Love at first sight. Well... Almost

Mael & Will

☾☾ Une grande pièce plongée dans le silence, des étagères couvertes de livres à perte de vue : c’est presque un fantasme devenu réalité quand Will passe les portes de la bibliothèque universitaire de Tulane. Il ne semble pourtant pas très excité à l’idée d’avoir au moins deux heures devant lui pour explorer les lieux comme bon lui semble. C’est tout juste si un sourire parvient à étirer ses lèvres, sans atteindre ses yeux. Ceux-là même qu’il laisse lentement glisser sur la pièce, absorbant chaque détail avec un manque flagrant d’intérêt. Il y a beaucoup de monde, comme toujours ou presque. Même s’il est déjà plus de quinze heures, c’est presque impossible de se retrouver complètement seul ici et il faut supporter la cohorte d’étudiants venus dans l’intention de faire semblant de travailler. Une moue boudeuse vient chasser un instant l’indifférence de ses traits, mais il s’estime déjà chanceux de pouvoir profiter de cet endroit sans avoir à trop fréquenter les étudiants. Quoique la collection de Tulane n’est qu’une vaste plaisanterie à côté de ce dont il disposait quand il étudiait à Harvard ou au M.IT… Enfin, il faut bien faire quelques concessions dans la vie, pas vrai ?

Sur cette certitude à peine suffisante pour le motiver, Will retrouve toute sa nonchalance et s’engage de son pas assuré dans la bibliothèque. Son pas tranquille, ses cheveux et ses vêtements sombres donnent à sa silhouette un peu trop haute et un peu trop mince l'apparence d’une ombre qui se faufile prudemment dans les étalages, fantôme hantant les lieux depuis aussi loin que s’en souvienne les rumeurs et les légendes. Ce n’est pas tout à fait vrai. Il ne traîne dans le coin que depuis quatre mois, mais il y passe presque tout son temps libre sur le campus, quand il n’a plus aucune raison valable de se trouver au labo, mais pas encore la possibilité de rentrer chez lui. Alors oui, il connaît les lieux presque comme sa poche et s’aventure vers les rayons scientifiques avec l’apathie de l’habitude. Même dans ce coin presque reculé et effrayant, il y trouve encore des étudiants. Ça lui fait lever les yeux au ciel, mais tout juste.

La Physique est une source presque intarissable qui fait couler des fleuves d’encre et Will est bien loin d’avoir fait le tour de la question. Mais c’est aussi ce à quoi il passe sa vie. Rien ne l’attristerait plus au monde que de se réveiller un matin sans que son coeur ne batte à l’idée d’une nouvelle étreinte fiévreuse avec sa seule et unique maîtresse, alors au lieu de se pencher sur les merveilles encore inconnues de sa belle, il choisit de s’enfoncer tranquillement dans les étalages consacrés à la mécanique quantique dont il est familier. Il avise vaguement une autre présence dans l’allée qu’il choisit, mais il est particulièrement doué pour faire disparaître les éléments indésirables dans l’arrière-plan du film de sa vie et ne prête donc qu’une très brève attention au jeune homme qui a l’audace de coexister dans son espace. Aussitôt qu’il a pris connaissance de son existence, il pose son regard sur l’étagère la plus proche et commence une lente ascension en ne s’intéressant plus qu’aux tranches des nombreux livres qu’il effleure du bout des doigts.

Il faut un moment avant qu’un titre n’attire enfin son attention : un essai sur le formalisme de Dirac qu’il ne connaît pas encore et qui fera parfaitement l’affaire pour occuper le reste de son temps libre avant que sa présence ne soit de nouveau requise au laboratoire. C’est un moment tellement cliché qu’il en deviendrait presque écoeurant. Son talent pour repousser le reste du monde est si évident qu’il ne constate sa terrible erreur que beaucoup trop tard. Il tend sa main gauche pour récupérer le livre, mais bien avant d’atteindre son objectif, ses doigts entrent en collision avec d’autres. Les longs doigts de pianiste d’une main ferme effleurent les siens, sans douceur. Quand il relève les yeux pour fusiller l’inopportun du regard, son monde est chamboulé. Le temps ne stoppe pourtant pas sa course et son coeur reste désespérément tranquille dans sa poitrine, mais il a bel et bien un petit temps d’hésitation en embrassant réellement la silhouette à côté de lui. C’est comme de se regarder dans un miroir, ouvert sur le passé ou sur une autre dimension. Le garçon qu’il s’est évertué à ignorer pourrait être son frère tellement ils se ressemblent : grand brun aux yeux noisettes, plutôt mignon quoique trop jeune pour éveiller l’intérêt de Will. L’intrigue le fige une seconde ou deux, avant qu’il ne secoue la tête en retrouvant ses esprits et son indifférence naturelle se transforme en menace subtile. “J’ai besoin de ce livre.” informe-t-il, sa voix froide mais pas tout à fait sèche. Il est presque poli, presque désagréable aussi, c’est assez difficile à cerner, mais il ne laisse certainement pas une ouverture au jeune homme pour argumenter. De nouveau, il laisse son regard se promener sur le corps du garçon, de haut en bas, dans un geste étudié qui ne laisse pourtant aucune place à la moindre ambiguïté : il n’essaye pas de flirter, se montre simplement scrutateur. “Les manuels d’initiation à la mécanique quantique sont de l’autre côté, de toute façon.” souffle-t-il quand ses yeux retrouvent ceux de l’étudiant et qu’un sourire suffisant a installé ses valises au coin de ses lèvres.  

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Mael & Will

☾☾ Dernières heures de liberté avant le retour dans sa prison. Contrairement à la plupart des jeunes étudiants de son âge, l'enfermement, surtout psychologique, intervient à chaque fois qu'il rentre chez lui. Il s'est trouvé à la bibliothèque, à profiter de ses heures sans cours pour s'instruire. En mathématiques. En physique et mécanique quantique. Mais en bien d'autres domaines aussi. Car Mael fait partie de ces personnes qui n'aiment pas se limiter. Qui détestent la simple idée qu'une orientation scolaire définisse toute une vie. Comme s'il était question de ne rien apprendre d'autre sur l'univers, les domaines dans lesquels on avançait, sous prétexte qu'il fallait se cotonner au choix d'apprentissage. Donc si on voulait compter, encore ne fallait-il pas savoir parler ni écrire ? Voilà qui ne lui semblait pas réalisable. Et tant pis si ses heures de "découverte" l'empêchaient de se sociabiliser outre mesure. La sociabilisation, il connaissait. Il avait une famille bien assez nombreuse pour pouvoir parler, entendre crier, crier lui également pour dire à tout le monde de se taire. Se taire pour le laisser lire. Pour qu'il puisse se plonger dans un univers qui l'attirerait dans ses profondeurs, de sorte que son cerveau soit capable de mettre en place ce qu'il osait imaginer. Un monde de possibilité qui s'ouvrait à lui, et dont il ne voulait pas être coupé, par pour tout l'or du monde. Et tant pis si ça ne plaisait pas aux autres. C'était ce qui lui correspondait, à lui.

Il venait tout juste de finir un roman. Il aurait pu en avoir les larmes aux yeux, de cette fin. Enfin, si le personnage ne lui avait pas paru si exécrable, alors que, dans le fond, il fallait avouer qu'ils étaient semblables sur beaucoup plus de plans que Mael n'accepterait de l'avouer. D'ailleurs, c'était aussi une des raisons pour lesquelles il préférait être seul : les gens lui rappelaient sans cesse son petit côté vindicatif, son petit côté je-sais-tout. Quand il lisait sa série préféré, il n'arrêtait pas de constater qu'il était un mix très désagréable de Hermione Granger et Draco Malefoy. Les deux personnages qui lui sortaient au final le plus par le nez, incapable de voir la moindre qualité dans ceux-là.

Mais il fallait que Mael lise quelque chose d'autre. C'était comme ça. Il avait toujours ce besoin irrépressible de lire. Comme d'une faim qui n'arrivait jamais à satiété. D'un besoin jamais entièrement comblé. Même tous les livres de l'univers ne suffiraient pas à le satisfaire. Et ce n'étaient pas les romans qui lui plaisaient le plus. C'était tout ce qui était études et recherches, qui étaient rendus dans des écrits captivants, qui le transportaient de telle sorte qu'il avait l'impression d'être, lui, au centre d'un nouveau monde, au noyau de l'imagination créative, pleine de saveurs et de couleurs d'informations qu'il n'avait pas avant. Apprendre, c'était tout ce pourquoi il était fait. Et la vie était trop courte pour pouvoir tout lire. C'était aussi une des raisons pour laquelle il passait plus de temps à lire qu'à être avec les gens.

En s'avançant pour prendre un essai sur le formalisme, un des nombreux sujets sur lesquels il aurait aimé en savoir plus, Mael eu la désagréable sensation de ne pas être le seul à désirer un ouvrage. La preuve en était : la sensation de doigts qui touchaient les siens, avant de s'éloigner, faisant également se retirer sa main, avant que ne s'affrontent les regards des deux aspirants à ce livre. Mael regardait l'homme d'un oeil mauvais. Il ne voyait pas qu'il était lui intéressé par ce que Dirac avait écrit ? Et que bien évidemment, en tant qu'étudiant, il avait tous les droits de le lire, même peut-être avec une priorité sur les... adultes ? A la réflexion de son rival, il haussa les épaules. Et alors ? Il s'en fichait, Mael, qu'il en ait besoin. Parce que lui aussi "en avait besoin". «Et alors..? J'en ai besoin aussi!» dit-il, froidement, implacablement. Rien dans sa voix ne laissait paraître qu'il pourrait lâcher l'affaire. Parce qu'il ne lacherait strictement rien. Mael soupira, agacé face à la réflexion nouvelle de l'homme. «Et après ? J'ai bien le droit de lire ce que je veux. Je pourrais vous retourner le compliment.» fit-il, mine de rien, en réalisant qu'il l'avait déjà vu. Il enseignait quoi déjà ? La chimie ou le nucléaire, quelque chose de bien pourri dans le genre. Il roula des yeux, jusqu'à retrouver ceux de l'homme. «Je suis désolé. Mais je l'ai vu en premier.» dit-il, assez sensiblement discret pour attraper le livre. Et oui ! Et quoi après ? Il allait le lui arracher des mains, peut-être ? Il avait pas intérêt. Ce serait la guerre. Et il était prêt.

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Mael & Will

☾☾ Ce n'est pas vraiment une surprise lorsque le jeune homme refuse de laisser tomber et de permettre à Will de partir avec le livre qu'ils désirent tous les deux. La plupart des gens réagissent de la même manière, la première fois qu'ils ont affaire à l'ingénieur. Et ça ne manque jamais de le faire sourire, comme il le fait à cet instant. Il parvient généralement à se montrer assez convaincant pour que cette première tentative de rébellion ne se reproduise pas. Et pour le moment, ce garçon n'est à ses yeux qu'un enfant. Il ne va décemment pas tenir tête très longtemps. Pourtant, ils se tiennent tous les deux bien droits, à se faire face comme sur un ring, prêts à attaquer à la moindre occasion. Il n'y a qu'une seule légère différence pour les démarquer réellement : où Will semble vaguement amusé, l'autre jeune homme a quelque chose d'agressif qui emplit l'ingénieur d'une joie improbable. Il essaye de donner le change mais la construction est précaire, il suffit d'appuyer au bon endroit pour que tout s'effondre. "Tu peux lire ce que tu veux, mais quel intérêt de monopoliser un livre dont tu ne comprendras pas la moitié des mots ?" demande l'homme en croisant les bras sur sa poitrine, un sourcil relevé qui lui donne l'air de se trouver quelque part entre incrédulité et moquerie pure et simple. Il se trouve drôle, il se croit malin et imbattable et pourtant, il vient de commettre une énorme erreur. En effet, le jeune homme profite de ce moment pour s'emparer réellement du livre et Will, avec ses bras repliés contre sa poitrine, n'a pas le temps de réagir. Merde !

Ça, c'est une surprise. Peut-être que ce gamin a plus de cran qu'il ne le laisse croire, finalement. Une seconde, Will est décontenancé et son sourire de crétin s'efface. Il lutte contre lui-même pour le remettre en place et revient sur sa première impression. Après tout, ce gosse lui plait bien. Il le toise de nouveau, à la recherche d'un petit quelque chose à exploiter et rayonne de nouveau quand il trouve son angle d'attaque. Il se demande, parfois, pourquoi chaque contact qu'il entretient avec les autres doit d'abord passer par un affrontement, un jeu de pouvoir et de domination. Il serait un sujet d'étude passionnant pour un psy. Mais ça n'a pas d'importance, dans le fond, parce que ça ne changera pas même s'il découvrait une fois pour toutes ce qui cloche chez lui. "Qu'est-ce que tu comptes faire de ce livre, sérieusement ?" demande-t-il, sa curiosité passant plutôt pour une nouvelle moquerie. "Le lire, je sais bien." coupe-t-il avant que le jeune homme ne puisse trouver une remarque désobligeante à lui renvoyer, en appuyant ses mots d'un vague geste de la main. "Mais je veux dire, pourquoi ne pas te tourner vers le rayon littérature ? Tu es étudiant en lettres, non ? Tu ressembles à un étudiant en lettres." Il dit tout ça sur le même ton égal et presque sincère, en jetant des regards appuyés de temps en temps comme s'il cherchait réellement une preuve de cette théorie dans l'apparence de l'étudiant. Et il ressemble vraiment à un étudiant en lettres. D'après les critères de Will, en tout cas, ce qui n'est pas nécessairement un gage de réalisme.

"Si tu veux simplement t'ouvrir à de nouveaux domaines, c'est tout à ton honneur et je respecte ça, vraiment !" reprend-t-il en levant les mains devant lui comme pour se protéger d'une autre réponse. "Mais tu ne devrais pas commencer par cet essai, ça ne sert à rien si on ne maîtrise pas les bases de la mécanique quantique." Ce n'est pas tant qu'il est du genre à juger les gens sur une simple impression physique, mais quand même un peu. Et puis, il aime surtout agacer, il n'y a rien de plus passionnant que ça au monde : prendre la tête de quelqu'un juste pour voir comment il va réagir. C'est dans cet unique but qu'il laisse ses bras retomber long de son corps et qu'il offre son premier sourire vraiment agréable à son interlocuteur. "Je peux t'aider, si tu veux. C'est un peu compliqué, mais j'ai l'impression que tu as du potentiel." Il y a peut-être un peu de condescendance dans la voix de Will, mais il se montre déjà bien assez amical et généreux comme ça, d'autant plus qu'il s'adresse à quelqu'un qui vient de commettre le crime impardonnable de ne pas le laisser avoir le dernier mot. Et puis dans le fond, il a toujours rêvé d'être un jour dans le rôle du mentor et du tuteur. Pas comme un professeur, il n'aurait pas la patience, mais pour des leçons particulières, pourquoi pas ? Il conserve d'excellents souvenirs des séances de tutorat de son temps au M.I.T. Vraiment excellents...

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Mael & Will

☾☾Lui qui avait commencé à éprouver une certaine forme de satisfaction à se trouver là, à être entouré de tous ces livres, de toute cette connaissance, il avait failli perdre pied tellement il s'était senti heureux. Défaillant de joie, la réalité l'avait bien trop vite ramené à elle. Et pas de la meilleure façon qu'il ne soit.

Il ne pouvait s'en empêcher, il regardait cet homme d'un air dédaigneux. Il lui voulait quoi, lui ? S'il croyait arriver à lui faire peur, l'impressionner ou qu'il allait pouvoir lui marcher sur les pieds, et bien il se trompait bien fortement. Mael était indéfectible. Enfin, à ses propres yeux.. D'ailleurs, est-ce que c'était au moins comme ça qu'on disait ? Quoi qu'il en était, il ne pouvait rien contre lui dans le sens où il ne vacillait presque jamais. Jamais, même, en fait, quand on y réfléchissait bien.
Posture droite, allure fière, il avait planté son regard dans celui de l'homme qui voulait lui récupérer son bouquin.
Mael se permit de hausser un sourcil en l'entendant. Il pourrait presque rire de cet homme s'il ne s'agissait pas d'un professeur. Quand bien même, prof ou non, il l'agaçait plus que de raison. Comme si son "titre" lui permettait de passer prioritaire et de faire le genre de réflexions qu'il venait de se prendre dans la bouche. «Qu'est-ce qui vous fait croire que je n'y comprendrais pas un mot ?»
Pour le coup, c'était vexant. Mael tenta tant bien que mal de ne pas se broyer les dents en les serrant entre elles. Il tentait de rester le plus impassible possible alors qu'il bouillait de l'intérieur. Dans un autre contexte, l'homme aurait déjà eu le droit à une droite, et Mael, au poignet cassé, très certainement. «Pour un professeur, vous véhiculez une certaine forme de jugement de l'autre. N'êtes vous pas supposé représenter l'égalité des chances et l'objectivité ? Non, parce que là, ça m'a l'air raté.» Dans ce genre de conversation, il se reprochait son accent espagnol qu'il entendait beaucoup, mais apparemment, il semblait être des rares à l'entendre, vu le nombre de fois où on lui avait fait remarquer que s'il n'avait rien dit, personne n'aurait supposé qu'il venait d'Espagne. Il avait l'impression, et d'une certaine façon craignait, que son accent lui lève toute crédibilité.

La question de ce qu'il allait faire avec le livre ne fit qu'ajouter à son désagrément. Evidemment qu'il n'allait pas s'essuyer avec ni se moucher dedans. Il roula des yeux, avant de soupirer. «A votre avis ?» finit-il par sortir, non sans une pointe d'insolence. «Vous voyez, même vous vous avez la réponse à votre question, c'est dire.» finit les politesses et les ronds de jambes. Il n'était plus au lycée. Il finit par laisser échapper un rire rauque. «Je suis subjugué par votre ouverture d'esprit, professeur.» lança-t-il. «Et surtout par votre manque de connaissance en savoir-vivre et en analyse, surtout. Pour un prof en sciences, c'est pas top.» Il souffla, en mettant le livre en arrière, tentant d'arracher tout espoir à cet homme insupportable. «Sachez que vous êtes nul en jugement d'apparence. Je suis étudiant en quantique, mais bon.» Puis, il haussa les épaules, à bout de nerfs, tentant de ne pas exploser tout subitement sur l'homme. «Et vous voyez, au lieu de discutailler de choses que vous ne savez pas, j'aurais déjà trouvé ce que je cherchais dans le livre, et vous l'aurais certainement passé. Mais maintenant, je vais prendre mon temps pour lire chacune de ces pages.» fit-il avec un sourire mielleux et hautain à la fois. A ses yeux, il venait de gagner. Et s'il lui arrachait le livre des mains, il clamerait l'abus de pouvoir qui l'aurait empêché de faire ses devoirs correctement. L'homme était piégé, selon lui. Et c'était bien fait pour lui.

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Mael & Will

☾☾ Un professeur ? La remarque prend Will par surprise. Il ne s’en offusque pas, bien au contraire. Il n’est rien de plus qu’un petit chargé de T.D, mais s’il peut obtenir ce qu’il veut en usant de son soi-disant statut, alors pourquoi se gêner ? “Il ne me semble pas qu’on soit en classe ou que je m’apprête à noter l’une de tes copies, donc si j’ai envie de partager mon opinion, rien ne m’en empêche.” informe-t-il tranquillement, sans élever la voix car malgré ce qu’il prétend, il n’a aucune envie que l’un des employés de la bibliothèque ne vienne à eux et ne les jette dehors. Si, en plus, le Docteur Wietfeldt ou le doyen de l’université apprennent qu’il martyrise de jeunes étudiants, il n’est pas convaincu de conserver son travail très longtemps. Ça ferait terriblement tâche d’être viré d’une étude aussi cruciale pour son avenir professionnel. C’est cette réalisation qui convainc finalement Will de se détendre un peu. Gagner une bataille contre un gosse, il peut le faire où il veut, quand il veut et sa carrière est bien plus importante que d’avoir raison, à vrai dire. Ce garçon est plein de surprise, en tout cas et plus il parle, plus Will se surprend à sourire et à se prendre presque d’affection pour lui. Affection est peut-être un peu fort, mais l’indifférence s’efface peu à peu pour laisser place à un véritable intérêt. Il n’avait pas croisé un garçon aussi jeune, aussi brillant et capable de manier les piques et le sarcasme avec autant d’efficacité depuis… Depuis… Depuis qu’il avait lui-même l’âge de ce jeune homme, en fait. Son côté narcissique apprécie la comparaison.

Il en oublie même jusqu’à la bataille acharnée qu’ils se livraient jusqu’alors pour un simple livre. Will n’en a pas besoin, de toute façon, pas vraiment. “Tu étudies la physique quantique, alors ?” demande-t-il plutôt, ignorant totalement la petite provocation de l’étudiant, totalement indifférent à sa menace. Il est bien plus intéressé par le potentiel de ce garçon que par un sujet qu’il connait déjà. Ce gosse n’a tout de même pas la tête d’un grand scientifique, mais d’un autre côté, Will lui-même n’est pas sûr de ressembler à ce qu’on s’attend à trouver chez un physicien. Peut-être qu’il a tendance à juger sur les apparences, d’accord, mais tout le monde le fait de là où il vient, c’est le meilleur moyen de s’en sortir et de blesser, il l’a appris dans la douleur. “T’es en quelle année ?” continue-t-il avec ses questions, toujours pas spécialement inquiété du fait que son interlocuteur pourrait avoir mieux à faire. “C’est quoi, ta matière principale ?” Il n’est pas concerné de près ou de loin par les cours de physique quantique, mais il passe suffisamment de temps à observer ses collègues qu’il est curieux de savoir lequel d’entre eux à hérité de ce petit prodige. Peut-être même qu’il parviendra à faire oublier cette rencontre désastreuse pour ramener le gosse dans ses filets, ça lui plairait bien d’avoir quelqu’un d’un peu éveillé pendant ses cours, pour changer.

“Qu’est-ce que tu comptes faire, une fois que tu auras ton diplôme ?” Tout à coup, il est devenu pire qu’un recruteur ou un conseiller scolaire. Et il ne semble pas prêt à arrêter ses questions de si tôt, pas tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut en tout cas. Si le jeune homme est aussi patient qu’il l’est, ça risque d’être assez drôle. Enfin, drôle… Encore faut-il avoir un humour bien particulier pour en saisir l’essence. Will pressent surtout qu’il risque de s’agacer de nouveau. “J’imagine que tu as déjà un tuteur qui dépend directement de ton département, mais tu devrais peut-être envisager d’en changer. Tu as l’air d’avoir quelques qualités et du potentiel pour aller loin. Il ne faut jamais se contenter de moins que le meilleur.” Insinue-t-il que le meilleur, c’est lui ? Ça n’est pas tout à fait évident, dit comme ça, mais il laisse le soin à l’étudiant de se débrouiller tout seul avec cette question. Dans un monde idéal, le moment serait parfait pour que Will sorte sa carte de visite, la laisse au jeune homme en lui offrant de l’appeler le jour où il voudra vraiment réussir dans la vie, avant de tourner les talons pour disparaître dans l’ombre, sans donner le temps à son interlocuteur de réfléchir à la question et encore moins d’y répondre. Malheureusement, ce monde n’a rien d’idéal et le jeune homme reste donc planté là à attendre de voir comment va réagir son nouvel ami.