Un toit pour l'avenir

Team Justice

☾☾ Pour la centième fois, au moins, depuis son réveil, Will souffle quelques malédictions à voix basse contre le Docteur Wietfeldt, directeur de recherches sur le projet sur lequel il collabore à l’université de Tulane et terrible monstre sans coeur qui oblige ses chercheurs à se lever aux aurores un samedi matin pour participer à une oeuvre caritative. Malgré tout, l’ingénieur prend le casque de chantier qu’on vient de lui tendre et force un sourire enjoué sur ses lèvres alors qu’il remercie, pas très chaleureusement, l’homme qui lui explique ce qu’il doit faire pour aider. En tant que petit-fils de politicien, Will a bien conscience de l’importance des oeuvres de ce genre, mais il préfère généralement quand il s’agit de gala ou de soirée où on lui demande de porter un smoking et d’entretenir des conversations épuisantes avec de riches investisseurs plutôt que de mettre la main à la pâte de cette façon. Il est un expert dans l’art de la diplomatie et de la conversation, mais il n’a aucune idée de comment se servir du rouleau de peinture qu’il tient actuellement dans sa main et qu’il observe avec une légère pointe d’horreur alors qu’il rejoint l’endroit où il doit travailler. On lui indique une pièce dans ce qui ressemble fort à un grognement et, tout à coup, le voilà qui se retrouve en tête à tête avec une jeune femme couverte de peinture de la tête au pieds. Son visage déjà pâle perd encore quelques nuances devant ce spectacle. Va-t-il, lui aussi, finir dans cet état lamentable ? Non pas qu’il ait un problème avec un peu de crasse, mais le jeans qu’il porte coûte 300 dollars et le t-shirt qui va avec ne doit pas en être très loin non plus…

“Salut.” lance-t-il une fois le choc passé, alors qu’il entre malgré tout dans la pièce bien que son seul rêve soit de fuir d’ici au plus vite. Il observe la jeune femme avec un intérêt mêlé de crainte. Elle doit être peintre en bâtiment vue la façon dont elle tient son pinceau avec expertise et assurance… Et bien sûr, c’est encore lui qui va passer pour la petite princesse pourrie gâtée parce qu’il n’était pas préparé à… ça. “T’as l’air de bien t’en sortir avec cette pièce, je devrais peut-être aller voir si je ne peux pas me rendre plus utile ailleurs.” propose-t-il un peu brusquement en pointant la porte d’un signe du pouce, déjà prêt à reculer doucement vers la sortie pour prendre la fuite. Peut-être qu’il peut trouver un endroit où se cacher jusqu’à la fin de la journée de façon à ce qu’on oublie jusqu’à son existence… “Sauf, bien sûr, si tu as besoin d’aide. Pour qu’on te tienne ton pot de peinture ou… Je ne sais pas, n’importe quoi.” offre-t-il tout de même, histoire que sa fuite ne soit pas trop évidente aux yeux de sa coéquipière du jour.

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☾☾ Sans attendre de réponse de la part de la jeune femme, Will commence déjà à battre en retraite aussi discrètement que possible : un pas en arrière à la fois et dans quelques secondes seulement, il sera à la porte et pourra fuir avant qu’elle n’ait le temps de répondre. Il y croit vraiment, mais une voix dans son dos le fait brusquement sursauter et pivoter sur lui-même. Les paroles n’ont rien d’équivoque, on s’adresse clairement à lui et, tout comme l’homme qui vient d’entrer et de mettre un terme à sa fuite, il pense aussi qu’il mérite bien mieux que de rester là à tenir un pot de peinture. Cela dit, il n’est peut-être pas très malin de sa part de le dire de la façon dont il le pense. Il ne répond pas immédiatement, trop occupé à faire la grimace face à la moquerie qu’il vient de se prendre, ainsi qu’à observer le nouveau venu avec attention. Il ressemble à un homme raisonnable, le genre qui pourrait parfaitement se laisser convaincre par un discours plein de bon sens. Bien plus que la peintre, en tout cas. Ça le rassure assez pour qu’il retrouve son air impassible et son sourire en coin. “Sûrement, mais tout le monde doit aider, n’est-ce pas ?” demande-t-il de cette façon affable et charmeuse qui parvient presque toujours à faire illusion. Il craint quand même un peu que le nouveau venu ne soit pas spécialement impressionné par sa gueule d’ange et son sourire de séducteur. “On est tous là pour faire une bonne action, normal que je donne du mien aussi.” Ouais, non, son gaydar ne sonne absolument pas quand il croise le regard de monsieur. Il aurait probablement réussi à s’en sortir avec cette technique s’il n’y avait eu que la femme…

“Je ne suis pas vraiment équipé pour faire de la peinture, malheureusement,” continue-t-il malgré tout, faisant de son mieux pour n’avoir l’air de rien de plus qu’un charmant jeune homme un peu paumé mais pas méchant. “C’est ma faute, j’ai bêtement cru qu’on nous fournirait des combinaisons ou quelque chose comme ça sur place… J’aurais dû me douter qu’on ferait des choses salissantes... “ Il hausse les épaules en forçant un air penaud sur son visage, priant pour qu’il soit réellement aussi adorable qu’il le croit. Ça fonctionne toujours avec sa mère, mais là… “Je ne veux pas avoir l’air de manquer de motivation, mais je tiens beaucoup à ce t-shirt Armani, c’est le dernier cadeau que m’a offert ma grand-mère avant de mourir l’an dernier.” explique-t-il ensuite, tentant le tout pour le tout. “Ça lui a coûté toute sa pension de retraite, elle voulait que j’ai quelque chose de vraiment beau au moins une fois dans ma vie.” Il a un tout petit peu honte de ce mensonge éhonté et imagine brièvement le regard désapprobateur de son grand-père s’il savait ce qu’il est en train de faire. Mais ce n’est pas suffisant pour le pousser à renoncer. “Je peux superviser, cela dit. Vous aider à rester motivés jusqu’à la fin !” Il sourit de plus belle, ouvrant les bras comme s’il était soudain pris d’une énergie impossible à retenir. Silencieusement, il prie pour qu’on ne le voit que comme un petit crétin et qu’on le prenne en pitié. Il y a un bien une chance pour que ça marche… Statistiquement.

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☾☾ Evidemment, l’offre de superviser les travaux est un échec, mais ce n’est pas tellement une surprise. Will compte davantage sur sa petite comédie de gamin perdu pour s’en sortir. Malheureusement pour lui, la jeune femme au pinceau n’a pas l’air convaincu. Ou alors, elle est vraiment motivée à aider ce pauvre gosse qui veut tellement aider, mais qui voit ses projets détruits par l’oublie d’une tenue adaptée. Dans un cas comme dans l’autre, le sourire penaud du jeune homme se crispe légèrement quand elle lui offre un pull pour porter par dessus son t-shirt qui a tellement de valeur. Il est brièvement déçu que son charme à toute épreuve soit finalement inefficace sur cette femme et passablement agacé à l’idée de devoir faire quelque chose qui lui déplaît ou passer pour un enfoiré. C’est plutôt l’idée qu’on fasse un rapport de son comportement à son supérieur qui l’inquiète, plus que de savoir ce qu’une bande d’inconnus va penser de lui, mais ça revient au même pour le moment. Et puis, bon sang, il doit bien faire cinquante degrés ici et il n’exagère qu’à moitié ! Qu’est-ce qui fait croire à cette nana qu’il a envie de s’encombrer avec un fichu pull, pour finir en sueur et couvert de peinture ? Il prend pourtant sur lui pour ne pas montrer la moindre réaction négative et tend la main pour prendre le pull si gentiment offert. “Merci. C’est vraiment très gentil.” souffle-t-il en baissant les yeux sur le vêtement, peignant un faux air contrit mais volontaire sur son visage, histoire de cacher la légère pointe d’ironie qu’il ne peut entièrement retenir dans sa voix.

Il ne se précipite pas pour enfiler le pull et Dieu merci, son sauveur se présente en la personne de l’homme plus âgé avec eux. S’il n’avait pas peur qu’on lui en colle une, Will pourrait embrasser ce type. Il se contente de se tourner vers lui et de le regarder, avec pratiquement des étoiles dans les yeux. Il hoche doucement la tête quand l’homme semble comprendre qu’il n’a tout simplement pas envie de travailler, s’assurant seulement d’avoir toujours l’air d’un gamin qui ne sait pas où il en est que d’un Bougre manipulateur. Et vu la réaction de l’homme, il faut croire que ça fonctionne vraiment bien. Will se réfrène quand il ressent l’envie soudaine de se jeter dans les bras de cet ange venu sur Terre pour le sauver d’une torture douloureuse. “Merci beaucoup.” souffle-t-il à l’homme et il est sincère, cette fois. Il n’est pas spécialement excité à l’idée de jouer à la gameboy pendant toute la journée, il n’a jamais été particulièrement attiré par ce genre de choses, mais c’est toujours mieux que de faire un travail manuel pour lequel il sera forcément mauvais. Quoi qu’il doit quand même pouvoir trouver un moyen de se rendre utile sans avoir à faire quelque chose qui l’ennuie. “Vous êtes vraiment trop gentil, monsieur.” lance-t-il, faussement enjoué, mais sincèrement rassuré. “Pourquoi est-ce que je n’irai pas plutôt vous chercher des cafés et quelques viennoiseries ?” Ça le surprend presque lui-même de faire le choix de jouer au garçon de café plutôt que de simplement se mettre au travail, mais il a vraiment l’intention de s'exécuter. “Dites moi ce qui vous ferait plaisir et je vous rapporte ça dans quelques minutes. À mes frais, bien entendu !” précise-t-il, histoire de finir de convaincre tout le monde. Peut-être que de pouvoir payer un petit-déjeuner à des inconnus casse un peu l’image du pauvre gosse qui n’a rien de plus précieux au monde qu’un t-shirt de marque, mais… Du moment que l’illusion fonctionne !