il est sportif, Oliver. l'idée d'une course c'est l'occasion idéale de mettre un peu d'ordre dans sa tête pour qu'il soit fait dans sa vie. et la nouveauté, c'est quelque chose qui lui a toujours plu, il faut le dire. il n'a pas particulièrement envie de faire des kilomètres à plus de six kilomètres heures, sa vitesse de marche normale, mais il s'est inscrit quand même. rien que le gain de la victoire l'a tenté. il aime le sport, il a la ligne, mais qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour des donuts ! il s'approche donc du stand pour vérifier son inscription et qu'on lui donne un dossard. la femme le regarde avec suspicion avant de lui demander où est son duo. il se gratte la tête. il n'en a aucune idée, il n'a pas pris la peine de lire les petits caractères en bas de l'affiche de pub de cette course. il fallait un duo, donc... j'en ai pas lui grommelle-t'il au visage. les yeux de la femme balaient la foule. "vous n'avez qu'à faire un duo avec ce monsieur, il est seul, lui aussi". il tourne la tête vers l'homme qu'elle montre et il déglutine difficilement. ce doit être une blague. mais il est en fauteuil, comment est-ce qu'il va courir ? agacée, elle lui répond avec agacement "vous n'aurez qu'à le pousser !" il s'approche donc du jeune homme en fauteuil. s'il avait su, il serait resté chez lui.

Ces derniers temps, tu commençais presque à apprivoiser ta vie telle qu'elle était. Les séances de Kinésithérapie te donnaient de l'espoir. Celui de remarcher. Ta famille commençait aussi à te voir comme quelqu'un d'autonome. Parce que, escaliers mis à part, tu l'étais.
Alors tu te permettais de reprendre goût à ta vie, et à te motiver à faire des choses. Et,si cette course était une idée de Joy et de Jen pour toi, à la fois pour te changer les idées, te prouver ton autonomie et essayer de te faire de nouvelles rencontres, pour une fois, tu y étais allé de bon coeur.
Le deal était clair : tu y allais, mais tu devais composer seul, avec quelqu'un d'inconnu. Et, ce qui avait été très fortement encouragé par ton psy, tu n'avais pas du tout rechigné au fait de te lancer dans cet inconnu, ce que tu n'avais pas fait depuis plus de quatre ans. Alors tu avais pris ton courage à deux mains et avancé.

En arrivant, on t'avait informé que tu trouverais un binôme avant que la course ne commence, mais qu'il faudrait voir avec les quelques courageux qui se sont inscrits seuls. Tu avais fait mine de ne pas t'offusquer de la réaction de la femme qui t'avait jaugé quand tu avais annoncé participer à la course. Mais dans ta tête, elle était déjà morte deux ou trois fois quand finalement, tu avais haussé les épaules, et attendu à côté du stand d'accueil.

Quand enfin quelqu'un arriva à toi, tu avais fait encore une fois mine de ne pas être dégoûté. Tu l'étais pourtant. Et en voyant sa tête, dans le fond, tu compatissais. Désolé pour vous. que tu lançais, mine de rien. Il n'était pas forcément obligé de te pousser tout seul et en entier : tu avais appris à rouler avec ton engin de la mort. Tes bras s'étaient suffisamment musclés pour lui enlever de la charge à pousser. Et, même si tu compatissais, plus ls secondes passaient, plus tu regrettais d'avoir accepté et d'être là..

il n'est pas le genre à critiquer les gens à mobilité réduite. mais Oliver ne peut s'empêcher de penser qu'il ne gagnera jamais cette course si son binôme est incapable de faire des grandes foulées. et clairement ce n'est pas du tout avantageux si, comme lui rabâche cette détestable bonne femme "il n'a qu'à le pousser". Oliver est doué en sport mais pas au point de pousser plusieurs dizaines de kilos et un fauteuil en supplément. il tourne ses yeux vers le malheureux garçon qui se retrouve en binôme avec un compétiteur qui ne supporte que difficilement la défaite. Oliver soupire. l'autre se dit désolé et il entend l'ironie dans ses mots. il n'avait qu'à être plus sympathique plutôt que s'offusquer d'un handicap. désolé ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. je... c'était maladroit. le jeune Collins à du mal à imaginer qu'ils n'aient pas un avantage compte tenu des circonstances mais il connaît ce genre de concours : les règles sont les règles. vous avez l'habitude de rouler dans ce genre de contexte ? je peux, en effet, vous pousser, mais puisque nous sommes une équipe je n'en ferai rien si vous ne le souhaitez pas.

T'avais pas voulu être là. Et finalement, on avait réussi à te donner l'envie. Et ça, ça comptait beaucoup. Sauf que dans le fond, t'étais pas con, tu savais très bien que tu serais un boulet pour quiconque était ton partenaire. Ce que tu aurais aimé que les choses entre Kamille et toi aillent mieux, et que ce ne soit elle qui soit présente à tes côtés, à porter le dossard jumeau au tien. Mais ça n'était pas le cas. Alors, si t'avais essayé de mettre de côté la réaction de ton désormais binôme, tu ne pouvais t'en empêcher : tu étais gêné, totalement mal à l'aise, et t'avais qu'une envie : que toi et ton handicap, vous disparaissiez de la surface de la piste de course.Ne vous en faites pas, je comprends. Pas évident de courir avec un handicapé. C'est pas forcément ce que j'aurais préféré si j'avais été à votre place. T'essayais de rester lisse et neutre face à la situation. Mais c'était toujours plus facile à dire qu'à faire.
T'haussais les épaules à sa question. Dans ce contexte... non, puisque t'avais jamais pensé que tu pouvais faire quelque sport que ce ne soit, dans ce fauteuil d'acier. Pourtant, tes muscles étaient plus forts qu'auparavant, notamment dans les bras, alors que tu avais toujours été très sportif. Vous avez l'habitude de pousser un fauteuil et un gars de 87 kilos dans ce genre de contexte ? que tu tentais de dédramatiser, avant de reprendre. Cela dit.. concernant mon fauteuil, je pense que je peux le gérer pendant la course. Si ce n'est pas le cas, je vous le dirai. Ce sera peut-être moins encombrant pour vous. Après tout, tu doutais qu'il ne se soit inscrit pour te pousser. Son but premier, ça devait bien être de courir, non ?

Oliver voit bien qu'il a gaffé et qu'il est désormais dans une position qu'il ne voulait pas. il faut dire que le jeune Collins ne s'était jamais retrouvé si promptement face à face avec un handicap physique qui venait l'handicaper aussi. bien sûr, il veut gagner et espère que c'est la même chose pour son partenaire. mais il ignore tout de la conduite à tenir dans ce genre de situation. il a été bien élevé, c'est vrai. dans le respect tout ça tout ça. mais on ne lui a jamais appris à réagir dans ce cas de figure précis. comme il ne côtoie pas le handicap tous les jours, ça ne l'aide pas d'avantage. je... c'est inhabituel, dirons-nous. il s'enfonce à chaque parole alors qu'il cherche juste un moyen d'arriver à la surface et de faire oublier ses réactions tout de même discrimatoires. il sait que c'est pas gagner, mais il essaie tout de même. il hausse les épaules. c'est à voir. mais avec l'élan de la course, ça ne doit pas être impossible. dans tous les cas, faites-moi savoir, oui.

ils se mettent en place. l'ordre de départ est donné et la course ne va pas tardé à être lancée. Oliver se fait à l'idée de ne pas être premier, mais s'ils n'arrivent pas dans les derniers, ils auront du mérite. surtout son coéquipier, en fait, qui a plus de courage qu'aucun autre pour s'être inscrit à une telle course avec son énorme fauteuil. alors s'ils perdent, oliver se contentera simplement de prendre sur lui.