Il y a une chose dans sa rupture avec Aiden que Will n’avait pas vu venir : se retrouver seul le soir de la Saint Valentin. Non pas qu’il en ait quelque chose à faire. Enfin, les années précédentes, en tout cas, ça lui était pas mal égal, mais cette fois… Il n’a pas envie de passer la soirée seul chez lui à déprimer jusqu’à ce qu’il se retrouve à appeler le soldat et devenir encore un peu plus pathétique au passage. Heureusement, il n’aura pas à tomber si bas. Cela dit, accepter un rencard avec un parfait inconnu juste pour ne pas être seul ce soir, c’est peut-être un peu pathétique aussi, d’une certaine façon. Mais visiblement pas assez pour qu’il ait eu trop de mal à se trouver quelqu’un. Ou plutôt, que l’un des rares étudiants avec qui il passe son temps au labo sans avoir des envies de meurtre, arrive à lui trouver quelqu’un. Tout ce que Will sait du type qui l’attend à la terrasse du Hot Tin, c’est qu’il s’appelle Lane. L’étudiant qui lui a arrangé ce plan lui a assuré que c’était un type mignon et tout à fait son genre, il n’a pas posé plus de question. À quoi bon ? Il ne va pas se marier avec ce mec, de toute façon. Et puis s’il n’en sait pas trop à l’avance, il pourra poser plein de questions et leur éviter quelques blancs si jamais ça ne se passe pas si bien que ça.  

Et puisque le meilleur moyen de savoir s’il s’apprête à perdre son temps ou pas est de se lancer… C’est ce qu’il fait. La terrasse n’est pas encore totalement bondée, probablement parce que se donner rendez-vous à dix-huit heures le jour de la Saint Valentin, ce n’est pas tellement romantique, mais Will y tenait tout particulièrement. De fait, il n’a pas trop de mal à repérer le seul homme qui ne soit pas encore accompagné parmi la petite foule de couples déjà attablés. Il lui faut quelques secondes pour réaliser qu’il connaît l’homme en question. Prince Charmant, en chair et en os. Encore. Dans toute sa naïveté, Will se dit tout d’abord que son rencard est sans doute en retard et qu’il en va de même pour la pauvre fille qui a accepté de sortir avec Charmant ce soir. Ce vain espoir ne survie pas à une brève conversation avec l’hôtesse qui lui confirme que c’est bien lui, Lane. Tout à coup, le chercheur regrette profondément de ne pas lui avoir demandé son nom la dernière fois. Il hésite un instant à partir tout de suite, mais après un soupir, ses épaules s’abaissent comme s’il acceptait son destin et il s’approche du jeune homme. Au moins, il sait où il met les pieds et c’est vrai que Charmant est mignon et qu’il plait bien à Will. Peut-être que ce soir, il sera de bonne humeur et que ce sera amusant. La soirée sushis n’était pas si mal, honnêtement. “Je ne crois pas trop au destin et toutes ces conneries, généralement, mais je commence à me dire que toi et moi, on est condamnés à se retrouver.” lance-t-il en tirant la chaise face au jeune homme pour s’installer. Inutile de le laisser lancer les hostilités, Will préfère prendre les choses en mains. “Alors, est-ce que je peux t’offrir un verre, Lane ?” Ils sont là et ça commence à faire beaucoup de hasards, alors autant jouer le jeu, non ?

Je n'aimais pas la Saint Valentin plus que ça, fallait l'avouer. Le fait de se faire des cadeaux exclusivement à cette fête, l'aspect commercial, mais surtout, toutes ces demandes en mariage qui courraient les rues, ces gens niais à foisons qu'il s'offraient des cadeaux minables, certains qui se mettaient à pleurer d'émotion, franchement, ça me faisait soupiré ! La St Niais voilà comment ça devrait s'appeler. Mais quand en rentrant à la coloc, j'avais appris quelques jours auparavant que je me retrouvais seul, puisque Sapphire n'était plus là, alors que la précédente, on l'avait passé tous les deux à manger du pop corn ensemble, et à faire n'importe quoi, et bien, c'était devenu un peu plus compliqué à gérer pour moi.. Alors quand à la fac, un copain avec qui je parlais beaucoup m'avait parlé du fait qu'il faisait des rendez vous random, ça m'avait fait sourire. Après beaucoup d'argumentation de sa part, j'avais accepté, même si je savais parfaitement que peu importait ce qu'il dirait, je serais d'accord de tenter.

Il m'avait parlé d'une personne doué et passionné par ce qu'elle ou il faisait. D'un ou une physicien.e de génie. Normalement, même si je m'y connaissais assez peu dans la physique, ça voulait dire quelqu'un d'intelligent, de réflechit, et qui aurait surement une conversation instructive et intéressante. J'avais dit oui sans hésiter, alors qu'il me notait sur un petit papier le lieu et la date du rendez-vous. J'étais paré ! Je pourrais lancer à tout le monde que moi aussi j'avais un rendez vous pour la saint valentin ! Suffisait pas d'être en couple pour avoir une vie passionnante ! la mienne l'était en toute circonstance.

Je m'étais préparé tranquillement, ne sachant pas vraiment face à qui j'allais me retrouver. Il m'avait demandé d'arriver plus tôt, je l'avais fait. De toute façon, j'étais toujours en avance. J'avais demandé une limonade, en attendant, en m'étant installé à la terrasse, agréable pour l'époque, et en donnant mon prénom à la serveuse. Je sentais que ça allait être une bonne petite soirée, même si elle commençait particulièrement tôt, en l'occurrence.

Entendant finalement un bruit, je relevais la tête, et remarquait qu'il s'agissait de… Will. Le gars des chaussures, des cornichons de mcdo, des sushis. Je me mettais presque à rire en l'entendant. Je vais finir par croire que vous me suivez, à force. dis-je, en lui offrant un sourire, tandis que je me redressais, et le regardais, en prenant mon verre désormais vide, dans mes deux mains. Vous connaissez mon prénom, maintenant. Quelle tristesse que vous ne m'appeliez plus charmant. J'étais prêt pour faire une demande à l'état civil.. En vrai, ça m'allait si bien que je m'étonnais que mes parents ne m'aies pas mis un second prénom dans celui de "Charmant". Mais c'était vrai que le hasard n'avait eu de cesse de les réunir. Dans une ville loin d'être petite, comme la Nouvelle-Orleans, c'était quand même pas anodin.. J'allais juste pas le reconnaître si vite à l'oral ! Hé biiien… Maintenant que vous êtes là, je prendrai bien un mojito ! affirmais-je, avant d'appeler d'un signe de la main le serveur pour qu'il vienne prendre sa commande et la mienne. Et vous ?

Il a du mal à l’admettre, mais à la place de Charmant, Will se poserait des questions lui aussi. Ça fait quand même deux fois qu’il se retrouve assis face à ce type et ça ne demande pas un parano pour sauter aux conclusions les plus évidentes. Cela dit sur ce coup-là, il est vraiment innocent et il commence à s’interroger sérieusement sur pourquoi il n’a de cesse de se retrouver dans cette situation. “Si je voulais sortir avec toi, je t’aurais invité directement au lieu de monter ce plan dans le seul but de te revoir.” Il regrette d’avoir dit ça presque immédiatement. C’est vrai qu’il n’a pas pris une seconde pour envisager de sortir avec l’étudiant, même pour plaisanter, mais maintenant qu’il est mis devant le fait accompli… Il aurait pu se trouver vraiment pire pour lui tenir compagnie ce soir et il n’est pas mécontent, loin de là. Ça devient même mieux quand le jeune homme le gratifie d’une petite remarque sarcastique. Il a l’air de bonne humeur, cette fois encore. Un miracle qui fait sourire Will. “Ne t’en fais pas, tu seras toujours mon Prince Charmant.” assure-t-il sur le même ton que Lane. Vraiment, sans avoir besoin d’y réfléchir à deux fois, il préfère être ici avec ce crétin plutôt qu’occupé à gratter à la porte d’Aiden comme un minable.

Et de toute évidence, le sentiment est au moins en partie partagé puisqu’au lieu de fuir au plus vite, le jeune homme accepte de passer commande. Le sourire de Will s’étire un peu plus, même si son ego surdimensionné aurait tendance à lui faire dire que ça n’a rien de très étonnant. “Deux mojitos, alors !” lance-t-il quand le serveur vient se planter à leur table et le laisse en placer une après s’être vaguement présenté. Will attend sagement qu’il s’éloigne pour reporter toute son attention sur le jeune homme, vers qui il se penche légèrement en appuyant ses avant-bras sur la table. “Il serait peut-être temps que tu commences à me tutoyer, non ?” Il a beau tourner ça comme une question, c’est bien plus une requête qu’une suggestion. Le fantasme du prof et de l’élève, ça n’est plus tellement son truc depuis bien longtemps de toute façon. “J’ai… Deux ou trois autres questions avant qu’on passe aux choses sérieuses.” ajoute-t-il, sans trop savoir ce qu’il considère comme sérieux. Mais peut-être que Lane va pouvoir l’éclairer sur ce coup-là. “Premièrement, est-ce que c’est toujours un rencard maintenant que tu sais que c’est avec moi ?” Il est à peu près sûr de parvenir à s’en remettre si Lane lui annonce qu’il n’est pas intéressé, mais il préfère le savoir dès maintenant. Que ce soit enfin clair et qu’il ne dépasse pas les limites par inadvertance. “Et deuxièmement, qu’est-ce qu’un type comme toi fait tout seul le soir de la Saint Valentin ?” Cette question le préoccupe cent fois plus, à vrai dire. Certes, Charmant a quelques tendances à être vraiment insupportable, mais le côté bad boy BCBG, c’est censé plaire aux filles, non ? C’est un vrai mystère pour Will que Lane ne soit pas déjà avec quelqu’un. Ou avec une dizaine de personnes différentes, d’ailleurs.

Si j'avais sû ce que j'attendais, ou plutôt qui j'attendais sans forcément en avoir l'envie, j'aurais sûrement montré plus d'enthousiasme à notre rencontre. Dans un premier temps, j'avais pensé que Will me suivait, et j'avais hésité entre amusement et agacement, prêt à attendre mon "vrai" rendez-vous. Mais c'était sans compter que c'était lui, mon vrai rendez-vous. Et finalement, je trouvais le hasard plutôt joueur, et très malin. Merci, je n'allais pas avoir une soirée complètement inintéressante ! Je hochais la tête à sa réfléxion. Oui, ça a du sens. Je m'évitais de songer plus qu'autre chose avec lui. En fait, je n'étais pas certain qu'il soit normal d'être presque satisfait que son rendez-vous soit avec un personnel de l'université. Il aurait pu être prof, d'ailleurs. En tout cas, j'aurais adoré l'écouter parler de tout et n'importe quoi avec condescendance : c'était plus drôle que d'écouter les cours ennuyeux de Madame Shcmidt, la prof de photo. Mais peu importait : de toute façons, il n'était pas professeur.

Je l'avouais facilement : je regrettais qu'il ne m'appelle plus Charmant. Et je n'avais pas eu de honte à l'énoncer à haute voix. Et sa réponse m'arracha le sourire le plus franc de ces quinze dernières années, depuis que ma mère m'avait offert mon immense ours en peluche pour mon anniversaire, se contentant d'une barbie laide pour Lexie, même si elle l'avait adorée..

Je me mettais tranquillement dans mon siège, en ramenant une jambe à moi. Ici, j'étais comme chez moi, même si je ne connaissais pas les lieux ni les propriétaires pour autant. C'était sûrement le plus désagréable avec moi : je n'avait aucune gêne ! Le serveur partait prendre la commande, et j'haussais les épaules face à la nouvelle remarque de Will. Pourquoi pas ? ça laisse un certain charme, non? Même si c'était bizarre de se laisser draguer par quelqu'un qui nous tutoyait et qu'on vouvoyait. Non, en fait, c'était lui. Ouais, finalement, c'est pas ouf. Mais d'un autre côté, ça me faisait bizarre d'en arriver à lui dire "tu". C'était quelque chose à quoi j'allais devoir m'habituer, histoire que ça ne soit pas bizarre par la suite.

Je me redressais lorsqu'il m'annonçait ses questions avant..."Les choses sérieuses"..? Ouuh, carrément. plaisantais-je un court moment, avant de voir son air presque grave qui me fit me taire instantanément. C'était un sourire en coin qui s'annonça l'ébauche d'une réponse de ma part. Je vois pas pourquoi ça n'en serait plus un. Et pour vous.. toi ? demandais-je en retour, tandis que le serveur se ramenait avec nos deux cocktails et que je levais mon verre pour porter un toast, avant de prendre une gorgée, et de manquer de m'étouffer à sa seconde question. A la base, la saint valentin, c'est pas mon truc. Je trouve que c'est niais et mièvre. Et je n'ai pas encore trouvé personne qui me donne envie de passer la saint valentin avec. Sauf peut-être quelqu'un de rafraichissant, et d'intéressant. Quelqu'un qui me ressemblait tout en étant différent. Quelqu'un comme Will, bien que j'aurais été à des lieues de penser lui proposer quelque chose, malgré ses piques quasi-constantes. Et toi, pourquoi t'es pas avec quelqu'un à ton bras, en ce si merveilleux jour de la saint valentin ? ajoutais-je non sans ironie sur l'intérêt de cette fête.

Passer au tutoiement n’a pas l’air gagné d’avance, mais ça devient vraiment vital pour Will, surtout quand le jeune homme lui confirme qu’il considère toujours cette soirée comme un rencard. Pour l’instant, le chercheur ne sait pas trop ce qu’il en pense. Il y a un air clairement satisfait sur son visage à cette annonce, mais… Une partie de sa conscience aurait tendance à croire que quoi que lui apporte cette soirée, ce n’est pas le moment idéal pour lui. Au moins, il a l’autorisation formelle de continuer de flirter sans que ça ne finisse par devenir gênant ou problématique, et ça c’est une excellente nouvelle parce qu’il n’aurait pas pu s’en empêcher. Quant à lui, même s’il est un fervent défenseur de l’honnêteté en toutes circonstances, même quand elle fait mal, il se contente d’un haussement d’épaule quand Lane lui retourne la question. Avant d’ajouter, presque trop détendu pour être vrai : “Je ne suis pas contre l’idée.”

Il n’est pas surpris de la réponse à sa seconde question, par contre. Il s’y attendait même tellement qu’il lève les yeux au ciel en écoutant le jeune homme lui sortir le discours le plus répandu au monde au sujet de la Saint Valentin, tandis qu’il joue distraitement avec son verre. “Ça ne tient qu’à toi d’en faire autre chose qu’un moment niais et mièvre, tu sais.” Et Will dit ça alors qu’il n’est lui-même pas tellement fan de cette fête qui n’en est pas vraiment une. “Mais ma question tenait plus au fait que tu recours à des rendez-vous arrangés alors que… J’en sais rien, j’ai du mal à ne pas t’imaginer avec toute une horde de prétendantes vissées aux talons. Entre tes petits airs de prince et ta belle gueule, ça me surprend que tu n’aies pas de petite-amie.” explique-t-il, puisque de toute évidence, il est beaucoup trop subtile pour Charmant. Encore une fois, il lui trouve cette surprenante innocence qui le prend de court. Comment il fait pour être à la fois sarcastique et tellement candide ? C’est un mystère que Will compte bien percer à jour, de préférence ce soir. “Enfin... En ce qui me concerne… Je ne suis pas vraiment fan des niaiseries non plus, mais je sors tout juste d’une rupture assez éprouvante et je n’avais vraiment pas envie d’être seul aujourd’hui.” Ce n’est pas le genre de détail qu’on aborde pendant un rencard, encore moins le premier, mais une fois encore l’honnêteté froide n’inquiète pas Will. Mieux vaut que Charmant sache dans quoi il s’embarque le plus tôt possible, pas vrai ?

“Je me suis dit que ce serait mieux de tenter ma chance avec un parfait inconnu que de rester chez moi à me demander pourquoi je sors toujours avec des mecs qui attirent les problèmes. Mais je t’avoue que je n’avais pas vraiment dans l’idée de considérer cette soirée comme une véritable opportunité.” Ses convictions à ce sujet sont beaucoup moins prononcées maintenant qu’il a le parfait inconnu sous les yeux. Il n’a clairement aucune envie d’une nouvelle embrouille si tôt après Aiden, mais il pourrait abandonner ses bonnes résolutions et son voeu de célibat pour ce cher Prince Charmant. “Alors, qu’est-ce que t’as contre l’amour et toutes les mièvreries qui vont avec ?” demande-t-il avant de goûter enfin à son cocktail, son air nonchalant déjà de retour comme s’il ne l’avait jamais quitté.

Comme s'il avait balayé mes incertitudes avec une simple phrase, je m'autorisais un rapide soupir de soulagement. C'était idiot, puisqu'il était le premier à ouvrir les hostilités, mais il me laissait avec ces craintes obscures et peut-être idiot. Je lui offrais mon meilleur sourire. Et cette fois, en plus, j'ai pas de hamburger dans les mains ! Comme s'il m'avait fallu un dessin pour comprendre que les fast foods, ça n'étaient pas son truc et ça le dégouttait. Son petit discours sur les inepties qu'on trouvait concernant Mcdo sur Internet avaient été très clairs à ce sujet. Et encore maintenant, ça me faisait rire. J

Je ne voyais pas comment rendre la Saint Valentin autrement qu'un moment mièvre. C'était comme si les couples du monde entier s'était réveillés pour se décrier leur amour. C'était vraiment ridicule. Les autres jours de l'an semblaient insignifiant si on en écoutait certains. J'ai des doutes sur la façon de rendre ça un moment mémorable. de toute façon, ça resterait niais, il suffisait de jeter des coup d'oeil dans la rue, et l'envie de vomir me rattrapait. Les bourgeons de l'amour semblaient éclore, et franchement, entre ceux qui semblaient en rûte, et ceux qui attendaient fraichement la st valentin pour faire le premier pas, c'était pitoyable. Dire que notre premier échange de baiser avec Sapphir avait eu lieu à la St Valentin.. ça montrait bien qu'on n'était voués à ne pas s'aimer. De toute façon, elle m'insupportait autant qu'elle avait pu m'attirer. Elle était mieux loin de moi, et moi aussi !
Et ce jour restera mièvre et niais, parce que les gens s'empressent d'écrire des cartes qui puent l'eau de rose,
et semblent capable d'exprimer leurs sentiments ou leur amour que ce jour là. Comme si les autres jours comptaient pas, ou en tout cas, beaucoup moins. Je pense que l'amour ça s'entretient, et c'est fait de surprises, pas de niaiseries.

Je haussais les épaules à sa réflexions, avant d'avoir un léger sourire qui s'installait sur mes lèvres lorsqu'une remarque vint d'elle-même à moi. C'est qu'elles ne sont pas assez bien pour moi. Alors forcément, je n'ai pas de temps à perdre avec leur sottise. Si seulement j'avais pensé comme ça plus tôt, ça m'aurait évité de perdre tout ce temps à m'accrocher comme un idiot à la drague de ma colocataire, qui au final ressemblait plus à une droguée et une fille totalement paumée, qui avait surement besoin de faire un travail sur elle même avant de se trouver qui que ce ne soit. Et puis, il n'a pas que les filles, dans la vie. je plantais mes yeux dans les siens, remarquant pour la première fois plus en précision la couleur qu'ils avaient. On aurait dit de vraies perles.

J'avais du rester quelques longues secondes, si c'était pas des minutes fixé sur ses yeux, si bien que lorsqu'il me parlait de sa rupture, j'avais eu bien du mal à assimilé, un peu mal à l'aise. Mon cerveau fit un long retour en arrière, le temps de traduire les sons qu'il avait entendus pour les retranscrire en information. Oh, je suis désolé pour vo.. toi. Les rupture, c'était jamais simple, même quand on s'en fichait. J'en parlais en connaissance de cause.
Mais je ne baissais pas la tête. En fait, j'étais à moitié désolé. Parce que j'avais de la peine pour le sentiment qu'il ressentait. Et d'un autre, ça m'arrangeait peut-être un peu.
Mais malheureusement ça n'est pas vraiment un inconnu devant... toi.

Je levais les yeux au ciel. Je pense que c'est des foutaises. On peut tomber amoureux, je dis pas. Mais ça finit toujours mal. Et j'ai pas du tout envie de me retrouver comme une vieille chaussette pour une fille. J'ai jamais été vraiment amoureux, je pense. C'est peut-être pour ça que j'ai l'esprit fermé à cette fête débile. Le seul exemple que j'ai de l'amour, ce sont mes parents. Et ils n'attendaient pas le 14 février pour se dire ou se montrer qu'ils s'aiment. Je trouve ça stupide, vraiment. Mais après tout, ça peut quand même être l'occasion de passer une très bonne soirée. Ou un début de soirée, avec lui. J'étais plutôt satisfait de ce rendez-vous, moi qui m'imaginait devoir l'écourter, sans savoir avec qui il serait.

L’une des plus grandes passions de Will consistant à jouer sur les mots, il se sent comme au Paradis quand le jeune homme admet qu’il ne voit pas comment rendre cette journée de Saint-Valentin qu’il trouve ridicule “mémorable”. Sourire en coin, il savoure d’avance l’opportunité qui lui est servie sur un plateau de torturer Lane avec ce petit lapsus qui en dit long. “Pourquoi faudrait-il que ce soit mémorable ?” demande-t-il en arquant un sourcil. Mais Will n’a certainement pas la même image d’une Saint-Valentin parfaite que le reste du monde. Il voit rarement les choses comme ses semblables, à vrai dire. En tout cas si Charmant veut une soirée mémorable, il est prêt à la lui offrir, peut-être pas en terme de romantisme cela dit. Pour l’instant, cependant, il se contente d’écouter, un vague sourire aux lèvres, tandis que le jeune homme lui explique en long et en large ce qu’il reproche à la journée internationale de l’amour. Son discours à ce sujet n’a rien d’une surprise, ce qui l’est en revanche c’est que Will trouve si plaisant de l’écouter en parler. Il est tellement concentré sur cette tâche qu’il perd une merveilleuse occasion d’embêter un peu Lane en le mettant face à de belles contradictions. C’est pourtant ce qu’il préfère au monde, mais il réalise ce soir qu’il apprécie aussi de se tenir enfin face à quelqu’un qui ne soit pas un concentré de pessimisme et de désespoir. Sa rupture avec Aiden est encore trop récente pour qu’il ne se retrouve pas à comparer les deux hommes chaque fois qu’il en a l’occasion, consciemment ou non. Et à chaque différence, Charmant gagne un point. Non pas que Will tienne vraiment les comptes, mais il lui apparaît de plus en plus évident qu’il a bien fait d’accepter ce rendez-vous arrangé.

Au fil des questions, des gorgées d’alcool qui se succèdent, la nonchalance de Will se transforme en véritable allégresse. Il ne l’aurait pas parié avant de découvrir l’identité de son rencard, mais il passe vraiment un bon moment. Et même s’il savait déjà qu’une soirée avec Charmant serait bonne, il ne s’attendait pas à ce que ce soit à ce point. Qu’il arrive à se détendre réellement alors qu’il vient de passer des jours à déprimer à cause d’Aiden. Quand il en parle, ce soir, c’est sans amertume, sans tristesse, simplement comme un fait qu’il donne et qui n’a pas d’importance. D’un geste de la main, il repousse les excuses de Lane, loin d’être nécessaires. “J’imagine qu’il y a du bien dans chaque malheur ! Si j’étais encore avec ce type, je ne serais pas là ce soir et ce serait terrible pour moi, mais surtout pour toi.” rétorque-t-il, vaguement moqueur, avant d’ajouter d’un ton plus retenu : “Je suis content d’être tombé sur toi plutôt que sur un parfait inconnu.” C’est une autre de ces choses qu’il ne devrait certainement pas dire aussi directement. Il y a tout un tas de règles et de codes pour ce genre de soirées, mais Will n’a aucune envie de les suivre.

Il secoue la tête, dépité, aux paroles qui suivent et n’arrangent rien au plaisir qu’il prend à cette soirée. “C’est vrai que là, tout de suite, j’ai un peu de mal à croire que ça ne finit pas toujours mal, mais j’espère vraiment que tu te trompes !” Parce que sérieusement, c’est d’une tristesse… “T’es beaucoup trop jeune et beaucoup trop inexpérimenté, de ce que tu me dis, pour être aussi cynique. Franchement, t’as pas envie de tomber amoureux, de vivre une belle histoire ? De rencontrer quelqu’un avec qui détester la Saint-Valentin jusqu’à la fin de ta vie ? C’est sûr qu’on tombe rarement sur la bonne personne du premier coup, mais il doit bien y avoir une petite chance que ça finisse par arriver… Sinon, c’est quoi l’alternative ? Naître, vivre et mourir, seul du début à la fin ?” Peut-être bien que le problème vient de Will, qu’il est trop romantique ou désespéré, à sa façon et que Lane a raison, mais il n’a pas non plus envie de se sentir de nouveau déprimé alors que, pour l’instant, tout se passe vraiment bien. Il ne laissera pas ça arriver, hors de question.

La soirée bat son plein et Will et Lane continuent de discuter. Le mojito de Lane arrive enfin... sauf qu'il s'agit d'un cocktail "offert par la maison" à l'occasion de cette soirée très spéciale. Le seule hic, c'est la mangue contenue dans ce cocktail. Pas forcément très fraîche et sortie d'un congélateur pas tout à fait aux normes, le fruit n'est déjà pas vraiment délicieux. Mais, quand Lane porte à ses lèvres son verre, le pire arrive. Lane a toujours fait des allergies à la mangue, mais jamais de cette ampleur... le choc anaphylactique est alors instantané...

Sa question, elle semblait plus à une question sans réponse. De ma part, en tout cas, ça serait le cas. Et c'était assez facile de remarquer qu'il essayait de me piéger : il n'y avait pas de bonne réponse, que des mauvaises. Je le savais, j'étais normalement, expert en la situation. Pour une fois que c'était l'arrosoir arrosé ! Je frottais mes mains sur mon jeans, et je me redressais.
Et bien, apparemment, c'est ce que chaque personne attend de la saint valentin, entre autre. Entre ceux qui attendent que leur vie changent, que leur relation change, que le bonheur frappe littéralement à leur porte.. du coup, forcément, on a tous envie d'oser espérer les mêmes choses. Sauf qu'on se rend tous compte que c'est la même chose qu'un 11 février ou n'importe quel autre jour de l'année.   Et finalement, chaque année, c'était une déception, pour tout le monde. Personnellement, la saint valentin, aucune ne m'avait jamais semblé magnifique. Les attentes des gens, c'était toujours si différent de la réalité. C'était sûrement pour ça que j'essayais de ne jamais avoir d'attente. Au pire, je n'étais pas déçu. Au mieux j'étais surpris. Même si j'étais rarement surpris quand on faisait le compte.

Je soupirais alors que le serveur amenait nos verres, ce qui me paraissait avoir été l'espace d'une seconde depuis qu'on avait commandé. Pour une fois, ça n'était pas coutume ! D'habitude, les gens étaient si ennuyants que l'attente de mes boissons semblait être interminable. Finalement, peut-être pas que tous les gens l'étaient tant que ça ! Je souriais, tout en tortillant mon verre entre mes doigts, pas forcément certain de vouloir commencer à boire de suite. Si l'alcool se prenait à contrôler mon corps, je risquerais de profiter un peu moins de ma présence à ce rendez-vous, qui était vraiment passionnant. Enfin, presque.

J'avais regretté d'avoir mis sur le tapis des questions sur son ex. Est-ce que c'était une bonne chose, je n'en savais pas vraiment, généralement, je n'entretenais pas de relation suffisante pour connaître plus sur les exs des personnes avec lesquelles je me trouvais. Même si avec Sapphire, j'avais essayé de me laisser plus aller à la croyance que c'était possible que quelque chose soit à construire entre nous, on n'en était jamais arrivés à la question des ex. Tant mieux, la liste était trop longue de mon côté, bien que j'avais toujours soupçonné que la sienne l'était aussi, elle était une jeune femme qui plaisait, après tout. Mais une sacrée idiote. J'eus un sourire en l'entendant parler. Je suis aussi content que ce soit toi qui soit là devant moi. disais-je, en prenant mon verre, en le levant au niveau de mon visage, portant presque un toast, avant de finalement le porter à mes lèvres, et de répondre à sa questions. Je dis pas non, disons que je suis pas tombé sur les bonnes personnes. disais-je, en souriant, avant de finalement, reprendre. Et qu'est-ce qui dit que je n'ai pas d'expérience après tout je… je… …   Les mots me manquaient. Ils ne sortaient plus de ma gorge. Je lâchais mon verre en réalisant que l'air non plus le me venait pas. Je portais mes mains à mon coup, alors que je me transformais en une sorte d'appareil à spasmes. Mais il m'arrivais quoi là… j'avais l'impression que j'allais mourir. Plein de désespoir, je lançais un regard à Will alors que je comprenais que je faisais une réaction allergique. Excepté que j'étais incapable de me faire mon injection d'épinéphrine tout seul, vu mon état. Dans ma panique, je faisais se renverser ma chaise à l'envers, et montrait mon sac, menant la guerre la plus prenante de ma vie pour arriver à sortir un seul mot de ma gorge qui se gonflait toute seule. E...p..pi.. disais-je, en me strangulant continuant de montrer mon sac.

La Saint-Valentin telle que la décrit Lane n’est pas tellement ce qui fait rêver Will, bien obligé d’admettre qu’ils sont d’accord au moins sur l’hypocrisie que c’est de ne faire des efforts pour son couple qu’un seul jour dans l’année. Pourtant, ce soir, il est positivement surpris de la tournure des événements. Ce matin encore, il aurait juré être au fond du gouffre ou presque. Ce soir, la conversation avec Charmant lui arrache plus de sourires qu’il ne voudrait en offrir et il est à deux doigts d’oublier sa bonne résolution de ne pas foncer tête baissée dans les bras du premier type qui veuille bien lui accorder un peu d’attention après le désastre de sa dernière relation. “T’es tellement cynique, j’adore !” lâche-t-il quand le jeune homme lui explique pourquoi ça lui tient tellement à coeur qu’un jour comme celui-là soit inoubliable - ou pourquoi il s’en fiche, ce n’est pas très clair honnêtement. “Peut-être que le bonheur vient de frapper à ma porte.” souffle-t-il en accompagnant ses mots d’un regard appuyé et d’un air sérieux, vite gâché par un rire. Qu’importe les attentes oppressantes de l’imaginaire collectif, la romance importe bien peu à Will tant qu’il passe un bon moment et parvient à se changer les idées l’espace d’un instant.

Même parler vaguement d’Aiden n’arrive pas à entamer sa bonne humeur. C’est un sujet sans importance qu’il repousse vite et n’aborde qu’avec l’indifférence qu’il mérite, préférant se concentrer sur les contradictions de Lane qui le passionnent davantage. Il se voit bien rester assis là à l’écouter se justifier jusqu’à ce qu’on les oblige à quitter les lieux. Vraiment. Sauf qu’en plein milieu d’une explication que le chercheur devine déjà bancale, Charmant se met à bégayer d’une manière assez inquiétante pour chasser le sourire de Will et le remplacer par un regard anxieux au jeune homme. Malgré sa réputation de petit génie, Will a quelques difficultés à comprendre ce qui se passe. Pour sa défense, il ne réfléchit pas tellement, bien trop occupé à répondre au regard paniqué de l’étudiant par un autre de son cru. “Lane ?” Son appel n’obtient aucune réponse, mais c’est un peu le cadet de ses soucis. Il se lève et bondit presque pour rejoindre le jeune homme de l’autre côté de la table, indifférent au son de leurs chaises qui tombent au sol et aux murmures inquiets des autres clients qui tournent rapidement leur attention vers eux. Il faut que Lane parvienne à prononcer un semblant de syllabe audible pour que Will comprenne enfin ce qui se passe. Il tremble presque autant que le jeune homme quand il tombe à genoux sur le sol et fouille dans son sac jusqu’à trouver le genre de stylo-seringue qu’il n’avait encore jamais vu ailleurs qu’à la télévision. Idem pour la façon de l’utiliser, mais il existe bien une infime chance que ce soit vraiment la bonne pratique, pas vrai ? Il prie pour que ce soit le cas tandis qu’il se dépêche de retirer la sécurité et d’enfoncer l’aiguille dans la jambe du jeune homme.

Il attend à peu près cinq secondes qu’un miracle se produise, mais ça lui semble déjà trop long et finalement il se retrouve sans trop savoir comment avec un bras autour des épaules du jeune homme et ses yeux écarquillés braqués sur son visage dans l’espoir que tout rentre dans l’ordre aussi simplement que ça. “Lane ? Est-ce que ça va ?” Il devrait sûrement appeler une ambulance, il doit bien y avoir autre chose à faire, mais même s’il le voulait, il serait bien incapable de bouger là… “Pitié, pitié, dis-moi quelque chose…” Il n’arrive plus à se souvenir si, dans les films, le pauvre crétin qui manque de mourir d’un choc anaphylactique se remet tout de suite après l’injection ou non, mais s’il y a une chose dont il est certain, c’est qu’il va tuer le serveur qui a apporté ce foutu verre à leur table. Dès qu’il sera sûr que Lane va bien, tout du moins.

La soirée débutait si bien ! Je n'aurais pas osé rêvé meilleur partenaire pour une saint valentin. Enfin, je n'aurais jamais révé de partenaire du tout pour la saint valentin. La vérité était que cette fête m'était un peu étrangère, comme une obligation d'acheter quand on est en couple. Et j'aime pas ça. Heureusement, je n'ai jamais été en couple pendant ce jour, j'aurais détesté devoir me plier aux exigences d'une société de consommation qui faisait passer ce jour pour celui de l'amour. J'avais toujours pensé que le jour de l'amour dépendait du couple. Pas des choix marchants. Je relevais les épaules en l'entendant me dire qu'il aimait mon cynisme. Peut-être qu'il avait raison, je l'étais sûrement, seulement, c'était la façon dont je voyais la vie. Je lui offrais un léger sourire. C'est comme ça, c'est la vie, c'est tout. Mais ça n'était pas quelque chose qui me faisait peur ou me donner de la tristesse. Dans le fond, je m'étais fait à l'idée des années auparavant que je ne rentrais pas dans les cases qu'on avait toute préparées pour moi. Non, mais je préférait être différent. La différence, c'est ce qu'il y avait de meilleur, c'est ce qui rendait la vie plus savoureuse et plus exitante après tout !

Je marquait un temps d'arrêt quand il avait évoqué la possibilité que le bonheur ne soit à sa porte. H ? J'ai préféré ne pas mettre l'accent sur ce que je n'ai pas compris. Alors j'avais tout simplement fait un petit sourire, baissé la tête, avant de reprendre à la charge, et que les mots finissent à s'envoler pour une partie, et à rester coincés dans ma gorge. Quelque chose n'allait pas. Et j'avais l'impression de me mourir. ma vie passait à travers mes yeux, et le sang me montait à la tête, de même qu'une sale migraine.
J'avais essayé de parler à Will, incapable de trouver mes mots, ni de savoir si c'était un message passé. Les convulsions étaient en train de secouer mon corps, jusqu'à ce que ça se calme, et que je perde momentanément connaissance. Voilà comment je suis mort, apparemment..

Le vide qui possédait mon esprit était froid et inquiétant. J'avais peur de ce qui était en train de se passer, plongé dans le noir, à la recherche de la lumière au bout du tunnel c'était comme ça qu'on l'appelait, hein ? Jusqu'à ce que je me retrouve comme aspiré. Et finalement, ms yeux se rouvraient doucement, attaqués par le soleil, et je me remuais un peu. Hum.. que chose. essayait de répéter mon cerveau, qui ne savait que dire..
J'ouvrai un peu plus mes yeux, et regardais Will, l'air incrédule. il s'est passé quoi ? essayais-je de formuler, à peine en articulant, et en respirant très fortement, en hachurant mes mots. Bon sang, j'ai bien cru y passer ! Mais Will semblait avoir été très réactif, bien que je ne savais pas vraiment comment ça avait pu se passer : j'étais très attentif aux mes allergies, pourtant..

Voir Lane ouvrir les yeux est peut-être la plus belle chose qui soit jamais arrivée à Will et c’est à peine exagéré. Son coeur bat la chamade, ses mains sont moites et son regard complètement perdu dans celui de l’étudiant, mais malheureusement, ce n’est pas le coup de foudre. Il n’arrive pas à imaginer quelque chose qui craigne plus qu’un rencard qui prend fin quand l’une des deux personnes meurt soudainement, et alors que le jeune homme reprend conscience, le chercheur se rend compte qu’il a vraiment envisagé cette possibilité, même inconsciemment. Le soulagement met du temps à l’envahir réellement, même quand Charmant retrouve la parole. Certes, il est définitivement vivant, mais comment peut-il demander à Will ce qu’il vient de se passer ?! “Je n’en sais rien ! C’est toi qui viens de manquer de mourir dans mes bras, à toi de me le dire !” S’énerver n’est pas d’une très grande utilité, mais ça a au moins le mérite de débarrasser Will des dernières traces d’angoisse. Il scrute une dernière fois le visage du jeune homme pour s’assurer que tout va à peu près bien et quand c’est le cas, s’autorise enfin à respirer un grand coup. Il retire son bras des épaules de Lane et se laisse tomber à côté de lui, toujours sur le sol en plein milieu du bar comme si de rien était. Il imagine sans trop de mal les regards braqués sur eux, entend les murmures, sent la foule qui l'oppresse… Et malgré une brève accalmie, sa nervosité revient de plus belle à cette idée.

On ne peut donc pas tellement lui reprocher son comportement quand il lève les yeux sur le serveur planté à côté d’eux, sans doute là pour aider, et qu’il perd le sens des bonnes manières. “Vous pourriez aller nous chercher un verre d’eau au lieu de rester planté là comme un abruti ?!” Il n’a aucune pitié pour le pauvre jeune homme qui sursaute violemment au son de sa voix. À vrai dire, à peine le serveur a-t-il tourné les talons que c’est tout juste s’il existe encore aux yeux de Will. Il se remet debout avec autant de dignité que possible, relève la chaise de Lane et se penche vers lui pour l’aider à se remettre sur pieds. “Comment tu te sens ? On devrait peut-être appeler une ambulance ou t’emmener aux urgences, non ?” propose-t-il en l’emmenant vers sa chaise. Il préférerait mille fois qu’ils puissent reprendre le cours de la soirée l’air de rien, mais il faut être honnête : Charmant a quelque peu perdu de sa superbe et Will ne doit pas en mener large non plus. Au moins, c’est original, le genre de soirée qui marque les esprits. “Tu sais, quand je te disais qu’il y a tout un tas de façons de rendre une soirée de Saint-Valentin mémorable sans tomber dans les clichés niais, ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête…” souffle-t-il alors qu’il rechigne à s’éloigner du jeune homme. Hors de question qu’il retourne s’asseoir sur sa chaise et qu’ils reprennent la conversation, de toute façon. Soit ils vont à l’hôpital, soit ailleurs, mais Will n’a aucune intention de rester dans ce bar beaucoup plus longtemps. “Enfin, au moins je suis sûr qu’aucun de nous n’oubliera jamais ce premier rencard.”

Un rire nerveux lui échappe discrètement, mais il arrive peu à peu à retrouver son calme et c’est déjà ça de gagné. “Tu devrais peut-être me faire une liste de toutes les allergies mortelles dont tu souffres, au cas où il y en aurait un deuxième.” Bon, peut-être qu’il n’est pas si calmé que ça, car cette remarque qu’il espérait balancer comme une plaisanterie sonne un peu trop vraie à son goût. À croire qu’il n’y a vraiment que les mecs à problème qui l’attirent, même si pour le coup il préfère les allergies à certains autres troubles. “Bon sang, où est passé cet attardé de serveur ?” marmonne Will en cherchant ce dernier près du bar.

Et voilà que ma respiration s'appaisait, revenant petit à petit à la normale. Je sentais au fond de moi que j'avais échappé belle.Il m'avait fallu du temps pour réaliser que c'était une réaction allergique. Depuis le temps que j'en avais plus fait, j'étais loin d'imaginer que c'était dans un bar, sans manger de cacahuète ou d'arachide en quelque genre que ce ne soit, que j'en aurais fait une. Au moins, je me sentais revenir à moi, et c'était une bonne chose. J'étais nauséeux, et pas forcément dans mon assiette.

J'avais bêtement demandé à Will ce qu'il c'était passé, alors que peu à peu, je reprenais conscience du monde qui m'entourait et de moi même, alors que je réalisais la gravité de la situation, sans être capable de mettre le nom sur ce qui m'avait fait partir dans un tel état.. Tu parles d'une soirée inoubliable ! je suis désolé.. dit-je comme unique réponse à comment je me sentais. Puis je soupirais. non, ça va aller, pas besoin d'une ambulance.. J'en avais géré plus d'une, d'allergie. Et oui, quand on épuise ses chances à faire des enfants à moitié réussi, il faut que celui qui s'approche le plus de la perfection ait un problème. Moi c'était les allergies... C'était comme cela que j'avais appris que personne n'était parfait... Même si certain s'en rapprochent plus que d'autres !

J'essayais de me redresser pour commencer à m'asseoir au sol, puis après viser ma chaise, et eut un léger rire devant les paroles de Will. oui, j'imaginais pas ça non plus je te rassure.. disais,je, en entreprenant une longue avancée vers ma chaise, en restant toujours au sol. alors que le serveur amenait le verre d'eau. il est là. j'avais beau essayer, je savais que je n'arriverais pas à calmer Will, plus énervé que moi, qui étais encore bien sonné.
Au serveur, je m'adressais pour en savoir un peu plus... Excusez moi, mais y a quoi, dans votre mojito ? c'était la seule chose que je n'avais pas connaissance des composants.. Et sûrement l'origine de mon malehur. Je soupirais, alors qu'il me citait les éléments qui composaient cette boissons. De la... mangue ? demandais-je, avant de le foudroyer du regard, tandis que je reprenais des galons.vous pouviez pas prévenir plus tôt que votre mojito n'était pas normal ? je tournais la tête devant Will, j'avais trouvé l'origine de mon malaise.

Will ne croit pas vraiment qu’une ambulance n’est pas nécessaire, mais il décide de ne pas le faire remarquer à voix haute. Son regard suffit à donner le fond de sa pensée, de toute façon. Il est inquiet, peut-être un peu en colère aussi, mais heureusement pour Charmant, ce n’est pas lui qui va en faire les frais. Le serveur qui tarde à revenir avec son foutu verre d’eau ne peut pas en dire autant. Le fait que Lane ressente le besoin de s’excuser pour la seconde fois en moins de cinq minutes n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. “Arrête de t’excuser, tu n’as rien fait de mal !” s’offusque-t-il alors que le jeune homme essaye de savoir d’où lui vient cette crise d’allergie. Le chercheur ne voit pas tellement l’utilité de tout ça, qu’importe l’ingrédient responsable de cette catastrophe, ce bar est le vrai coupable à ses yeux et il n’a aucune intention de changer d’avis à ce sujet. La preuve, quand Lane découvre enfin l’arme de crime, Will se contente de croiser les bras contre sa poitrine et de lever les yeux au ciel. Tout à coup, le petit crétin prêt à anéantir un homme de ménage un peu maladroit lui manque vraiment beaucoup. Mais il suppose que d’avoir échappé de peu à la mort doit avoir le chic pour vous calmer un homme. Heureusement, il est là pour assurer les arrières de son crétin. “Vous pensez vraiment que des excuses vont suffire ?” demande-t-il sèchement au serveur occupé à balbutier ce qui ressemble vaguement à des excuses dignes de ce nom. “Vous auriez pu le tuer ! Donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous faire virer !”

Il se désintéresse assez vite des bégaiements qui suivent pour regarder vers Lane. Un seul coup d’oeil suffit à calmer ses ardeurs de justicier. Tout se passait tellement bien… Et il n’a aucune raison de se tenir bien, ce soir. Lèvres pincées, il finit par se convaincre que ça ne vaut pas la peine de gâcher l’ambiance plus qu’elle ne l’est déjà. Ses bras retombent dans le vide. “C’est bon, laissez tomber. On s’en va d’ici.” lâche-t-il à l’adresse du serveur qu’il regarde à peine. Il n’attend pas non plus que Lane approuve ce plan pour ramasser son sac et poser une main dans son dos pour l’aider à se relever et à rejoindre la sortie. Il a l’air d’aller un peu mieux, mais on n’est jamais trop prudent.

L’air frais dehors fait un bien fou à Will qui s’arrête dès qu’ils sont sur le trottoir, pour lâcher un soupir qui vient de loin. “Je suis vraiment désolé pour ce désastre…” souffle-t-il, dépité. “Si t’es sûr de ne pas vouloir aller aux urgences, je devrais peut-être te raccompagner chez toi. Vaudrait mieux que tu te reposes.” C’est la dernière chose dont il ait envie et ça se voit. Il ne pourrait pas être plus clair en le disant directement. En fait, la seule raison pour laquelle il ne le dit pas, c’est que sa blague sur un second rencard est tombée complètement à plat. Forcément, ce ne doit pas être dans la liste des priorités du jeune homme, là tout de suite, mais la partie beaucoup moins sensée de Will a du mal à se contenter d’une explication cohérente. Le plus simple est encore de laisser tomber. Cela dit, s’il aimait les choses simples, il ne serait pas là ce soir. “Enfin… Si tu te sens mieux et que tu veux continuer, on peut faire autre chose. Genre aller se moquer des couples en train de se demander en mariage par centaine à Jackson Park, ou se gaver de gras au mcdo du coin… Peu importe, ce que tu veux. Je passais vraiment un bon moment avant que t’essayes de me claquer entre les doigts, ce serait dommage de finir sur une note aussi dramatique, non ?” Il a presque réussi à dire tout ça et à conserver sa dignité en même temps, pas vrai ? Ouais, presque. Qu’importe, ce qui compte c’est que ça fonctionne. Si ça fonctionne.. Et il a déjà bien assez prouvé par le passé que son ego surdimensionné ne lui permettait que rarement d’obtenir ce qu’il veut de quelqu’un.