La nouveauté avait ce petit quelque chose qui faisait naître en moi l'excitation. J'étais en revanche aussi très nerveux. Avouer mes sentiments, c'était quelque chose de complètement improbable et, pourtant, je l'avais fait avec Sierra, à qui j'avais eu tant de mal à avouer ce que je ressentais. Une fois le passé en table rase, j'avais pris mon courage à deux mains à mon retour à la Nouvelle-Orléans et nous avions pris la décision de nous installer ensemble. C'était un véritable pas en avant pour moi, mais je savais très bien que l'amour de ma vie me filerai certainement sous le nez si je ne faisais pas l'effort de mettre mon caractère de Don Juan de côté. Avec elle, je savais que c'était vrai. La preuve en était, même si je regardais d'autres femmes, je ne pensais qu'à elle, ce qui avait radicalement changé ma vie ces dernières années. Alors, prendre ce nouveau départ avec elle, ça me faisait du bien, et tout drôle en même temps.
Je m'étais vite débarrassé des plus gros cartons. Il fallait dire que je n'imaginais pas un instant ma copine en train de porter les plus gros cartons du camion à notre nouvel appart. Ca non, et je n'avais pas envie de me prendre de réflexion non plus. Rapidement, le camion s'était vidée à une vitesse folle et il ne nous restait plus qu'à défaire les cartons embêtants, ceux avec toutes ces petites affaires à ranger. Il fallait dire qu'entre ma famille et celle de Sierra, le gros du déménagement n'avait qu'à peine duré. Nous étions donc plus que tous les deux, prêts à ranger, ensemble, ce qui serait notre futur chez nous, notre cocon d'amour. Je regardais ma future femme, bien que nous n'ayons pas fixé de date pour notre mariage, un sourire aux lèvres. « ça va, pas trop stressée ? » Un regard autour de nous. Non, décidément, nous serions bien ici.  

J'avais déjà connu les déménagements. Il fallait dire qu'entre le divorce de mes parents et le fait que chacun d'eux avait retrouvé chaussure à son pied après le divorce, les cartons, qu'ils sortent ou qu'ils rentrent, je les avais vus aller et venir. Puis j'avais quitté la nouvelle orléans, et tout avait changé pour moi. Mais là, c'était différent. J'étais à nouveau avec Sierra, et rien ne semblait plus sérieux que notre actuelle situation, et c'était peut-être ça qui me faisait le plus peur, d'ailleurs. Mais je nous faisais confiance et je lui faisais une confiance bien plus aveugle aussi. C'est sans doute pour ça que je m'étais contenté de les monter et m'apprêtais à la défaire, lui laissant le champ complètement libre pour m'exploiter et faire la déco comme elle l'entendait. Il était de notoriété publique chez les Rathbone-Ripley que l'aîné de la famille n'avait aucun goût en matière de décoration. Et ça n'était pas du tout un scoop. Non, le scoop, même une fois le choc digéré, ça restait le mariage à venir. Ca en avait choqué plus d'un et, à chaque nouvelle personne au courant, c'était un choc supplémentaire. De mon côté, je n'étais pas choqué mais j'avais une trouille bleue de toutes ces nouveautés, ces chamboulements que j'avais provoqués parce que j'avais confiance en nous. C'était étrange rien qu'à dire. Je n'avais jamais eu l'occasion de prouver que j'avais changé, mais mes engagements le laissaient penser et, j'en étais certain, je n'aurais jamais été le genre à le faire dans le vent. J'étais certain que Sierra était la bonne, même si ça compliquait mon ancienne vie de célibâtard.
Lui demander si elle n'était pas stressée, c'était un peu comme projeter mes angoisses sur son ressenti. Mais l'entendre me répondre que non aurait forcément des vertues apaisantes. Elle n'était pas zen pour autant, ce qui n'arrangeait pas mon cas. Je m'approchais d'elle pour la prendre dans mes bras. « Ça se passera bien, j'en suis sûr. Et si on ne peut pas lâcher des colombes dans le ciel, on le fera ailleurs. » Flouter le tout pour ne pas avoir à réfléchir à un endroit. C'était tout moi. Rêver d'un mariage parfait, c'était tout elle, tout comme s'angoisser pour des petits détails qui ne signifiaient pas grand chose à mes yeux mais qui prenaient de l'importance parce qu'ils en avaient à ses yeux. « Mais il fera beau, de toute façon, je te le promets ! » Difficile de tenir une telle promesse, mais que ne ferait-on pas pour la personne qu'on aime ?