Comme souvent, j'avais séché les cours. Le vieux frippé qui nous tenait de prof, très peu pour moi. En plus je suis sûr qu'il a dû commencer à se décomposer, entre sa tête et son odeur, sérieusement, y avait des questions à ce poser. Alors du coup, quand j'avais vu sur notre emploi du temps à Joana et à moi, qu'il y avait le vieux, j'ai prétexté une urgence imprévue, et j'avais filé. Elle me tuerait certainement si elle savait pourquoi j'étais parti. Et que je séchais délibérément les cours, alors qu'elle, elle avait toujours couvert mes arrières, me servant d'alibi. Ou peut-être qu'elle s'en doutait, et qu'elle acceptait par amitié. Je n'en savais rien. Mais quoi qu'il en soit, un jour, ça risquerait sans souci d'être le petit trop qui la ferait pèter un câble. Parce qu'elle est gentille, Jojo, mais si on la cherche trop, ou qu'on la prend un petit peu trop pour une nouille, à pas lui dire la vérité, elle peut partir dans de ces colères...
Bref. J'avais passé un peu de temps en ville, à siroté un de ces desserts faits de glace pillée, à diverses saveurs au choix. Pour pas changer, j'avais pris grenadine. J'étais resté un enfant, accro à sa petite dose de sirop. Encore, mieux vaut ça qu'une drogue, non ? J'avais marché pendant une bonne heure, avant de rentrer à la maison. Enfin, la maison.. la colocation, quoi. Le bordel qu'il y avait rendait presque ça impossible de la décrire telle qu'un foyer. Bon, puis j'étais un petit peu coupable, aussi, j'étais le roi du bordel, mais surtout encore plus si ça pouvait embêter quelqu'un. Sauf que là, c'était dans un tel état que j'étais obligé de m'y mettre. J'avais commencé par les espaces communs, nettoyer les déchets de pizza, bières, et autres emballages restés sur place, les mettant dans un sac poubelle que je fermais, et laissais là, à être pris par un des colocataires qui arriverait. Surement celui que ça gênerait le plus. Oh, puis de toute façon, j'avais quasiment tout ranger aussi ! Voulaient pas que je leur fasse leurs lits non plus ? Vivre en communauté, c'était assez difficile pour moi. Pourtant, vu ma famille, j'ai eu de l'entrainement.
Et puis, j'avais ramassé mon linge. Autrement dit, la plus grande partie du bordel de toute la colocation réunie. Juste pour l'info, au total, nous sommes sept habitants. Donc j'étais certainement le pire, mais tant pis. J'avais tout laissé en vrac dans la salle de bain, vu que ça ne rentrait pas dans la panière à linge sale, et que je ne savais pas comment fonctionnait la machine à laver. Ou plutôt, mes rares essais s'étant soldés par des échecs, je préférais ne pas m'y coller tout seul. Matthew allait encore être mon sauveur. Du coup, j'étais vite allé me terrer dans mon trou, ma chambre. J'étais vraiment le pire.

Un peu plus tard, j'avais entendu la porte s'ouvrir, se claquer, pendant que je mangeais un pot de glace que j'avais pris en me faufilant dans la cuisine, et que j'étais en train de vider à l'aide d'une des plus grosses cuillères Certainement Lily-Rose ou Chrissy.. Ou les deux. Rien que cette idée me glaçait le sang. Alors je me rendais sur la pointe des pieds dans le salon, et me retrouvais nez-à-nez (quasi littéralement) avec une rouquine bien énervée. J'arquais un sourcil, et attendait une réaction. Qui ne se fit pas attendre. D'ailleurs, ça m'arrachait un léger sourire en coin.
« Je profite d'être à la maison, pourquoi, j'ai pas le droit ? » demandais-je, avec un calme sans pareil, et un ton qui se voulait pourtant désagréable dans le sens où il était fait pour l'énerver encore plus. Et puis, je reprenais. « Peut-être que c'est la trouille, ou peut-être autre chose que je t'ai donnée. » Pas très fin pour discuter avec ma coloc, mais j'aimais la mettre en rogne. La voir s'énerver était une source de satisfaction par moment. Pourtant, j'adorais Chrissy. Mais je la trouvais mignonne en colère, alors c'était un peu un jeu. Surtout que c'était plus elle que moi qui s'énervait, même si elle arrivait aussi beaucoup à me mettre sur les nerfs. C'était une des seules personnes ne faisant pas partie de ma famille qui y arrivait. Moi qui me voulait être un mec cool, qui ne prenait rien au sérieux.

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Je ne vais pas mentir. J'aimais ma vie, la colocation, la fac, le fait d'étudier la photographie, parce que j'étais plutôt doué, et que depuis petit je m'y intéressais, ce qui faisait que je savais des choses, et que j'en assimilais très facilement d'autres. Mais j'aimais plus encore rester à dormir de temps en temps, sans pour autant que ça n'influe sur mes réussites futures. Je montrerais bien un jour à ma famille que j'étais doué, plus qu'ils ne le pensaient. Et je mettrais ça dans les dents de mon débile de frère. Mais j'étais partisan du moindre effort. J'aurais pu être le meilleur élève de ma classe, si je bossais un petit peu plus que le strict minimum que je faisais, me faisant passer pour un élève bon, mais loin de l'excellence. Vous allez certainement penser que je suis vantard, mais la photographie, c'était vraiment ce pourquoi j'étais fait. Alors oui, si je m'étais un jour donné du mal, j'aurais pu atteindre de meilleures notes, une meilleure technique. Mais voilà, pour l'instant, je pensais un peu plus à ma jeunesse, bien que la réussite reste dans mes cordes de façon à ne pas non plus trop me laisser aller.

Mais s'il y a bien quelque chose qui ne passe pas du tout avec moi, c'est quand on commence à me donner des ordres et me reprocher ce que je fais ou non de ma vie, tant que c'est pas légitime. Je veux dire les seules personnes qui ont la possibilité de me dire quelque chose sont mes parents, et les profs. Et encore, ça ne passe pas toujours. Alors quand j'entendais Chrissy me dire gentiment que je devrais être en cours, ça ne me donne qu'une envie : la faire sortir de ses gonds. Et puis d'un côté, c'était un petit plus pour moi, elle était mignonne quand elle s'énervait. Dommage qu'elle soit une colocataire, mais je m'amusais assez de l'énerver. Même si parfois, ça n'était pas qu'un jeu, et que nos disputes pouvaient aller plutôt loin. Le jeu pouvait tourner au vinaigre, ou simplement ne pas exister.
« Je pense que si, j'ai le droit. C'est autant chez toi que chez moi. » Je n'allais pas mettre sur la table que je faisais partie, avec Matthew, des colocataires de "base" et que l'idée était autant de lui que de moi, bien que la maison ne soit un héritage de lui et de sa sœur. Je grimaçais à sa remarque sur les cours. Ça y était, ça commençait..« Oui, maman, je devrais être en cours. Et alors, tu vas me punir peut-être ? » Si ma première phrase était dite d'un ton assez sarcastique, mais d'une voix mielleuse, la seconde avait été sèche et tranchante. Même ma mère n'avait rien à redire sur ma façon de vivre, alors elle...? Non mais quoi d'autre encore? Cela dit, je reprenais vite le dessus, ou du moins, de ce que j'en pensais, quand je l'entendais dire. Je souriais encore un peu sarcastiquement, et haussais un sourcil, ce qui me donnait ce petit air assuré, qui me faisait croire que je ressemblais à James Bond en plus sexy. Ben quoi, c'est beau, aussi de rêver ! « Je la plains aussi, elle va devoir subir tellement de ta jalousie. Mais ne t'inquiète pas, il y aura de la place pour toi aussi. » Moi, aller trop loin ? Jamais ! Il était clair que je ne sortirais pas avec une Coloc. Et encore moins Chrissy. Ses airs de fausse gentille, et fausse méchante, c'était du genre à me perdre. Il y avait des moments où on était très complice, à la limite plus que ce que je ne l'étais avec Joana, et il y en avais d'autre, je me trouvais à penser qu'avant son arrivée, c'était calme, et mieux. Pourtant, tout le monde savait que c'était mieux maintenant, mais c'était comme ça.