Cette tempête m'avait un peu mise sur le cul, ou plus précisément, mes retrouvailles avec Lodovico. Ça n'avait pas été pour me déplaire, je dois l'avouer, mais ce qui semblait si clair auparavant ne l'est plus tellement à présent. Le devoir a toujours été important pour ma famille, et donc pour moi, mais soudainement, le devoir se retrouve corrompu par un sentiment encore trop inconnu mais plaisant. Et si ce devoir ce changeait, ça devenait le devoir de faire ce que je dois faire pour être heureuse ? Arrêter deux secondes de me soucier des autres, et m'occuper de moi en priorité, malgré Mads et Valentino, malgré ce que mes parents peuvent en penser. Un peu distraite par tout ce remue ménage dans ma tête, les cours à l'université mélangés avec ces jours à la morgue du poste de police étaient  vaguement suivis par mon esprit déjà bien rempli. La fin de journée est presque une aubaine, et je prie pour vite rentrer chez moi, réviser et finir par me reposer en espérant que Mads aura la gentillesse de me laisser tranquille. Je participe aux tâches quotidiennes, mais aujourd'hui, l'envie n'y était vraiment pas, et puisque je déteste faire mal les choses, autant ne pas les faire tout court.

Sortant de l'établissement dans la foule d'universitaires, j'essaye de me sortir de la foule jusqu'à entendre quelqu'un qui semble m'appeler. Je m'arrête un moment en fronçant les sourcils, puis je le vois arriver. Lodovico. Directement, un sourire un peu niais apparait sur mon visage et je profite de cette étreinte, m'enivrant de son parfum et je me sens à ma place, entre ses bras. Je suis presque déçue quand je me sépare de lui, arquant finalement un sourcil.

-Tu viens faire quoi ici ? je demande.

C'est vrai que depuis la tempête, les échanges avec le beau brun étaient plus récurrents, mais je ne pensais que je le reverrais ainsi, ce qui semblait être de son plein gré. Via nos aînés c'était toujours une possibilité, mais l'action venait de lui et ça me surprenait agréablement.
   

Ma vie a toujours été un long fleuve paisible, c'est vrai. Mange, prie et aime, comme dit le titre d'un film, et je ne me suis jamais plainte de cette vie remplie de religion et de bonne foi, jusqu'à découvrir la science, et découvrir par le biais de la fiction, de mes yeux qui voyaient tout alors que ma bouche ne disait rien, que ce n'était pas que ça. Si j'ai tenu à me tenir à carreau quand j'étais encore chez mes parents, car ils en avaient déjà vu pas mal avec Mads, et encore ils ne savaient pas non plus toute la vérité, depuis que j'étais arrivée en Nouvelles-Orléans pour suivre ma sœur et avancer dans mes études, j'étais tentée par le fait de goûter à tout ce que j'ai pas pu faire avant. Faire la fête, sortir plus souvent avec des amis, être un peu plus libre. Bien sûr, je ne pouvais pas en vouloir à mes parents, j'ai eu une excellente éducation, mais il a toujours manqué de quelque chose.

Et je crois l'avoir trouvé, sans le vouloir. La première fois, c'était impossible, je n'ai toujours été que de passage dans cette ville pour rendre visite à mon aînée, mais maintenant que j'y habite, et si j'arrive à mettre de côté ce qui arrive Mads et Valentino, peut-être que je serai capable de goûter à ce que je n'ai jamais pu frôler. Néanmoins, trop incertaine et encore peu confiante, je n'ai pas pu m'empêcher de poser la question conne de pourquoi il est là. A ton avis, Solange ? Captain obvious !

-Plutôt bien, étant donné qu'il s'agit d'apprendre à analyser un cadavre, je dis avec le peu d'humour dont je sais faire preuve. Et ta journée, alors ? Mais tu ne réponds tou... que je commence à dire, avant de lamentablement emmêler mes pieds, boulet que je suis, et manquer de tomber, me rattrapant à Lodovico tandis que je rougis.

Les joues rouges, je bafouille quelques remerciements, regardant mes pieds presque avec haine. Est-ce que, pour une fois, je peux éviter de m'humilier toute seule ? C'est comme si c'était un complot de mon corps entier contre mon cœur ! Pas croyable. Je tente de rattraper ce qui me reste de dignité et je regarde le beau brun, essayant une autre approche. Il faut oser dans la vie, non ? Quitte à se prendre un râteau, ou à frôler l'arrêt cardiaque.

-Si tu ne veux pas me dire ce que tu fais ici... Tu peux au moins me dire ce qu'on va faire ?