Mes colocataires n'étaient pas d'une très grande aide en ce moment. J'avais cette volonté d'adopter cet enfant que j'avais si longtemps aidé à s'en sortir... et eux, tout ce qu'ils voyaient, c'était que nous manquerions cruellement de place à l'appartement. Mon appartement, de surcroît. Celui que j'avais racheté à son ancien propriétaire, remis à neuf et proposé à la colocation. Celui duquel je pouvais les virer si l'envie me prenait. Mais non, si je les écoutais, je n'avais pas le droit, j'étais égoïste. Avec tout l'argent de mes parents, celui que, quelque part, je me faisais grâce à mon association humanitaire, offrir une meilleure vie à un enfant qui n'avait pas la chance que les Bell avaient eue, c'était égoïste. Bien évidemment. Alors, forcément, tout ce temps, j'évitais le plus possible l'endroit où j'étais pourtant le mieux au monde : chez moi. Je passais mon temps soit dans les locaux de l'association, soit chez mes parents... soit chez le frère ou la soeur qui m'ouvrait sa porte le plus facilement. Et avec le mariage récent de Lori, disons que j'étais devenue un peu moins désirable pendant qu'elle roucoulait avec son mari. Je pouvais très bien comprendre. Même si j'avais cette très étrange sensation de perdre ma soeur au fur et à mesure que son bonheur s'étalait. Mes colocataires avaient peut-être raison, quelque part : j'étais égoïste. C'est en essayant de chasser cette image que je sonnais chez Steven. Il m'avait gentiment invitée à passer du temps et à venir manger chez lui. Comme s'il avait pressenti que quelque chose n'allait pas vraiment en ce moment, il avait pris son téléphone pour me proposer de venir le retrouver. Une très bonne chose, en soit. Je n'aurais pas à éviter volontairement mon chez moi. Sa porte s'était ouverte sur un Steven souriant - comme à son habitude. Communicatif, je lui avais rendu, sentant ma bonne humeur revenir aussitôt. Steven avait toujours été de ces personnes avec qui les choses sont simples... enfin, même si au début, il était clairement plus simple de le détester que de l'apprécier. Mais dix ans après environ, tout ça c'est du passé. J'étais rentrée en enlevant mon manteau et, comme je savais si bien le faire, l'avais accroché à son porte-manteau dans l'entrée après lui avoir fait la bise.
« Comment tu vas ? » de quoi banalement enchaîner pour faire la conversation.
   

J'ai invité Leah a venir manger un morceau à la maison aujourd'hui. Je ne la vois pas beaucoup en ce moment résultat elle n'est pas franchement au courant des dernières avancées dans ma vie. Elle est bien évidemment au courant que je suis en couple depuis Janvier 2018 avec Lacey mais nous n'en parlons pas forcément beaucoup parce qu'elle sait que pour moi c'est encore très particulier à vivre.

Bien entendu je suis très heureux avec ma brune et elle fait tout mon bonheur mais il est clair que j'ai encore du mal avec tout ceci dans le sens où je n'ai jamais été amoureux d'une femme avant aujourd'hui et que ça change tout dans ma vie. Mais c'est le bonheur depuis un an et pour moi c'est précisément tout ce qui compte.

Lacey et moi prenons notre temps avant d'aller plus loin dans notre relation en ayant par exemple des rapports sexuels. Je pars du principe que chaque chose doit se faire en son temps et c'est très important pour elle comme pour moi d'y aller mollo pour ne pas le stresser. Il faut prendre en compte son passé avec mon frère qui est toujours très particulier à vivre pour ma belle brune du coup j'y vais doucement, je ne la brusque pas pour ne pas lui faire peur.

En bref, je fais les choses correctement et je pense que c'est ce qu'il y a de mieux. Ma brune n'est jamais très rassurée quant au fait que Andrew est mon frère et malheureusement je ne pourrai jamais changer ça. Néanmoins recevoir les conseils et recommandations de Leah me fera du bien d'autant plus que je pense que la belle a sans doute beaucoup de choses à me raconter elle aussi.

Et là justement j'entends que l'on sonne à ma porte, je file ouvrir souriant largement tout en accueillant mon amie proche à l'intérieur de mon domicile, elle me salue aussitôt en me demandant comment ça va.

« Et bien ça va et toi ? Je suis très content de te voir ! » Dis-je joyeusement en souriant à ma belle amie. « Je crois bien que ça fait genre mille ans qu'on ne s'est pas vus. » Je dis en roulant des yeux tout en allant me poser dans le salon avec elle.

Je file alors dans la cuisine chercher de quoi boire un coup en prenant notamment des jus de fruits puis je reviens dans le salon avec des bouteilles sous les bras ainsi que deux verres puis je les dépose sur la table basse en invitant mon amie à se servir...

Voir un peu Steven, c'était m'engager à passer un peu de temps tranquille, au calme, avec quelqu'un qui ne me jugeait pas et que je jugeais pas non plus. Autrement dit, un véritable havre de paix. Je suivais l'évolution de sa vie, et l'idée d'avoir une autre vie à suivre que la mienne, ça me changeait les idées. Enfin, ce n'était pas la seule vie que je suivais. Il y avait cet enfant que j'avais décidé d'adopter. Ceux avec qui je travaillais. Puis mes collaborateurs. Alors pourquoi diable avais-je l'impression de n'avoir que ma vie à regarder ?

Steven, c'était un peu comme un grand frère à mes yeux. J'avais longtemps été l'équivalent de cette petite soeur chiante dont on veut se débarrasser à tout prix, et lui de ce frère taquin qu'on ne supporte pas, mais désormais nous avions tous les deux mûri nos points de vue et, dans mon cas j'avais mûri tout court, les choses s'étaient très largement arrangées entre nous. Autant dire que tout coulait de source. J'avais quelqu'un à me confier sur mes petits tracas - j'évitais les gros pour ne pas lui en rajouter - et j'adorais entendre toutes ses petites anecdotes. La dernière en date ? Lacey.

Cette "anecdote" datait de plus d'un an, mais c'était exactement pour ça qu'elle était croustillante. Toujours d'actualité. C'était rare chez Steven voire complètement improbable, et ça m'amusait beaucoup en vrai. J'adorais savoir ce qu'il s'était passé. Bien sûr, j'étais tout sauf de bon conseil considérant mon nombre de relations passées et les échecs cuisants. Peu et violents.

À l'ouverture de la porte, je souris. Il avait l'air de bien aller, de péter le feu, et c'est plus ou moins ce qu'il me confirmait. Tant mieux.

« Je suis contente que tu m'aies proposé de passer. » Je levais les yeux. Raaah ! Steven et son utilisation de l'hyperbole ! « N'abuse pas non plus, je n'suis pas si vieille, moi. Mais c'est vrai que ça fait longtemps. » Je partais m'installer au salon pendant qu'il apportait les verres. Je l'aurais bien aidé, mais Steven n'était pas tout à fait le genre à laisser ses invités se bouger. Contrairement à sa petite réputation de tombeur, il était tout de même un homme galant et j'appréciais ça chez lui. Il était à l'attention. J'attendis qu'il se pose à côté de moi sur le divan pour continuer.

« Alors ? Il paraît que ta maison d'édition va publier un monument de la littérature ? J'ai entendu ma soeur en parler, elle était choquée. Plus de deux mille pages ?! » Une véritable bible. Luca étant écrivaine, les potins sur les métiers du livre et surtout de l'édition, je les entendais parfois et les retenais pour les ressortir. Puis ça me faisait des brèves pour remplir ou lancer une conversation pour qu'elle devienne davantage intéressante... et les potins ne me rebutaient pas.
   

Sa visite me fera du bien ça n'en fait aucun doute. Récemment j'ai découvert la trahison de celui que je pensais être mon meilleur ami et autant dire simplement que je l'ai foncièrement mal vécu. Nathaniel semblait être un mec génial mais je me suis planté en beauté étant donné que ce salopard n'a pas hésité un seul instant à draguer ma copine même en sachant qui elle était et quel lien elle entretient avec moi. C'est un enfoiré en rut, un pervers et pour ça je le hais, je ne veux plus le voir ni même entendre parler de lui. Tout est terminé à partir du moment où il traite ma copine comme un foutu trou et qu'en plus il s'agit justement de ma copine.

Non je ne peux cautionner ce genre de choses et Nathaniel, ce gros con, est rayé de ma liste d'amis depuis qu'il a fait ça. Il y a beaucoup de choses que je peux accepter mais certainement pas ce genre d'écart de conduite, j'ai toujours été là pour lui, je l'ai toujours soutenu, toujours été présent dès qu'il avait le moindre besoin. Et je me fais remercier comme ça ? Salopard déloyal.

Mais le temps n'est pas à la haine parce que ma meilleure amie vient d'arriver et qu'elle me remercier de l'avoir invitée, je lui souris largement aussi heureux qu'elle tandis qu'elle me dit ne pas être si âgée quand je lui fais mention du fait que selon moi ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vu.

« Non tu es encore jeune. Mais ça fait quand même super longtemps. » Dis-je en souriant à mon amie.

A la suite de ça je la laisse s'installer sur le canapé tandis que moi je fais chercher de quoi boire un coup. Lorsque je reviens je dépose le tout sur la table basse et je laisse mon amie se servir puis je me sers à mon tour et c'est à ce moment-là qu'elle me fait part des dernières rumeurs concernant mon travail, je souris alors fièrement.

« C'est bel et bien le cas. Cet auteur est exceptionnel. Au départ je n'étais pas convaincu mais franchement il a su me convaincre assez vite en apportant les modifications nécessaires qui ont perfectionnées son bouquin. Il aura un franc succès ce bouquin j'en suis persuadé. » Je réponds d'une voix douce en souriant.

A la suite de ça je bois une gorgée de mon verre tout en fixant longuement Leah, elle semble en très bonne forme et ça me fait plaisir.

« Et toi alors ? Quoi de nouveau dans ton quotidien ? » Je demande d'une voix douce...

Entre toutes ces histoires d'orphelinat, de papier, et de fratrie, j'avais la tête sous l'eau et du mal à flotter convenablement. Le type de situation qui me donnait de l'urticaire, moi qui m'efforçais depuis maintenant presque neuf ans à toujours me sortir des situations même les plus difficiles tant que ça peut aider quelqu'un. En presque dix ans, l'humanitaire m'avait métamorphosée. Adieu la gamine capricieuse que j'avais si longtemps su être. Et montrer, aussi. Enfin, même si de la famille, avec toute l'affection que j'avais pour mes frères et mes soeurs, je ne pensais pas être la pire. Ou alors peut-être que je me contentais de fermer les yeux sur mon caractère difficile ? Impossible de savoir sans un avis extérieur et objectif sur la famille Bell.

Je ne manquais pas de rappeler à Steven que je n'étais pas encore un vieux crouton qui aurait vu les siècles passés. Et puis subitement, je soupirais.

« Très longtemps oui... et bête comme je suis je n'ai même pas penser à t'amener un petit quelque chose en guise de cadeau, je suis navrée. Je me rattraperai la prochaine fois, promis ! »

J'étais assez impressionnée, il fallait dire. Outre le fait que la chaîne du livre était un véritable mystère pour moi quand ça ne concernait pas uniquement le lecteur - bien que Luca s'efforçait tant bien que mal de m'expliquer le tout, rien ne rentrait dans ma caboche têtue - je comprenais tout de même ce que valait un ouvrage qui se vendait bien. Une mine d'or, en soit.

« Je te le souhaite en tout cas. À toi en temps qu'éditeur pour ta carrière, mais aussi pour ta maison d'édition, s'il a tant de succès que tu le dis, ça va être un véritable tremplin, non ? » Mes yeux se perdirent un instant dans le vide, comme absorbés par le néant. « De nouveau ? Pas grand chose, faut dire. Mes colocataires s'opposent toujours aussi catégoriquement à l'adoption, donc ça ça n'a pas changé depuis les douze derniers mois, et les papiers traînent en longueur, tu imagines bien combien ça les arrange, bien sûr. Et toujours les mêmes querelles stupides entre mes frères et mes soeurs. Comme si nous étions de retour une quinzaine d'années en arrière quand mon père a dû recueillir Lyra et Luca à la mort de leur mère... » Après tant d'années, j'étais fatiguée de toujours entendre les mêmes reproches, toujours assister aux mêmes conflits... Et le fait que ma famille soit incapable de se réunir sans que tout parte en vrille, ça commençait à finir mon agacement. Je les aimais. Tous autant qu'ils étaient. Je les soutenais, j'étais même incapable de blâmer quelqu'un plus qu'un autre. Mais je préférais me réfugier dans le travail et dans toute cette paperasse qui faisait désormais mon quotidien plutôt que d'avoir une seconde de plus à me prendre la tête comme si j'avais à nouveau quinze ans et que j'étais encore au milieu de toutes ces âneries, sans possibilité de m'échapper. Enfin, à l'époque, je m'étais échappée. Et les conséquences sur mes relations avec certaines de mes soeurs avaient été compliquées.
   

Leah est une personne qui a grande importance à mes yeux. Je l'aime beaucoup et j'ai énormément de tendresse pour elle et je la connais bien. C'est mon amie proche, ma meilleure amie et comme une sœur pour moi. Et à peine eut-elle franchit le seuil de ma maison que je réalise aussitôt qu'il y a comme un problème en ce moment dans son existence.

Je le vois à son regard, à sa mine, à tout. Je la connais voilà tout. On se taquine sur nos âges et elle s'excuse de ne pas m'avoir emmené un petit cadeau pour rattraper le temps perdu, je lui souris en secouant la tête.

« Il n'y aurait pas eu besoin. Ta simple présence est un cadeau pour moi. » Dis-je tout sourire tout en posant mon regard bleuté sur elle.

Je lui demande ensuite de ses nouvelles et elle ne tarde pas à me dire que ses colocs lui font toujours vivre un Enfer quant à son projet d'adoption et je roule des yeux en me disant que ces gens sont épouvantables et qu'ils vont finir par avoir sa peau. Puis elle me parle de sa famille avec qui ça se passe mal en ce moment.

« Tu n'as donc jamais pensé à abandonner tes colocataires ? Franchement je trouve ça méprisable qu'ils t'empêchent de faire ce que tu veux de ta vie. Tu as totalement le droit de vouloir adopter un enfant et de grandir, d'évoluer comme tu le veux. Donc qu'ils t'en empêchent je trouve ça déplacé. A ta place ça fait longtemps que je les aurai quitté. » Je dis en grimaçant. « Quant à ta famille qu'est-ce qu'il se passe au juste ? C'est à quel sujet les querelles cette fois ? » Je demande curieux d'en savoir plus.

Je la fixe alors longuement tout en attrapant mon verre de jus que je porte à mes lèvres tout en attendant bien patiemment qu'elle me donne des détails supplémentaires auxquels je pourrai éventuellement joindre un petit conseil ou quelque chose dans le genre qui lui sera profitable...

C'était plutôt réconfortant de voir que peu importe les jours, les semaines ou même les mois qui nous séparaient de notre dernière rencontre, rien n'avait changé. Je le voyais comme quelque chose de très positif quand, du côté de ma famille, me dire que rien n'avait changé avait tout sauf des allures de réconfort. Mon sourire grandit aussitôt que j'ai réalisé ne pas lui avoir apporté un petit quelque chose pour marquer le coup. Je saurais me rattraper à un autre moment. Et le fait qu'il ne m'en tienne pas rigueur me réchauffait un peu le coeur. Avec lui, je n'avais pas l'impression d'être oppressée comme j'avais l'impression de l'être avec certaines autres personnes. Dieu merci, il existait encore sur terre des gens comme Steven.

« Tu es un amour, Steven. Je suis vraiment contente de te revoir. » Dans ma vie, actuellement, heureusement qu'il était là. Lui, et Leandro. Et quelques autres personnes, bien sûr, mais si peu que j'avais parfois l'impression de couler. Alors une main tendue, un sourire, un mot gentil, forcément, je ne pouvais qu'apprécier le geste.

Je ne réalisais pas, au sujet de mes colocataires, que je me laissais marcher sur les pieds jusqu'au bout. Après tout, ils étaient chez moi, j'avais le monopole du choix, mais je ne voulais surtout pas m'abaisser à leur niveau et les virer sans davantage de manières. Et les yeux au ciel de Steven me fit comprendre qu'il n'y avait pas matière à discuter. Tant mieux... Ou peut-être pas finalement. C'était vrai que j'avais si peu discuter avec lui de cet appartement, tout ça. Je les avais peut-être un peu diaboliser, et je pouvais comprendre que vivre en colocation avec une maman qui n'a pas subi des mois de grossesse et un gosse dans les pattes, ce soit compliqué. Mais qu'ils m'empêchent de réaliser l'un de mes rêves, l'un de mes objectifs pour aider cet enfant... ça m'en rendait malade, et certainement que Steven le remarquait.

« Ils ont beau être chez moi, je ne me vois pas les mettre dehors juste pour pouvoir vivre sans contradiction... Et puis qui sait comment ils réagiraient. » Me les mettre à dos n'était pas une option, de toute façon. Mais j'essayais quand même tant bien que mal de leur faire comprendre que j'allais bien finir par aller au bout de cette adoption. « C'est chez moi. Je ne vais pas laisser mon appartement non plus... » J'étais comme piégée, de toute façon. J'eus un rire jaune, assez ironique. « Tu crois vraiment qu'il leur faut un sujet pour se disputer ? Il suffit juste que tout le monde soit dans la même pièce pour que ça parte en vrille. La simple existence de certains en dérange d'autres et vice-versa. Mais je n'ai plus quinze ans, Dieu merci, ça fait bien longtemps que j'ai arrêté de faire le tampon... » Mais pas de vouloir les réconcilier. Parce que moi, je rêvais d'une grande famille heureuse qui s'aime profondément. Mais chez les Bell, c'est plus compliqué que ça.
   

Elle me remercie pour ma gentillesse en me disant être vraiment heureuse de me revoir, je souris alors tout en posant une main délicatement sur son genou que je caresse doucement sans aucune vulgarité dans le reste, juste une profonde affection.

« Le plaisir est partagé ma belle. » Dis-je joyeusement à la belle jeune femme à côté de moi.

Elle me parle de ses colocataires et tout de suite je lève les yeux au ciel parce que je sais que c'est un sujet délicat. Ils sont toujours derrière elle à l'empêcher de vivre comme elle mérite de vivre soit entourée d'enfants qu'elle aime. Je trouve ça personnellement déplacé qu'ils fassent des manières alors qu'elle vit elle-même dans cet appartement donc qu'ils se permettent de l'empêcher de mener sa vie est malsain.

« Je comprends que ce soit délicat de les foutre à la porte Leah. Mais le problème c'est qu'ils t'empêchent de vivre correctement ta vie et ça de mon point de vue c'est intolérable. Enfin ce n'est que mon point de vue. » Je dis en soupirant.

Elle me parle ensuite de sa famille et je lui demande ce qu'il s'est passé, quand elle m'explique qu'ils n'ont plus besoin de raison pour se chamailler je grimace en me disant que c'est vraiment compliqué. Je suis navré pour elle que ça se passe aussi mal d'autant plus que je sais que ça la chamboule énormément et lui fait énormément de mal par la même occasion mais malheureusement je ne peux rien y changer.

« Je suis désolé... » Dis-je mal à l'aise. « Il y a quelque chose que je peux faire pour toi ? Ou même pour toi et ta famille ? » Je demande souhaitant absolument l'aider dans toute cette galère....

Je souriais davantage à Steven. C'était agréable d'avoir quelqu'un dans sa vie avec qui les choses étaient simples, sans prise de tête, sans réflexion. Je savais qu'avec Steven j'étais libre d'être moi, avec tous mes défauts, comme j'aurais dû l'être avec mes deux frères.

Mes colocs, ils sont pas chiants d'ordinaire. Je m'entends même très bien avec eux. Mais c'est vrai, qu'à nos âges, être seuls en colocs, c'est parce qu'on n'a pas ni envie soit pas le temps, soit encore pas trouvé la bonne personne avec qui passer sa vie. Et c'était bien mon problème. Si j'avais été en couple, tout ça n'aurait jamais eu raison d'être. Et j'aurais peut-être eu le soutien d'une personne avec qui je partageai une grosse partie de mon quotidien.

Je soupirai. C'était surtout Ben le plus réfractaire. Ce que je pouvais comprendre. Le fait qu'il soit mon ex était assez étouffant au quotidien. Le fait qu'il soit question d'un passé commun mais d'un futur chacun de nos côtés était effrayant, même pour moi. « Je sais, oui. Mais je suis pas le genre à prendre plaisir à mettre les gens à la porte pour avoir ce que je veux... » J'étais plutôt le genre à aider les autres, quitte à loger le plus possible chez moi s'il avait fallu.

Les épaules haussées, je regardais Steven. « Non, ne t'en fais pas, ça finira bien par se tasser. Un jour. Quand tout le monde aura pris la décision de mûrir pour de bon. » Mon sourire était amusé. Je savais que certaines rancoeurs étaient présentes, mais pour moi, c'était juste une marque de puérilité, de volonté de rester bloquer sur les vieilles querelles pour ne pas prendre en compte le fait que nous n'avions plus entre 10 et 20 ans.

   

Je suis embêté par sa situation personnelle dans son chez elle parce que définitivement je trouve que ses colocataires sont des petits cons et qu'ils ne méritent pas sa gentillesse. Moi à sa place je sais que les choses se passeraient différemment. Mais Leah est beaucoup trop gentille pour vraiment taper du poing sur la table et imposer sa façon de voir les choses. De même qu'elle ne les mettra pas à la porte. Mais ça reste déprimant pour elle parce qu'elle se retrouve enfermée dans une colocation avec des gens qui ne la respectent pas à sa juste valeur et je trouve ça personnellement méprisable de leur part.

Je lui donne mon point de vue sur la situation, lui recommandant de faire en sorte que cette situation merdique cesse au plus vite mais elle me dit qu'elle n'est pas en position pour les foutre à la porte, je soupire. Ce n'est pas ce que je sous entendais mais évidemment je m'attendais bien à une réponse de ce style. Venant de Leah plus rien ne m'étonne parce qu'encore une fois il est mille fois trop gentille avec ces gens et trop tolérante alors qu'elle ne devrait pas.

« Il n'est pas question de les foutre à la porte Leah. Juste de leur faire comprendre que tu mènes ta vie comme tu l'entends et que si ça ne leur plaît pas c'est pareil. Tu es en droit d'être mère et eux ils n'ont pas à t'empêcher de l'être juste parce qu'ils ne veulent pas d'un enfant en bas âge dans l'appartement. C'est de l'égoïsme pur et dur ce qu'ils font. » Je dis en grimaçant. « Mais je pense sincèrement que ce serait plus simple pour toi si tu vivais seule. C'est une évidence. Ne serait-ce que pour l'enfant que tu adopterais. Mais ça c'est à toi de le décider quoi. » J'ajoute en penchant ma tête sur mon épaule.

Je ne suis personne pour juger donc je ne le ferai pas, je me contente tout bonnement de lui donner mon point de vue après si elle suit mes conseils ou non ça n'engage qu'elle. Mais cette colocation est un poison dans sa vie et si elle pouvait s'en sortir ce serait mieux comme ça.

Elle me parle ensuite de ses problèmes familiaux du moment et lorsque je lui offre mon aide elle me dit que ce ne sera pas nécessaire, qu'il faut simplement que tout le monde mûrisse un peu et je grimace en acquiesçant. C'est plus compliqué que ça visiblement mais je ne souhaite pas m'en mêler.

« Tu veux manger ? » Je propose gentiment histoire de changer de sujet.

Autant que l'on mange ce que j'ai préparé pour notre repas ça lui fera peut-être penser à tout autre chose...

Je sais très bien que, pour Massilia, l'acceptation d'un enfant, c'est difficile par rapport à son traumatisme. Quant à Ben, je ne sais pas ce qui le dérange le plus : me voir faire ma vie sans lui ou avoir réellement un enfant dans les pattes. De toute façon, depuis cette petite "aventure" avec lui, rien n'était plus comme avant et je le regrettais amèrement, tout comme il savait me faire le regretter. Mais il a raison : parfois, ce n'est pas non plus l'envie qui manque de vivre seule. Ca m'aiderait peut-être à plus vite faire ma vie. À mon âge, il me semblait impensable d'en être toujours au point où j'en étais. Vieille fille célibataire. Je soupirais. « C'est compliqué. Ben ne veut rien entendre... Et j'essaie de prendre des gants avec Massi. Puis c'est pas elle qui me gêne le plus, en fait. » Au moins je l'ai dit. J'utilise le "eux" pour dire "lui". Et il le sait. Parce que Steven n'a pas tout suivi, mais il sait qu'il y a eu plus entre Ben et moi... et que ça n'aide pas à faire passer la pilule.

« Est-ce que ce n'est pas non plus de l'égoïsme de vouloir leur imposer mes envies sans prendre en compte les leurs ? » Je haussais les épaules. « On verra bien si je suis prête ou non. » Mais les mettre à la porte, c'est trop dur pour moi.

J'apprécie l'intervention silencieuse de Steven. Il a toujours su et compris que la famille était un sujet houleux, très épineux. Alors il me fait la joie de ne pas s'étendre de trop sur le sujet. C'est pour cette raison que je suis contente des choses qui vont bien dans ma vie. Aussi difficile soit-elle, l'association va bien. Mes relations avec mes collègues... Dont Leandro. Tout va bien, je fais tout pour m'en convaincre, même sur ce qui ne va justement pas.

« Volontiers, je meurs de faim ! »   

Sa gentillesse naturelle est à la fois une qualité mais également un défaut parce que je crains qu'elle ne se fasse pour une conne par ses enfoirés de colocataires. Leah ne mérite vraiment pas de vivre au quotidien avec de pareilles personnes. Entre le salopard qui lui fait regretter à chaque fois qu'il en l'occasion leur histoire qu'ils ont eu et l'autre qui est autant inutile que lui merci quoi... Autant vivre seul si c'est pour être aussi mal accompagné. « C'est compliqué. Ben ne veut rien entendre... Et j'essaie de prendre des gants avec Massi. Puis c'est pas elle qui me gêne le plus, en fait. » Je grimace en entendant ses mots tout en la scrutant longuement de mes yeux clairs.

« Honnêtement ignore-les tu es en droit de faire ta vie. S'ils te posent problème et qu'ils t'empêchent d'être toi-même qu'ils dégagent et qu'ils aillent voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Franchement pourquoi tu t'empêcherais de vivre comme tu le voudrais juste pour des gens qui, au final, n'ont aucune importance ? » Je dis en soupirant.

Mais encore et toujours je sais qu'elle est beaucoup trop gentille pour faire ce qu'elle veut réellement et ça m'agace « Est-ce que ce n'est pas non plus de l'égoïsme de vouloir leur imposer mes envies sans prendre en compte les leurs ? » Je roule des yeux en entendant ses mots parce que pour le coup quand elle retourne la situation comme elle le fait là en se faisant passer elle-même pour la méchante alors qu'elle n'est méchante en rien c'est agaçant quand elle fait ça « On verra bien si je suis prête ou non. » Une fois encore je roule des yeux tout en poussant par la même occasion un grognement de mécontentement.

« En quoi ça fait de toi une personne égoïste de vouloir adopter un enfant ? C'est l'accomplissement d'une vie d'avoir des gosses et c'est normal que tu y songes. Si ces deux imbéciles ne sont pas fichus de te comprendre qu'ils se barrent et qu'ils aillent voir ailleurs. Tu es beaucoup trop gentille et tu sais... A vouloir être trop gentille tu vas te faire prendre pour une conne un jour et je pense sincèrement que tu devrais tout faire pour éviter ça. » Je dis en grimaçant. « S'ils n'ont pas les mêmes envies que toi qu'ils déménagent. Moi je vois les choses comme ça. Si ça ne va pas comme ils le veulent qu'ils dégagent au lieu de s'imposer et de t'imposer par la même occasion un style de vie qui n'est pas le tien. Qu'ils virent de ta vie serait la meilleure chose qu'il t'arriverait Leah. » J'ajoute en grimaçant.

Je lui propose ensuite d'aller manger et sa réponse ne se fait pas attendre « Volontiers, je meurs de faim ! » Je souris aussitôt heureux qu'elle soit motivée et que nous puissions éviter les sujets blasant comme ses collègues ou sa famille pour lesquels je ne peux rien faire de plus qu'écouter et conseiller. Je l'invite donc à se mettre à ta table et je file chercher le plat de pâtes au poulet et aux champignons puis je reviens dans la salle à manger avec ça et le dépose au centre de la table tout en commençant à la servir puis je me sers en retour.

« J'espère que ça te plaira. Bon appétit ma belle. » Dis-je d'un ton joyeux tout en commençant à manger, pour ma part ça me plaît, c'est très bon mais du coup je veux savoir si ça lui plaît à elle aussi...