C’était sans doute cette propension au sacrifice de son bonheur futur qui me dérangeait le plus. Je ne voulais pas qu’on me porte responsable de quoi que ce soit. Je mourrais sans doute seul, même si je venais à avoir une famille, alors pourquoi faire semblant ? Après, je ne pouvais pas rejeter la puissance de l’amour, je la connaissais, elle m’avait déjà animé et j’avais aimé à en oublier tout ce qui pouvait ne pas aller, mais les choses avaient changé et je n’étais plus aussi fleur bleu qu’avant. La vie nous changeait et dans la mienne l’amour n’aurait pas le beau rôle. Le fait que ce genre de situation puisse le charmer m’arracha un léger sourire, oui c’était stupide de tomber amoureux d’un soldat dévoué, stupide car il serait malade à chaque départ et il n’y aurait aucun retour en arrière sans que l’on broie le soldat. On ne quittait pas l’armée, c’était l’armée qui se séparait de nous. « C’est pas l’idée du grand amour qui est stupide, c’est l’idée de tomber amoureux d’un soldat dévoué. » répondis-je lorsque je pus et avant qu’il ne pointe une fois de plus du doigt les raisons de mon alcoolisme. Il parlait beaucoup, disait beaucoup de chose dérangeante, mais c’était intéressant dans un sens, à moins que l’alcool ne commence vraiment à atteindre mon cerveau, mais il avait un discour cohérent et ça changeait un peu.

« Je suis déjà tombé amoureux, on dirait pas, mais j’ai déjà aimé et c’était... » détournant les yeux de son visage, je cherchais dans mes souvenirs les brides de ce passé, « Parfait, du moins au début. Mais je suis déjà tombé amoureux et sans doute que si je n’avais pas choisi ce métier, j’aurais pu me laisser séduire par cette idée à nouveau, mais je préfère cette situation à celle d’une relation de couple. », même si comme aujourd’hui, je m’étais senti si vide et seul que je n’avais pas su garder un visage humain. « Boire, coucher, c’est pas toujours suffisant, mais c’est ma vie, aussi bancale soit-elle. », et je ne pourrais pas la changer, car les autres solutions seraient pires. J’étais lâche à bien des égards, je m’en cachais auprès des autres peut-être, mais je ne me voulais plus la face. Il y avait une réalité que je ne pouvais pas repousser.

« Aimer un soldat qui croit fermement en ses principes c’est pas comme dans les films ou les livres. J’en croise tous les jours des gars qui croient aveuglément en ce qu’ils font. Des mecs qui abandonnent famille et avenir pour l’armée.. », des hommes qui reviendraient souvent en morceau, traumatisé et brisé, « Quand tu les envoies et qu’ils reviennent sans avoir été confronté ça va, tu t’envoie en l’air, tu crées des souvenirs et tout est beau… Seulement quand ils reviennent après avoir perdu des hommes, après avoir tué des gens de face ou après avoir vu ce dont on ne peut pas les préparer… Tu crois sincèrement que tu serais heureux d’être tombé amoureux d’un homme se réveillant en pleine nuit en hurlant ? D’un homme n’étant plus lui-même et sursautant au moindre bruit ? », c’était sans doute mon portrait, mais aussi et surtout celui de tout ceux que j’avais croisé. « Je ne veux pas briser tes rêves, mais si ça t’arrive, je te souhaite bien du courage pour être heureux. », car il n’y avait rien à construire avec un militaire. Alors il était préférable de fermer la porte, d’autant qu’à l’heure d’aujourd’hui, rien de ce qui semblait-être lié à une vie de famille me manquait. La présence de quelqu’un sans doute, je ne restais pas la nuit entière avec mes coups d’un soir ou mes plans cul pour rien et je suppose que je ne répondais pas à ses questions pour rien non plus, mais s’engager à long terme et imposer ça à un autre et devoir assumer… Non, très peu pour moi. Quand à ce que je lui révélais de plus... Je n'étais plus à ça prêt et de toute façon tout le monde devait s'en douter.

Il marquait un point, j’étais sans doute moi aussi assez stupide pour décider de vivre ainsi, mais je ne saurais pas supporter un reproche de plus. Alors autant vivre ainsi. Quant à lui, il avait une vision des choses des plus… Romantique clairement, ce qui était à l’opposé de ce que moi je pensais, mais c’était compréhensible dans un sens et il fallait de tout pour faire un monde. Il reconnut toutefois que j’avais raison sur les difficultés que cela pouvait apporter, toutefois il restait déterminé à me prouver qu’il y avait du non et que le dévouement d’un soldat pourrait lui apporter toutes les attentions dont il pourrait rêver. Il était peut-être un fils à papa comme il se désignait, mais un fils à papa avec beaucoup d’illusion, ou d’espoir, au choix. Je n’étais pas assez mauvais pour lui souhaiter quoi que ce soit de mal en soit, mais son avenir n’avait pas vraiment d’importance à mes yeux. Il était un très bon coup d’un soir, il n’était pas foncièrement chiant, mais je n’avais pas l’intention d’en faire mon meilleur ami. Ni lui d’ailleurs. « Trouves toi un humanitaire ça sera moins douloureux. », soufflais-je alors qu’il venait déposer son verre à présent vide sur ma table de chevet. Il venait d’imposer une proximité des plus intéressante, mais qui ne dura pas. Il reparlait, encore, tout comme il m’arracha un rictus amusé. Me punir pour protéger l’amour de ma vie. J’étais pourtant beaucoup moins altruiste que ça. C’était moi que je protégeais, moi et ma résistance aux reproches. Je ne voulais pas porter les malheurs du monde.

Cette image de chevalier servant ne me correspondait pas, vraiment pas et j’étais à des années lumières de penser à la moindre tentative de séduction non plus. « L’alcool te fait m’idéaliser je crois.. », soufflais-je avant de tourner la tête lorsqu’il fut question de parler de ce qui avait causé ça dans ma vie. Il n’y avait aucun mystère en soit, mais rentrer dans une introspection et une remise en question de mes choix. « On a qu’à dire qu’on garde ça pour la prochaine fois que tu t’ennuie un soir ? », je n’étais pas effrayé à l’idée de le revoir, surtout après ce qu’on avait déjà fait. Pas plus que l’optique de lui reparler m’effrayait. Certes, j’avais eu besoin d’une énorme dose d’alcool et de sexe pour en arriver là, mais je doutais que cela ne se reproduise pas, du moins si il se laisserait convaincre par l’idée. Pour l’heure, il avait jouer avec le feu et mon corps se rappeler un peu trop clairement de ce que nous avions fait un peu plus tôt dans la soirée.

Me penchant donc à mon tours pour déposer mon verre sur la table de nuit, je me retournais pour me pencher à nouveau sur son cas. Mes lèvres attaquant son cou avant que ma main ne glisse le long de son torse jusqu’à sa hanche ou je me mis à jouer avec l'élastique de son boxer, « Je te propose qu’on ait une discussion un peu plus physique pour le moment. » la subtilité n’était pas mon fort et profiter de lui restait au programme. Alors je n’allais pas me gêner, surtout que j’étais beaucoup plus enclin à m’occuper de lui pour le convaincre de reprendre les hostilités.