Eyes of the tiger
-So many times, it happens too fast - You trade your passion for glory -
Isaac n’existait pas réellement à cet instant. Il était le vaisseau de toute sa pensée convergée entièrement et uniquement vers sa tâche. Il était si habitué à cet état qu’il n’en faisait plus de cas depuis bien des années. Le travail, les longues heures acharnées, ne faisaient qu’un avec sa volonté. Pourtant, il savait qu’il devait s’arrêter. Il savait qu’il avait quelqu’un qui l’attendait à la maison. Mais entre les “derniers e-mails à faire suivre” et les “dernières révisions avant impression”, il n’arrivait jamais à prendre une minute pour se raisonner et enfin rentrer chez lui avant que le soleil n’ait pour sa part abandonné depuis longtemps. Et cela dura de longues semaines, même quelques mois.
C’est la tête dans les échantillons de filtres sépias que, ce vendredi, l’homme d’affaire avait le nez. Il devait choisir le ton et la luminosité du filtre qui serait appliqué sur les flyers qu’un récent groupe de jazz espéraient distribuer lors d’un concert surprise au centre-ville. Une petite représentation promotionnelle, mais cela lancerait leur tournée des bars avoisinants. Isaac avait écouté et réécouté la démo lors de la conception du concept et, encore ce matin, c’était ce qui jouait dans son studio afin de le mettre dans l’ambiance. Ce n’était pas pour demain, mais il espérait terminer rapidement afin de se libérer un peu de temps. “Un dernier coup” avant de rentrer. Pourtant, ils savait qu’il avait encore plus d’une dizaine d’heures à mettre sur ce projet.
Il entendit toquer à sa porte. Il ne répondit pas, sachant bien que seule la secrétaire était avec lui dans les bureaux. Bien sûr, elle se permit d’entrer : lui ne la regarda qu’un bref instant avant que ses yeux ne se posent sur le papier qu’elle tenait dans ses mains. Une lettre urgente? une facture anormale..? À l’approche de la jeune femme, il tendit la main pour recevoir ladite missive, laquelle lui arracha un sourire… à la fois amusé et déconcerté. Il humecta ses lèvres, réfléchissant une seconde à ce qu’il devait faire. Non pas que ce n’était pas clair: la petite flèche indiquant le chemin de la maison était bien placée en évidence sur cette caricature, mais pouvait-il se le permettre? Sa voix d’abord allongée se fit de plus en plus assurée au fil de sa phrase.
-Je n’ai rien d’urgent à l’agenda aujourd’hui, n’est-ce pas?
Isaac se rappelait bien que Kaythlin, par le passé, avait fait les démarches pour vérifier qu’il était libre avant de leur planifier une escapade d’un jour. Il pouvait probablement se fier à son jugement. Il était temps qu’il prenne une pause. Cela semblait plutôt irréel, surtout puisque cette pause lui était proposée de façon si peu conventionnelle. Doucement, comme s’il hésitait encore, il se dirigea vers sa patère pour prendre son veston et son cartable de cuir. Le regard confus de sa secrétaire l’accueillis de nouveau lorsqu’il se retourna vers elle.
-Ma fiancée est une artiste. Et il semblerait que nous fermons le bureau cet après-midi. Je te laisse barrer derrière toi.
***
La voiture se gara dans l’entrée de gravier et Isaac sentit cent kilos quitter ses épaules alors qu’il expirait doucement. La simple vue de la jeune métisse travaillant dans le jardin lui donna l’impression d’être en congé. Ce qui était un peu vrai. Le grand brun pensa calmement que cette sensation de rentrer à la maison pour autre chose que dormir pourrait devenir addictive. Il se sentait bien. Sa main n’avait pas encore quitté son volant que les grands signes de Kay lui indiquèrent qu’il n’avait pas à descendre. C’est alors que la curiosité vint réquisitionner un peu d’espace dans ce tourbillon d’émotion. Le trentenaire suivit du regard la courte scène où sa compagne pris au vol deux sacs suspects sur leur veranda et le rejoint, prenant place sur le siège passager. La rafale de mot qui vint ensuite meubler son silence confortable lui arracha un rictus égayé. Cela suffit à terminer de le dérider. Ou plutôt, à mettre fin au reste de réflexions marqueting. D’un geste, il tendit le GPS à sa copilote afin qu’elle y entre les informations voulues.
-Ou est-ce qu’on va?
Il n’y avait rien d’autre à dire. Cet air transporté que Kaythlin affichait lorsqu’elle avait quelque chose à lui partager était un vent de fraîcheur dans son quotidien et la jeune femme était si empathe et attentionnée qu’il se doutait bien qu’ils allaient profiter d’un moment qu’elle avait réfléchis pour plaire à chacun d’eux. En d’autre mots, il lui faisait confiance sur toute la ligne.
Le GPS les guida tranquillement et, alors que l’homme voyait la maison disparaitre dans son rétroviseur, il se demande s’il était préférable de meubler la conversation. Après réflexion, il laissa place à son appréhension de la journée, plutôt que de parler de travail.
-Quels sont nos plans pour la journée..?
Il réfléchis encore une seconde. Il avait beaucoup de choses qu’il aurait aimé dire, contrairement à son naturel taciturne, mais quelque chose gardait tout cela pris entre sa gorge et ses lèvres. Il hocha simplement la tête en réponse aux nouvelles informations glanées.
***
La voiture de luxe stationnée, le moteur éteint et ses passagers sortis sur le macadam du stationnement, Isaac et Kaythlin pouvaient enfin découvrir ce que la brunette avait choisis pour la journée. La porte du gym était maintenant à deux pas d’eux et le Bahaméen n’en revenait pas d’avoir passé tant de temps sans mettre les pieds dans un établissement de ce genre. Bien sur, il avait gardé ses machines préférées pour ses entraînements matinaux qui, malgré tout, étaient raté quelques fois par semaine à présent, selon le temps dont l’homme disposait.
Isaac posa sa main sur la poignée de la grande porte de verre et s’arrêta net. Ses sourcils se froncèrent et il jaugea sa compagne de la tête aux pieds.
-Kaythlin? As tu le droit de mettre le pied dans ce genre d’établissement?
Sa question semblait stupide dite ainsi, ce pourquoi il lâcha plutôt la poignée pour se retourner vers elle en songeant à reformuler ses penseés. Elle avait un sac, donc elle comptait se changer. S’il s’inquiétait pour sa santé, il n’aimait pas contrôler ce qu’elle pouvait faire et ne pas faire - sauf bien sur qui elle fréquentait. Pour cela, il avait un brin de jalousie mal placée. Il n’y pouvait rien… mais pour ces oignons-ci, il préférait la laisser juger de sa santé.
-As-tu prévu des exercices que tu peux faire.. sans utiliser tes inhalateurs? Ou veux-tu que je te montre des machines sans cardio? Il y a quelques options…
sa tête tournait rapidement et il avait déjà quelques idées en tête, si elle désirait essayer. Sinon, il n’avait pas non plus de misère à simplement l’avoir près de lui. Elle s'ennuierait probablement rapidement, toutefois.
-On va se changer, puis on regardera ça ensemble.
S’arrêtant au comptoir, Isaac pu profiter des passes d’essai. Il ne savait s’il aurait le temps de revenir, et il avait failli payer deux passes annuelles sans réellement réfléchir à ses dépenses, mais il fallait qu’il fasse de meilleures réflexions sur ses achats s’il ne voulait pas devoir travailler plus qu’il ne le faisait déjà. Le commis leur indiqua où se trouvait les salles de change et vestiaires, leur donna quelques conseils concernant les aires et leur souhaita un bon entraînement. Son sac à la main, il accompagna sa fiancée jusqu’à sa porte.
-Attend-moi devant les distributeurs si tu sors avant moi.
Il fallait se l’avouer, il y avait beaucoup de chance pour que Kaythlin soit prête avant lui. Le Bahaméen était plutôt perfectionniste concernant son apparence et il devrait découvrir ce que sa compagne lui avait apporté en guise d’équipement. Et puis, comme ces machines se trouvaient pile entre les deux portes, nul n’aurait besoin de rôder près du vestiaire du sexe opposé.
CODAGE PAR AMIANTE