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Solange & Will

☾☾ On peut lister plusieurs traits qui font partie intégrante de ce qu'est Will Burbank. L'un d'entre eux est sa profonde dévotion à son travail. Il est studieux et sérieux, l'a toujours été et l'est d'autant plus depuis qu'il vit à la Nouvelle-Orléans, où il a enfin l'occasion de travailler sur des recherches expérimentales qui le passionnent vraiment. Il ne compte pas ses heures au labo. Il ne compte malheureusement pas non plus les heures qu'il passe à faire des choses beaucoup moins louables, mais tout aussi importantes à son bien-être, en dehors de ses heures de travail. Il commence à le regretter sérieusement quand, après plusieurs heures à l'Université, le café ne suffit plus vraiment à lui faire oublier la nuit blanche de la veille qu'il a passé entre la salle surchauffée d'un bar et le lit d'un type dont il a déjà oublié le nom. Il a tout juste eu le temps de repasser chez lui prendre une douche et changer de vêtements ce matin et même comme ça, il a réussi à arriver en retard. Et depuis, il ne doit ses yeux grands ouverts qu'aux cafés qu'il ingurgite les uns après les autres pour se donner l'illusion d'être en état de suivre le rythme. Autant dire qu'il est d'une humeur absolument effroyable après la cinquième tasse. Et que sa santé doit probablement être mise à mal, au passage.

Malheureusement, il ne peut pas se faire porter pâle et aller se cacher dans son lit jusqu'au lendemain. Il ne le ferait pas, même s'il le pouvait. Tulane n'est pas l'université de ses rêves, mais s'il s'implique sérieusement dans ce projet de recherches, ses chances d'obtenir un bon poste au M.I.T comme il le désire réellement ne seront que meilleures. Il a désespérément besoin de la meilleure lettre de recommandation que le Dr Wietfeldt puisse écrire. Alors, quand le directeur des recherches lui tend une pile de papiers qu'il faut absolument photocopier à la seconde même, Will s'efforce de ravaler son soupir agacé et s’exécute. Tant pis s'il y a des étudiants ici dont ce devrait être le rôle, si Dieu l'ordonne, la fourmis qu'il est n'a d'autre choix qu'obéir. Il en a l'intention, en tout cas, mais à peine a-t-il fait quelques pas hors du labo qu'un curieux enchaînement d'événements idiots et sans intérêts se produit et les dizaines de pages qu'il tenait encore une seconde plus tôt se retrouvent dispersées sur le sol à ses pieds. Cette fois, n'ayant plus personne à impressionner, Will se laisse aller à lâcher ce soupir agacé qu'il retient depuis un moment. Il a l'impression que cette journée ne va jamais finir et se prend même à rêver d'avoir plutôt choisi le voyage dans le temps comme sujet de recherches. Ce serait tellement magique, s'il pouvait être l'incroyable talent parvenant à inventer la première machine à voyager dans le temps, pas vrai ? Il foncerait directement à ce soir et dormirait encore et encore pour les quinze prochaines heures.

Il est perdu dans ce petit fantasme de science-fiction, à ramasser vaguement les feuilles éparpillées quand il réalise soudainement qu'il n'y a plus rien par terre et qu'une jolie jeune femme tout sourire lui tend les pages qui manque. Rapidement, l'ingénieur se redresse et tend la main pour les récupérer. Il n'a pas la force d'étirer un sourire en retour et même pas le temps de prononcer le moindre mot que c'est elle qui tire la première. Un autre de ces traits qui sont inhérents à sa personne est certainement le fait qu'il ne peut s'empêcher d'agir sans arrêt comme un petit crétin supérieur à tous. Il est hautain et souvent désagréable. Que ce soit parce que c'est un petit prince ou qu'il ait une bonne raison pour cela, qu'importe. C'est une chose qu'on découvre vite le concernant. Mais il n'aurait jamais imaginé que ce soit quelque chose qu'on sache de lui avant même de l'avoir rencontré. Et pourtant, à la manière dont cette nana vient de s'adresser à lui, on jurerait qu'il l'a déjà remise à sa place plus d'une fois. Il fronce les sourcils en l'observant, définitivement débarrassé de toute envie de la remercier. "Il y a un problème ?" demande-t-il, aussi désagréable qu'elle. "J'ai écrasé ton chien par erreur ou tu es aussi agréable avec tous les inconnus que tu viens aider sans qu'on ne t'ait rien demandé ?" Elle ne peut pas le savoir, mais ce n'est pas vraiment le jour pour lui prendre la tête. Et puis, il ne lui a vraiment rien demandé, il n'a même pas eu le temps d'être méchant avant qu'elle ne le soit elle-même, alors pour le coup, il ne se sent pas même un peu coupable. Quoique ce ne serait sans doute pas arrivé non plus s'il avait lancé les hostilités en premier.  

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Solange & Will

☾☾ Une brève grimace passe sur le visage de Will lorsque la jeune femme lui annonce - avec la même douceur - qu’il l’a déjà maltraité par le passé. Ça explique certainement qu’elle soit aussi désagréable avec lui aujourd’hui, mais ça ne donne pas trop envie au jeune homme de changer de ton. “Si tu me parles comme ça chaque fois qu’on a le malheur de se croiser, pas étonnant…” souffle-t-il entre ses dents serrées, ne faisant aucun effort pour qu’elle l’entende, aucun effort non plus pour qu’elle ne puisse pas distinguer ses mots. L’un des deux devrait probablement prendre sur lui de calmer le jeu, mais ce n’est malheureusement pas le genre de Will, encore moins quand on l’agresse sans raison. Il ne voit même pas vraiment pourquoi ils restent là tous les deux à s’infliger cette torture alors que, clairement, aucun n’en a envie. Et s’il faut que quelqu’un se porte volontaire pour être le premier à partir, il veut bien prendre cette responsabilité là !

Sauf que, bien sûr, avant qu’il n’ait le temps de prendre congé sans trop de diplomatie, la jeune femme ouvre la bouche et le fige sur place, incrédule. Elle est sérieuse ? Will l’observe comme s’il n’arrivait pas à croire ce qu’il y a sous ses yeux. Elle a l’air sérieuse. Elle s’attend vraiment à des remerciements après ce qu’elle vient de faire ? Il aurait pu s’y résoudre si elle s’était contentée de l’aider, mais le savon qu’elle lui a passé ensuite était de trop. Et peut-être que la fierté de Will est mal placée, peut-être qu’il gagnerait à se montrer un peu plus conciliant et ouvert, mais ce n’est certainement pas une inconnue qui vient de lui aboyer dessus qui va le faire changer du tout au tout en un claquement de doigts. “Je t’aurais remercié sans me poser de question si tu t’étais contentée de m’en laisser l’occasion avant de me donner une leçon de bonne conduite.” lui dit-il froidement. “Je veux bien croire que je ne suis même pas dans le top cinquante des personnes les plus agréables que tu aies eu l’occasion de croiser sur ce campus, mais je préfère qu’on me saute à la gorge quand j’ai vraiment fait quelque chose de mal, pas pour se venger d’une petite altercation tellement insignifiante que t’es la seule à t’en souvenir.”

Il a une journée chargée qui l’attend et cent fois mieux à faire que de se disputer avec une inconnue au milieu d’un couloir, mais c’est plus ou moins devenu une question d’ego tout à coup. Il y a des choses cachées là-dessous dont cette fille ne saura sûrement jamais rien et elle continuera de le prendre pour un crétin imbu de lui-même et désagréable, mais ça lui est complètement égal. C’est à peine s’il peut contrôler sa réaction. “De toute évidence, ça t’arrive à toi aussi d’avoir de mauvais jours et de mal te comporter avec les autres, même quand ils ne l’ont pas mérité.” fait-il remarquer, dans une tentative pas très mature de remettre les compteurs à zéro et de prouver qu’il n’est pas le seul crétin de cette assemblée. “Avant de donner des leçons aux autres, essaye d’être irréprochable.” Il secoue la tête, comme s’il voulait chasser cette dispute au loin et quand il ouvre la bouche de nouveau, il n’est pas plus gentil, mais… Il y a bel et bien un changement dans son ton. “Qu’est-ce que je t’ai fait, au juste ?” Non pas qu’il compte s’en excuser maintenant, mais il est curieux, c’est plus fort que lui. Ca doit être bien plus qu’une bousculade accidentelle pour qu’elle conserve autant de rancoeur. Et il ne s’en souvient même pas…