Il ne faisait pas bien chaud dans la pièce. Ou alors, c’est moi qui était frigorifiée parce que j’étais nerveuse ? ça n’est pas impossible. Généralement, quand on redoute quelque chose, rien ne se passe de façon agréable. On a soit trop chaud, soit trop froid. Envie de boire, de manger, d’aller aux toilettes. Là, j’avais froid, alors que clairement, il ne faisait pas froid. La pièce était bien capitonner. Je ne risquais donc pas de m’enrhumer. C’était donc bien à cause de la nervosité que je me sentais gelée de l’intérieur. J’avais hâte que tout ça se termine. Je n’étais vraiment pas dans mon élément. « Je suis désolée, je n’ai pas l’habitude qu’on m’accorde de l’importance ! » que je réponds en prenant maladroitement le verre d’eau qu’il me tends. Ce n’est que la vérité. On questionne les auteurs, les éditeurs, les illustrateurs, mais pas les traducteurs. Nous, on reste dans l’ombre. Ça faisait parti du boulot et ça ne me dérange pas. Être dans l’ombre, c’est encore ce que je préfère. Je déteste être le centre de l’attention. C’est bien pour cette raison que je n’ai pas voulu faire publier ma nouvelle et que je ne le ferais pas. Ma vie ne serait alors jamais plus la même et je n’y tiens pas. Le jeune homme reprends la parole pour me demander si je suis prête. « Oui, on peut y aller ! » bredouillais-je, en me tordant les mains dans tous les sens. L’eau n’avait pas étancher ma soif. Mais, si je réclamait un autre verre, j’allais avoir envie de pisser. Et ce n’était pas le moment de perdre du temps. J’en avais bien assez perdu en me perdant sur le trajet pour venir.

J’ai toujours été dans l’ombre de tout le monde. Le genre de personne que personne ne remarque, pas même les animaux, si on ne croit le nombre de fois ou un pigeon m’a fait sur la tête. J’en ai l’habitude et dans le fond, que l’on m’évite, que l’on m’ignore même, ça m’arrange. Parce que je ne suis pas à l’aise avec les gens, tout simplement. Je suis plutôt timide, alors oui, qu’on ne me porte pas la moindre intention, ça me plait. C’est préférable, tout simplement. Et quand c’est le contraire, quand on m’accorde de l’importance, une importance que je ne suis pas certaine de mérité, ça me gêne, ça me rends mal à l’aise. Voilà pourquoi je préfère dire la vérité à cet homme. Je n’ai pas franchement l’habitude que l’on s’intéresse à moi, ce qu’il semble comprendre. Tant mieux, au moins, ça évitera les questions indiscrètes. J’espère seulement que je n’aurais pas à répondre à des questions des auditeurs. Je connais mon travail, mais si je n’ai pas soigneusement réfléchir à ce que je vais pouvoir dire, alors il y a de fortes chances pour que le tout devienne catastrophique ! Enfin, le bon côté des choses c’est qu’il semble vouloir me mettre à l’aise, et non l’inverse. Tant mieux, parce que je ne suis vraiment pas à l’aise. J’ai le sentiment de ne pas être là où je devrais être. Mais, c’est trop tard maintenant. Trop tard pour prendre la fuite, l’espèce d’appareil dont j’ignore le nom est brancher, et le temps que je respire un bon coup, que j’essuie mes mains moites sur mon jean et c’est à mon tour de parler. « Euh …Bonjour ! » fais-je en me raclant la gorge. Que dire ? « Et bien, j’ai toujours aimer lire et écrire, alors, je suppose que dans le fond, j’ai toujours voulu faire ce métier ! » que je dis, puisque, c’est bien ce qu’il m’a demandé, si j’ai toujours voulu être traductrice ?

Je suis loin de me douter une seule seconde que cet homme me prends pour quelqu’un d’autre. Pour moi, il m’a simplement fait venir parce qu’on lui à demander d’interviewer une traductrice. Je suis loin de m’être fiat un nom dans le métier, parce que, soyons honnête, qui s’occupe de prendre la peine de lire les informations concernant la traduction d’un roman ? Certainement pas moi ! Et oui, j’ai beau être la première à savoir que c’est du travail et que c’est un travail important, sinon, un auteur ne serait connu que dans sa langue d’origine et on passerait à côté de bien des perles rares de la littérature, mais clairement, je ne fais pas attention à ce genre de détails et je sais que je ne suis pas la seule. Voilà pourquoi, je suis toujours autant surprise d’être à la radio. Pas en direct, heureusement, mais tout de même ! Je dois probablement avoir l’air d’une belle idiote, mais qu’importe, il n’y à que lui qui voit mon visage en ce moment. J’ai un rire nerveux et je ne trouve rien à répondre à cela. Par chance, il enchaîne avec une autre question. Une question facile puisqu’elle consiste à lui raconter une journée type de travail. « Et bien la première chose que je fais, c’est de consulter les quatrièmes de couverture des livres que je dois traduire. Ensuite, je continu de bosser sur un livre. Je ne m’attaque pas à un autre roman, tant que je n’ai pas terminé celui en cours. » expliquais-je, alors. « Mes journées se ressemblent toutes, dans le fond ! » ajoutais-je, pour finir.

Spoiler:

Je trouvais bien étrange d’être invitée à une émission pour la radio, parce que l’on n’évoque jamais ; ou presque jamais ; les traducteurs et les correcteurs. On s’intéresse aux auteurs, pas au reste. Mais, ce que je trouvais encore plus étrange, c’était les questions qu’il me posait. Sur le moment, je les avais trouver hors de propos. Pourquoi me demander comment j’organisais mes journées ? Ça me semblait logique. Aussi, je me posais des questions et plus les minutes passaient et plus je me disais qu’il y avait erreur sur la personne. Que je n’étais sans doute pas celle qu’il croyait que j’étais. On invite des acteurs, des chanteurs, des mannequins. Pas des traducteurs. L’idée qu’il me prenait pour un mannequin manqua me faire hurler de rire, parce que je sais bien que je n’ai rien d’un top model. Mais, j’étais là pour parler, alors autant le faire comme si je n’avais pas des doutes sur les raisons de ma présence ici. « Euh … Oui, sans doute ! » bredouillais-je, désarçonnée par la remarque qui n’avait pourtant rien d’un piège. Moi-même, je lisais la quatrième de couverture d’un livre en premier avant de me décider à l’acheter pour le lire. Ou pas. Parce que mon appartement ressemblait à une bibliothèque abandonnée. Il y avait des bouquins dans toutes les pièces ! C’était difficile de s’y retrouver. Il me questionna ensuite sur les livres que j’aimais traduire et dans quelles langues est-ce que je le faisais. « De tout ! Je peux passez de la science-fiction au roman sentimental en un clin d’œil. Mais, j’ai tout de même une nette préférence pour les thrillers. » expliquais-je avant de marquer une pause. « Je traduis beaucoup en français, parfois en espagnol. » continuais-je ensuite.