C'était l'heure d'aller chercher Matthis à l'école. Je redoutais un peu ce moment puisqu'il s'ensuivait d'un face à face avec sa maîtresse. La dernière fois, elle m'avait reproché le fait que mon fils manque d'un modèle maternel. Sérieusement, c'était ma faute, à moi, si sa mère avait foutu le camp sans un mot, du jour au lendemain? Non, et j'étais un peu jeune pour me mettre à lui trouver un modèle maternel que j'épouserai. Je n'étais pas prêt à me prendre la tête ainsi. Alors, la boule au ventre j'allais chercher mon fils. « Papaaaa! » me criait-il alors, en sortant de l'école tout en se jetant dans mes bras. Non loin je voyais la maîtresse. Nos regards se croisèrent et déjà, je n'avais plus le choix. C'est toutefois avec un sourire et un regard apaisant qu'elle m'informa que tout s'était bien passé et que Matthis s'était mêlé à toutes les activités proposées avec beaucoup d'intérêt. Ouf ! J'ébourrifais les cheveux de mon fils. « C'est bien bonhomme, Papi et Mamie vont être très fiers de toi, ce soir, en apprenant ça! Tu auras sans doute un peu plus de dessert si Mamie est de bonne humeur! » Décidément, chaque fois je le félicitais, je lui parlais de nourriture. Mais j'étais un estomac sur pattes, s'il y avait bien un héritage à transmettre c'était celui là. « Tu me donnes la main, on va rentrer? » Il acquiesça et s'exécuta. Une journée sans rien de particulier, et plutôt surprenante au final. J'étais bien content que tout se passe si bien, pour une fois depuis qu'Iris était partie. Cependant, je n'eus pas le temps de crier victoire que le destin me fit faux bond. « MAMAAAAAAAN ! » s'écria Matthis sans crier gare. Je soupirai, blasé. Ce n'était pas la première fois qu'il me faisait une crise en la demandant en hurlant dans la rue. Cependant, cette fois, son ton était légèrement différent. Une pointe de satisfaction, sûrement. Je m'accroupissais à sa hauteur.« Voyons bonhomme, on en a déjà parlé non? Tu sais que maman n'est pas là. Elle a dû partir quand tu étais plus petit, tu te rappelles? Elle n'est pas l... » Je m'interrompais, surpris par la vision d'Iris. Non, elle était vraiment là, ce n'était pas une blague. Levant un sourcil, je la regardais droit dans les yeux, sans ciller, le visage fermé. « Qu'est-ce que tu fais là? » Ce n'était vraiment pas l'accueil le plus chaleureux qui soit, mais débarquer à nouveau soudainement après deux ans d'absence, c'était un peu exagéré de mon point de vue. Elle avait intérêt d'avoir une bonne explication pour son inexplicable départ.

Le sang n'avait fait qu'un tour. J'avais cru me glacer sur place. Iris était là. Aussi invraisemblable soit cette réalité, elle était vraie, et c'était bien le problème. Toutes les fois où j'avais espéré qu'elle revienne, espéré que ce n'était qu'un cauchemar duquel je n'allais pas tarder à me réveiller, elle n'était pas venue. Et cette fois, après tout ce temps, elle était de retour? Sérieusement? Mais de qui se moquait-on? L'entendre parler de cette façon à Matthis m'en donnait la nausée et la migraine. Je me demandais bien comment elle pouvait se ramener et lui parler avec sa voix mielleuse... Je me retenais de lui assener le coup de grâce en remarquant avec le ton le plus railleur que je me connaissais qu'il pouvait avoir grandi depuis qu'elle l'avait laissé seul, alors qu'il n'était qu'un bébé et ne marchait pas encore, ni ne parlait. J'étais moi-même perturbé qu'il ait pu la reconnaître. D'accord, il y avait les photos, les vidéos, tout ce qu'il voulait, mais la reconnaître en chair et en os, c'était autre chose, et ça m'impressionnait autant que ça m'effrayait. Et si pendant ce temps, elle n'était pas partie et avait continué à le voir? Cette simple idée suffisait à me glacer encore plus le sang. J'étais en colère de la voir débarquer comme une fleur, comme si rien ne s'était passé, comme si elle n'était pas partie, comme si c'était normal qu'elle revienne, comme ça. Dieu merci, j'avais juridiquement tout fait pour qu'un retour du genre ne me porte pas défaut. « Ca te paraît aussi facile de revenir, de faire comme si de rien n'était? T'es de retour. Ca me fait une belle jambe, tiens. » le sourire d'Isis me donnait envie de lui hurler toute la peine qu'elle m'avait causée. Mais regarder son sourire me forçait à regarder ses lèvres. Pense à autre chose Eliott, pense à autre chose. Elle m'avait manqué, c'était certain. Mais c'était fini, tout ça. Elle avait manqué à tous ces jours où j'espérais qu'elle revienne, mais je n'espérais plus maintenant, c'était trop tard. « Apparemment, ça ne va pas aussi bien que toi. T'es de retour dans ta vie toute pourrie que t'as fuit, c'est ça? » Je n'arrivais pas à être gentil. La rancune m'étouffait, je ne pouvais pas l'accueillir à bras ouvert comme s'il ne s'était strictement rien passé depuis.« Moi, eh bien, la maîtresse elle m'a dit que je deviens plus fort en classe! Et tu sais maman, tu me manques beaucoup, mais j'ai réussi à m'habituer que tu sois pas là, très bien même » Qui de Matthis ou d'Iris était pire à cet instant, je n'en avais aucune idée. Mais je n'aurais vraiment pas aimé être à sa place à elle. Ces mots qui n'avaient pas de mauvaise pensée en sortant de la bouche de mon fils pouvaient s'avérer blessants. Et même sans ça, même avec toute la mauvaise volonté du monde, je ne souhaitais pas à Iris d'entendre ça. Une fois encore je m'accroupissais pour être à sa hauteur. « Voyons bonhomme, maman ne va pas être contente de savoir ça, d'autant qu'elle est là maintenant. » Ca me brisait le coeur une nouvelle fois, mais c'était vrai, elle était là, désormais.

Le plus agaçant, c'était qu'Iris ne se rendait pas compte. En fait, elle se rendait jamais vraiment compte, même avant son départ. Pour elle, revenir, c'était comme si rien ne s'était passé, c'était un acte complètement sensé et normal. Moi, je n'étais pas du tout d'accord avec cette perception des choses. J'avais vécu l'abandon, et Matthis aussi, c'était sans doute le pire. Alors qu'elle revienne comme une fleur, limite en disant à Matthis qu'il allait vivre avec elle, ça me hérissait complètement les poils. Que faisait-elle du fait que c'étaient Chrissy, Joan et ma mère qui avaient été les seules figures féminines qui pouvaient s'assimiler à une figure maternelle. Et ce simple fait me rendait détestable avec Iris. C'était complètement insensé de penser que je n'avais plus de sentiments pour elle, parce qu'en un sens, elle était mon premier amour, et sans doute que je l'aimerais toujours. Mais je n'arrivais pas à lui pardonner ce qui me donnait une vision très déformée d'elle. Ma colère était telle que je me montrais froid et méchant avec elle. C'était là ma seule carapace. Me rendant compte que Matthis n'avait pas à assister à la bataille que je mènerai sûrement contre Iris, j'inspirai profondément. Je n'allais pas être plus sympa, mais je serai certainement moins violent dans mes paroles. « Tant mieux pour toi, mieux vaut que tu te plaises dans ce que tu fais. » La froideur de mes mots faisait bien comprendre que je n'étais qu'à moitié sincère. La seule chose qu'Iris aurait dû retenir, c'était le "tant mieux", qui signifiait très clairement "je m'en fous". Ce fut toutefois Matthis qui me fit réagir avec ses paroles. J'avais le droit de la détester parce qu'elle m'avait brisé le coeur. Mais Matthis ne devait pas suivre mon exemple, simplement parce que je ne lui avais jamais rien dit de mal sur sa maman. Il ne fallait pas qu'il parle ainsi. Je levais les yeux au ciel quand Iris prit le relais auprès de notre fils. Elle essayait vraiment de l'acheter avec des jouets, c'était ça l'embrouille? « D'accord... Désolé maman. » avait-il ajouté d'une toute petite voix, pris entre la réprimande et l'embarras du choix. « On verra, mais tu sais très bien que rien ne sera comme c'était auparavant...» Je croisais le regard de ton ex. Je savais très bien qu'elle comprenait où je venais en venir et qu'elle comprenait que c'était loin d'être un oui. De toute façon, si elle s'attendait à revenir complètement et vivre les choses comme avant, elle risquait d'être fortement déçue. Ne serait-ce que pour ma venue au tribunal l'empêchant de prendre la garde complète de son fils en cas de retour. Oui, un de mes cousins, très prévenant, m'avait fait comprendre qu'il fallait me parer à toutes les éventualités, même si jamais je n'aurais imaginé revoir Iris, ou du moins pas ici.

Tout dans son regard était équivoque. Le fait qu'elle ne comprenne pas vraiment ma violence, qu'elle me la reproche, qu'elle voulait voir Matthis et qu'elle n'en avait pas fini ici avec moi. Alors que moi, de mon côté, j'avais juste envie que la conversation et la rencontre ne se terminent à l'instant précis où je l'avais remarquée. Je n'avais plus envie d'échanger avec elle, mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir de la peine pour elle. Je me mettais à sa place, et je n'aurais probablement pas aimé entendre Matthis me parler de la sorte, même innocemment. Ca m'aurait brisé le coeur et j'aurais préféré mourir qu'en entendre davantage. Mais ce n'était pas ce qui m'empêchait de la détester de revenir comme une fleur à faire comme si tout ce temps ne s'était pas écoulé. Je n'avais réellement pas que ça à faire, en attendant. Et je ne voulais plus souffrir à cause d'elle. Je l'aimais encore terriblement, mais le souci c'est que je la haïssais tout autant. Et ce n'est pas ainsi qu'on aime quelqu'un avec qui l'on veut continuer de vivre. Je voyais bien que mon attitude donnait de la colère à Iris. Par moment, je voyais ses joues rosir de telle façon que je savais par habitude qu'elle n'avait qu'une envie : hurler de rage. Et elle aurait mieux fait, parce que je ne lui donnerais pas la satisfaction de me calmer ou d'être plus gentil. C'était sans doute l'influence de ma famille, des deux caractères bien trempés de mes soeurs qui me poussait à agir comme ça. Et puis, j'en avais eu l'occasion, de parler avec elles de la situation et de les entendre s'insurger envers la blonde qui avait tout simplement fait battre mon coeur à la chamade pendant des années. « Merci maman. » Je souris. J'aurais bien eu peur qu'Iris se demande pourquoi il la remerciait, mais Matthis avait développé une reconnaissance poussée envers chaque fois où il ne se faisait pas disputé pour avoir fait quelque chose qu'on lui reprochait toutefois. Ce qui faisait bien rire ses marraines, bien que je soupçonnais nos parents d'avoir contribuer à ce fait, et ces dites marraines d'être leurs complices. Je soupirai. Elle n'avait décidément rien compris. Toutefois, en voyant Matthis accroché à elle, je ne pouvais que me résigner : j'allais devoir céder quoi qu'il advienne, je ne pouvais pas priver volontairement mon bout de chou de sa maman. Même si ce n'était vraiment pas l'envie qui m'en manquait. Mais mes principes étaient bien présents et je n'étais pas prêt à les bafouer, même à cause de mon ex. « Si tu veux. On a rien de prévu ce soir, pas vrai bonhomme? Papi et Mami attendront demain soir, au pire, qu'est-ce que tu en penses? » Il n'eut pas besoin de parler. Toujours dans les bras de sa maman, il me regardait, les yeux pétillants. Eh bien voilà, il y en aurait au moins un de nous deux qui serait ravi de la situation.

Je me fichais bien des excuses que pouvait avoir Iris. Je voyais dans son regard qu'elle cherchait de quoi faire. Mais je resterai intraitable avec elle. La rancoeur m'étouffait et elle me donnait aussi un second souffle. Et ce second souffle, contre Iris, j'en avais besoin. Je ne pouvais pas nier l'aimer encore, mais elle m'avait brisé le coeur, et c'était suffisant pour que je passe au delà des sentiments qu'il me restait pour elle. Elle avait failli briser ma vie, mais pire encore, celle de mon fils, et je n'étais pas certain d'arriver à la pardonner. En tout cas pas pour l'instant, même si les efforts, je les faisais pour Matthis et seulement pour lui. « D'accord » Matthis avait l'air tellement fragile en prononçant ces deux mots que mon coeur fondit et mon sourire s'élargit. Il était tellement adorable. Sa mère avait raison : il était craquant. Même s'il remerciait tout le monde à tort et à travers de ne pas être fâché contre lui. Même si je n'arrivais pas à voir Iris autrement que comme une ennemie et presque une rivale, j'étais heureux de la voir se comporter comme une vraie mère avec notre fils. Il en avait besoin et ça se voyait : cela faisait longtemps qu'il n'avait pas sourit aussi longtemps sans se forcer et qu'il ne se terrait pas dans son coin en attendant qu'une punition lui tombe sur le bout du nez alors qu'il n'avait strictement rien fait de mal. En même temps, Matthis avait grandi avec l'idée que c'était à cause de lui que sa maman était partie simplement parce qu'il avait entendu mes parents un jour dire qu'elle "s'était sûrement barrée à cause du petit, elle n'aurait pas su gérer". Ce qu'il avait surpris et imprégné. Le cerveau d'un enfant est toujours plein de surprises. D'autant que les explications, par la suite, n'avaient rien fait: il semblait toujours et encore persuadé qu'il était responsable. Mais avec son retour, sans doute allait-il finir par penser autrement. En entendant ma réponse, Iris fut prise d'un élan de joie. Tant mieux pour elle. Elle fit tourner Matthis dans les airs, ce qui me fit sourire encore une fois. Il adorait ça. « Ouiiiii » s'était-il écrié, trop heureux. « Doucement doucement, tu vas vomir bonhomme! » Assurai-je dans un petit rire. « Oui, si tu veux. » Enfin, ce n'était pas si elle voulait, je ne laissais juste pas Eliott seul avec elle, j'avais trop peur qu'elle me l'enlève aussi vite que ce qu'elle était partie.

Iris n’en revenait pas. Elle avait eu l’impression que ce serait difficile de convaincre Eliott de vouloir reprendre contact avec elle, de la laisser approcher son fils. Pourtant, elle n’avait eu qu’à le demander et voilà qu’il venait manger chez elle et qu’il embarquait même dans la même voiture qu’elle. C’était pratiquement un miracle. Cela lui prouvait encore une fois qu’elle pouvait tout obtenir lorsqu’elle se donnait la peine. Elle était contente de voir qu’elle avait encore une espèce d’emprise sur Eliott, qu’elle pouvait obtenir ce qu’elle voulait qu’avec quelques mots. Elle se promit de ne pas trop en abuser, juste assez. Et elle était certaine que son ex-petit-copain était encore amoureux d’elle. Après tout, s’ils avaient fait un enfant ensemble, c’était qu’il y avait énormément d’amour. Ça ne pouvait pas s’éteindre tout d’un coup. Lorsqu’elle fit tourner Matthis dans les airs, son petit rire lui fit fendre le cœur. Elle venait d’avoir la confirmation qu’elle était partie trop longtemps. Elle regrettait amèrement tous les moments perdus avec lui, mais elle avait choisi de ne pas s’en préoccuper. Elle resterait dans le moment présent, comme elle était habituée de le faire. Et elle espérait que son fils ainsi que son ex-petit-ami réussiraient à faire de même. Iris se dirigea vers sa voiture tout en gardant Matthis dans ses bras. Elle allait profiter des câlins le plus souvent possible avec lui. Elle savait qu’il grandirait vite et qu’il ne voudrait plus être dans les bras de sa maman très bientôt. Elle l’installa doucement dans son siège tout en s’assurant qu’il était bien attaché. Elle s’installa à l’arrière du volant et démarra. Tout le long du trajet, elle conduisait le plus doucement possible. Elle voulait prouver à Eliott qu’il pouvait avoir confiance en elle. Peut-être qu’elle n’était pas la femme la plus responsable au monde, mais avec son fils, elle ferait tout pour qu’il soit en sécurité. Après une dizaine de minutes, ils étaient arrivés devant son immeuble. Ce n’était pas un immeuble neuf. Même que de l’extérieur, il faisait même un peu peur. « Terminus ! Tout le monde descend ! » Elle se dépêcha pour aller détacher elle-même son fils et le conserver dans ses bras pendant qu’elle montait les deux étages qui la séparait de son appartement. Puis, elle ouvra la porte, fit entrer son fils et attendit qu’Eliott entre pour passer ensuite derrière lui. Ils se trouvaient directement dans la salle à manger. C’était la pièce dont elle était la plus fière. Elle attrapa aussitôt la main à son fils. « Vient mon loup ! Je vais te montrer ta chambre. » Elle ouvrit la porte d’une chambre blanche, mais remplie de jouets. « Ce week-end, on va aller dans un magasin de décoration et tu pourras choisir toi-même la couleur des murs ! Je voulais t’attendre pour la décorer et qu’elle soit à ton goût. » Elle lui fit un bisou sur le front. « Tu veux jouer avec tes nouveaux jeux pendant que je vais faire le repas avec ton papa ? » Elle sortit ensuite, en prenant bien soin de laisser la porte ouverte. Elle se dirigea vers son réfrigérateur. Elle en sortit du tofu, des courgettes, des poivrons rouges, des pois mange-tout ainsi que le nécessaire pour faire une petite sauce sucrée-salée. « Un sauté de légume et tofu ça te va ? » Elle avait un grand sourire sur son visage. Elle rêvait de ce moment depuis qu’elle était installée dans son appartement.

Pour mon fils, j'étais capable de n'importe quoi. Comme par exemple accepter stupidement une invitation de mon ex, sa mère, simplement pour qu'il n'ait pas l'impression que parce que je la rejette il doit en faire de même. Mais ça me coûte, honnêtement. Je n'ai aucune envie de rester à proximité d'Iris et même si certains de mes sourires sont honnêtes, autant l'avouer : ils sont quand même poussés par le besoin de protéger Matthis que j'ai développé, tout ce temps sans elle. J'avais donc accepté de monter dans sa voiture. Ses efforts, aussi remarquables fussent-ils, m'agaçaient complètement. Je ne supportais pas d'avoir l'impression de faire du surplace en voiture et c'était le sentiment que j'avais en la voyant faire en sorte de rouler doucement pour être prudente. Tu parles! C'était juste du temps supplémentaire de perdu. Mais tant pis, admettons. Je m'efforçais donc de ne pas ni soupirer ni râler. Comme on dit si souvent, je devais prendre mon mal en patience. Il me sembla qu'une éternité s'était écoulée jusqu'au moment où Iris nous annonça que nous étions arrivés. La voir me devancer pour détacher Matthis me mit l'âme à l'envers. D'accord, ça n'allait vraiment pas se passer comme ça, il était hors de question qu'elle me le vole après l'avoir laissé tomber.  « Oh ouiii ! du verrt du verrt! » Je souris. C'était sa couleur préféré. J'avais beau eu essayer de lui faire mettre du bleu, du rouge, du jaune, ne serait-ce que pour lui acheter des t-shirts, c'était souvent le vert qui primait sur tout. Ca me faisait drôlement rire d'ailleurs. Après qu'il eut vu sa chambre, qui soit dit au passage était vraiment joli et je notais un effort qui, cette fois, me faisait plaisir, me rendant compte qu'elle avait peut-être effectivement réalisé que Matthis était son fils, avant de la suivre en cuisine. « Moi ça me va. Par contre, Matthis ne mange pas le tofu. Joan a essayé de lui en faire avaler il y a deux mois, on a failli déclarer la troisième guerre mondiale... Donc sauf si tu veux tenter le diable, je te conseillerai bien de lui faire du poisson pané à côté si tu en as. Il adore ça. »  Etrangement, je me sentais coupable. Tout ça partait d'une bonne intention et Matthis n'était pas encore habitué à tous les genres de nourritures. Je n'étais pas contre le fait d'encourager Iris à lui en faire manger. Mais je préférais tout de même la prévenir. Après tout, mieux valait prévenir... que guérir! Et je savais de quoi je parlais en l'occurrence...

Iris n’était pas conne. Elle se rendait bien compte qu’Eliott n’aimait pas le fait qu’elle soit revenue de la sorte et qu’elle veule autant prendre sa place de mère vis-à-vis leur fils, mais elle ferait en sorte qu’il l’accepte. De toute manière, il n’avait pas vraiment le choix. Elle était là et elle se battrait corps et âme pour récupérer son fils et, par le fait même, son ex. Elle savait qu’elle en faisait beaucoup, mais elle voulait lui montrer qu’elle avait changé, qu’elle n’était plus la même que lorsqu’elle était partie. Elle voulait qu’il réalise que dans le fond, son voyage avait été pour le mieux. Lorsqu’elle leur avait montré la chambre du petit, elle avait vu le sourire en coin d’Eliott. Était-elle en train de le mettre de son côté ? Est-ce qu’elle était en train de gagner la bataille ? Elle ne voulait pas crier victoire trop vite, mais ça lui montrait que ses efforts n’étaient pas vains et elle adorait ça. Puis, elle entendit son fils énoncer la couleur qu’il voulait pour sa chambre. « Oh ouiii ! du verrt du verrt! » Elle eut un sourire. Elle ne savait pas qu’elle était la couleur préférée de son fils, mais elle venait maintenant d’avoir l’information. Elle avait tellement de temps à rattraper avec lui et elle espérait vraiment qu’Eliott lui donne la chance de pouvoir le faire. « Ce sera du vert mon loup ! Et il y a une amie à maman qui va te faire un dessin sur un de tes murs. Tu es content ? » Elle n’avait encore aucune idée de ce que Roxane ferait, mais elle savait que ce serait adapté pour son fils et que ce serait magnifique. Elle lui dirait de ne pas oublier le vert dans celui-ci.

En cuisine, elle eut un moment pour se retrouver seule avec son ex-petit-ami. Son fils jouait dans sa nouvelle chambre avec ses nouveaux jouets. Elle voulait aussi profiter de ce petit moment avec lui. Elle avait tout sorti pour concocter un bon repas. « Moi ça me va. Par contre, Matthis ne mange pas le tofu. Joan a essayé de lui en faire avaler il y a deux mois, on a failli déclarer la troisième guerre mondiale... Donc sauf si tu veux tenter le diable, je te conseillerai bien de lui faire du poisson pané à côté si tu en as. Il adore ça.  » Iris se retourna vers le frigo et ouvrit le congélateur. Dans celui-ci, il y avait le royaume des enfants : elle avait fait le plein de poisson pané, de frites et de croquette. Elle sortit la boîte de poisson et se pencha pour prendre une plaque à cuisson dans une armoire. Elle se repositionna à côté d’Eliott. « Je tenterai de lui en faire manger, mais si jamais il n’aime pas, on aura le plan B. » Elle n’avait pas l’intention de faire manger que des aliments congelés à son garçon. Elle avait une légère tendance végétarienne sans l’être complètement pour l’instant et elle refusait l’idée qu’il avale que des produits transformés, des produits qu'elle ne considérait pas sain pour la santé. Elle commença à couper les poivrons puis, elle arrêta et se retourna vers Eliott. Elle devait mettre des choses au point. « Je ne suis pas revenue pour t’enlever Matthis… N’ai pas peur. Mais je veux vraiment le connaître. Je veux qu’on puisse former une famille. J’avais besoin de temps pour me faire à l’idée que j’avais un enfant et maintenant, je suis prête. Donne-moi ma chance s’il te plaît… »

J'avais levé les yeux au ciel. Elle n'avait eu aucune idée de la couleur préférée de son propre fils et ça me révoltait qu'elle arrive aussi bien à retourner la situation dans son sens. Cependant, je me taisais, essayant de ne pas montrer la moindre expression sur mon visage. De plus je tiquais à la mention de cette amie. J'avais la très vilaine intuition de savoir de qui parlait mon ex, et de ne pas être ravi de cette mention. En temps normal, je n'avais rien contre Roxane, que je pensais très fortement être la personne dont parlait Iris, mais je n'aimais pas le fait qu'elle se mêle à la vie de mon fils. La simple idée que sa mère se pointe à nouveau comme une fleur me faisait suffisamment mal au coeur comme ça. Sans un mot, j'étais monté avec eux en voiture, et ce jusqu'à ce que nous arrivions chez Iris.

Une fois arrivés, nous nous retrouvions dans la cuisine Iris et moi, me laissant une impression de malaise qui me donnait encore plus envie de vomir que chaque événement dérangeant de ma vie. J'avais essayé de lui faire comprendre, par mes paroles sur les goûts de notre fils qu'elle ne le connaissait pas, mais Iris n'était clairement pas le genre à se laisser démonter. Je dépréciais vraiment sa façon de faire car elle agissait comme si jamais elle n'était partie, mais les faits étaient là.

Devant ses paroles je souriais. Je ne devais pas avoir l'air narquois comme c'était pourtant le cas, mais en m'énervant, ses paroles avaient toutefois un effet très apaisant sur moi. Paradoxalement, d'ailleurs. « Matthis a appris à vivre sans toi, Iris. Je ne vois pas pour quelle raison tu reviens. En fait, tu n'aurais pas du partir, tout simplement. » je soupirai, d'autant plus agacé. Pour de vrai? « Si tu avais voulu que nous soyons une famille, il fallait que tu restes. Tu peux apprendre à connaître Matthis, mais tu as tué nos chances d'être une famille tous les trois. » C'était dur mais malheureusement c'était vrai. oui, je l'aimais encore, mais je n'avais plu aucune confiance en elle désormais, et il fallait qu'elle comprenne que revenir comme elle venait de le faire n'était pas le pansement à toutes ces blessures, et encore moins l'effet de cicatrisation.

C'était difficile pour Iris d'être devait Eliott et de le sentir si loin d'elle. Il était si proche et en même temps si loin... Elle aurait aimé qu'il sourit quand il l'avait apperçut, qu'il lui dise qu'elle lui avait manqué, mais il ne l'avait pas fait. Il était resté froid et elle comprennait qu'elle aurait du gros travail à faire pour qu'il lui fasse confiance à nouveau et qu'il lui ouvre son coeur. Elle espérait toutefois que cette soirée-là fasse en sorte que tout ce passe un peu mieux entre eux. C'était si difficile pour elle de le voir agir de cette manière avec elle. Elle ne l'avait pas oublié pendant son voyage. Il devait savoir que lui et Matthis étaient encore dans son coeur et qu'elle l'avait compris. Elle avait comprit qu'elle ne pouvait pas tout quitter et espérer que ça ne lui fasse rien. Non, elle avait besoin d'eux, de sa famille. « Matthis a appris à vivre sans toi, Iris. Je ne vois pas pour quelle raison tu reviens. En fait, tu n'aurais pas du partir, tout simplement. »Iris passa une main dans ses cheveux. Elle ne savait pas comment lui faire comprendre qu'il aurait été encore plus en colère contre elle puisqu'elle n'aurait pas été capable de l'aider avec le bébé. Elle aurait été la pire mère du monde. En fait, c'était peut-être ce qu'il désirait après tout. Elle n'eût pas le temps de parler pour se défendre qu'Eliott continua à parler. « Si tu avais voulu que nous soyons une famille, il fallait que tu restes. Tu peux apprendre à connaître Matthis, mais tu as tué nos chances d'être une famille tous les trois. » Iris, qui avait continué à couper des légumes lors de la première tirade d'Eliott arrêta et déposa le couteau. Il lui faisait mal. Très mal. Elle ferma les yeux, prit une grande respiration et lorsqu'elle les rouvrit, cette insouciance qui la caractérisait tant avait disparue. Elle planta ses yeux dans ceux d'Eliott. On pouvait y lire la souffrance qu'elle épprouvait à l'intérieur. « Qui te dit que je n'ai pensé qu'à moi quand je suis partie Eliott ? Qui te dit que je n'ai pas fait ça pour le bien de Matthis ? Et pour le tien ? » Elle qui détestait parler de ses états d'âme se dévoilait maintenant à son ex-petit-ami. C'était son dernier recours. Elle devait lui parler franchement pour espérer un jour pouvoir prendre ses rêves pour de la réalité. « Je n'aurais pas été une bonne mère. J'aurais probablement oublié un jour qu'il était chez moi et je serais partie faire la fête. J'aurais probablement dormi trop dur un matin après une fête et je ne l'aurais pas entendu pleurer parce qu'il avait faim. Je n'était pas capable de m'occupé de lui Eliott. Et tu aurais été encore plus en colère contre moi que tu l'ai maintenant parce que je lui aurais fait du mal physiquement. » Elle prit une grande respiration. Elle était horrible envers elle-même, mais c'était tout simplement la vérité. « Je voulais le protéger en partant, en m'éloignant. Parce que je savais qu'il avait un père génial. Maintenant je suis prête à prendre soin de lui. Maintenant je suis prête à avoir une famille. Je ne risque plus de lui faire mal. J'ai changé. Je vais faire tout ce qu'il faut pour qu'il soit heureux. Et pour que tu le sois aussi. Il faut juste que tu me donne ma chance. »

J'étais dur avec elle, mais j'avais l'impression qu'Iris s'en fichait royalement. Elle ne prêtait qu'à moitié attention à ce que je lui disais. Ca ne lui faisait même pas d'effet. Elle avait laissé son fils tout seul, sans sa mère. Moi, à côté, ce n'était rien. Mais ce qu'elle oubliait dans tout ça c'était qu'elle été une saleté d'égoïste. Parce que si elle avait pris peur, si elle avait pensé ne pas être capable de s'occuper d'un bébé, elle aurait mieux fait de ne pas le garder. Parce que moi, je m'étais retrouvé comme un con, obligé d'élever un gosse que je n'avais pas forcément désiré en premier lieu et qu'elle m'avait d'abord imposé avant de décider que madame n'était pas capable de prendre ses responsabilités et de m'en laisser deux fois plus. Comme si j'avais demandé tout ça ! Si j'avais su qu'on en serait arrivé là, sans doute ne lui aurais-je jamais prêté attention. Alors oui, je ne mâchais pas mes mots, je faisais exprès de la mettre en cause, et je lui crachais le venin qu'elle avait laissé naître dans mon coeur en partant. Je tentais de lui couper la parole pendant qu'elle me faisait croire qu'elle en avait réellement eu quelque chose à faire de nous. « Tu m'as imposé de vivre, d'élever un fils tout seul, en doublant mes responsabilités. Iris, tu as pensé à mes études ? À ma propre vie ? À la sienne ? Les dégâts qu'auront causé ton départ dans sa vie ? Non. Parce que tu ne sais pas que Matthis, que tu prétends être ton fils, fait des cauchemars toutes les nuits où on l'abandonne, qu'il a des difficultés à grandir rapidement, à l'inverse de ses camarades, parce qu'il est ballotté entre son père, ses grands parents, ses tantes et qu'il ne sait même pas ce qu'est d'avoir une mère ? Alors s'il te plaît, ravale tes excuses et ne prétends pas n'avoir pas pensé qu'à toi, parce que c'est ce que tu as fait, pas la peine de prétendre le contraire. » j'éclatais d'un rire jaune. Mais de qui donc se moquait-elle ?! « Tu n'en sais rien, tu n'as même pas pris la peine d'essayer. Un jour, tu as seulement décrété que ton fils ne méritait pas sa mère parce qu'elle n'aurait pas été une bonne mère. Tous les jours j'ai peur de ne pas faire la bonne chose pour lui. Pourtant j'essaie, j'en apprends tous les jours, avec lui. Il m'aide à grandir, même s'il ne s'en rend pas compte. Toi, tu as juste pensé que tu n'y arrivais pas, tu ne lui as pas laissé sa chance. Alors arrête, s'il te plaît arrête ! Et ne prétends pas savoir ce que j'aurais pensé, parce que tu ne sais rien de moi. Pas une once de détails. Et encore moins sur lui. Tu ne sais pas qui il est et tu as prouvé en partant que tu n'en avais pas venir. Alors si tu reviens pour te racheter, je te le répète, mais tu aurais dû commencer, en premier lieu par ne pas t'enfuir comme une lâche. » Je soupirai d'agacement. Elle faisait vraiment exprès de ne pas comprendre, c'était pas possible ! « Protéger un enfant, ce n'est pas le laisser seul face au monde, c'est l'accompagner. Je t'ai dit d'arrêter tes excuses à deux balles, tu peux les garder pour ta conscience, elles ne marcheront sur personne d'autre. Tu as changé ? Rien ne le prouve et surtout pas ton discours. Je t'aurais donné ta chance, avant que tu partes, Iris, tu sais... Maintenant, c'est trop tard. » Ce n'était pas tout à fait vrai, puisque malgré la rancune que j'avais nourrie contre elle, je l'aimais toujours, quelque part, et elle restait la mère de mon fils. Mais tout était sorti et il fallait qu'elle ait autant mal que ce qu'elle m'avait fait ressentir. Il fallait qu'elle comprenne. Et ce n'était que le commencement.