« Grand corsé noir deux sucres. » « Un chocolat chaud avec pleiiiiin de crème fouettée! » « Un chaï latté sans sucre s’il te plait! » « Expresso presto. » « Un scone au thé avec un latté. » « Un thé glacé! » Les commandes s’enchainent à un rythme effrené. Normal en même temps, il n’y a que chez Starbucks pour avoir un achalandage pareil à deux heures de l’après-midi. Étudiants, travailleurs et simplement des gens en congé, ils se succèdent tous pour avoir leur petit péché mignon préféré. Si j’étais à leur place, je ferais bien pareil! Mais en attendant, je suis de l’autre côté du comptoir et rien ne peut y faire, je dois travailler en mode giga machine. Et j’aime ça. Je bouge, je fais plaisir aux gens et ça m’empêche de penser, penser à des choses auxquelles je n’ai pas envie de penser. Ça fait beaucoup de penser tout ça!
Enfin la foule se tarie et je vais faire un tour de salle, ramassant les déchets laissés là par des clients malintentionnés. Il semblerait que, aujourd’hui ne faisant pas exception, les poubelles ne soient pas assez bien indiquées. Peut-être qu’on devrait ajouter des flèches lumineuses? Idée déjà soumise mais qui n’a pas fait fureur auprès de mon superviseur. Pourtant, je jurerais que ça ferait de l’effet à certains des malpropres qui fréquentent le café. Déposant tout dans la poubelle, je passe ensuite un chiffon sur les tables à ma portée, avançant vers le fond de la salle. Là, sur une chaise, se trouve un de mes clients habituels. « Jesse » est le nom que j’écris sur son verre à chaque fois, parfois j’ajoute un bonhomme sourire à côté. L’ironie de la chose est qu’il ne sourit jamais, je le sais bien après toutes les fois que je l’ai regardé. N’est-ce pas étrange de ne jamais sourire? J’arrive à sa table et je ne tiens plus, il n’y a pas de clients et c’est qu’une question après tout. « Hey! Ça ne vous arrive donc jamais de sourire un peu? Même en coin? Pas que c’est un peu bizarre de jamais sourire, mais oui en fait! Je ne vous comprends absolument pas. »