Depuis la mort de ma mère plus grand chose allait. Le gouffre que j'avais dans ma poitrine depuis que j'avais appris la vérité ne m'avait jamais paru aussi grand et la réalité et son effrayante violence était une fois de plus à mes côtés. Alors sans doute que je camouflais ma peur et la réalité pour avancer, un peu comme ce soir. J'avais dis à personne que je jouais ici, juste j'étais venu et j'avais laissé la magie d'internet agir sans pour autant me faire noyer. En fait ça s'était presque bien passé. Il y avait des fans, mais rien d'hardcore, juste les plus sympa, ceux avec qui je pourrais presque être humaine. Je disais bien presque car en vérité j'avais beaucoup trop de chose à penser, beaucoup trop de chose inachevé, de chose que j'étais en train de mener. C'était stupide, tellement stupide. Sans mère m'aimant vraiment et espérant stupidement que celle qui m'avait abandonné puisse réapparaitre et me donner des réponses...

Je n'étais pas à ce que je faisais, j'étais perdu et je savais que ça avait affecté ma performance de ce soir, que je n'avais pas été à fond et si ça m'avait agacé en premier lieu, ça avait été pire quand cette femme se présenta à moi. Colleen Jensen, elle travaillait pour Creative Artists Agency... Un agent artistique était là et elle avait vu la mauvaise représentation. Bon, visiblement elle avait quand même trouvé ça bien, elle s’intéressait à ce que je pouvais vouloir faire et... J'étais horrible, je jugeais presque cette femme qui venait de trouver sympa quelque chose qui n'était même pas à ma hauteur... Il ne fallait pas juger après non ? Peut-être qu'elle était habitué à voir le meilleur chez les gens ou ce genre de connerie comme ça. « C'est bien moi. » répondis-je donc en lui serrant la main. La femme semblait... Bon déjà elle m'avait tapoter l'épaule comme si j'étais sa pote, ce qui n'était pas le cas et je n'aimais de toute façon pas ce genre de familiarité, mais à l’occurrence, ici, j'allais peut-être devoir arrondir les angles, même si je n'étais pas bien sûre de ce que je pouvais avoir d'elle. « Je sais pas encore si je finis mes études ou si je continue dans la musique. » répondis-je donc dans un sourire faux, mielleux, mais qui me faisait passer pour autre chose qu'un monstre. Elle n'avait pas l'air fraîche. « Je ne compte pas commencer une carrière musicale sans avoir la certitude d'avoir un avenir... Les factures ne se paient pas seule. » autant dire que ce genre de certitude, c'était un agent qui devait me l'assurer.

« On peut en parler plus au calme. » proposais-je. Ne pas rester dans cette cohue serait loin d'être désagréable, et puis avec un peu de chance elle aurait vraiment quelque chose de bon à m’apporter, alors autant courber l'échine et laisser les choses se faire. Et puis peut-être que les quelques malades qui attendaient que je sorte seraient déjà partie quand j'en aurais fini avec elle. Elle était une bonne excuse au final.

Ça n'avait durée qu'un instant, qu'un court instant durant lequel le fait de me faire attirer or du monde, mais dans une réserve, m’inquiéta, ce fut d'autant vrai lorsqu'elle se posa contre la porte. Mais à peine avait-elle ouvert la bouche que ce sentiment disparu pour laisser sa place à la colère. Trop jeune pour être cynique ? Qu'elle vive dans un mensonge toute sa vie, qu'elle perde sa fausse mère après l'avoir haït et qu'elle continue désespérément à attendre que sa vrai mère pose ne serais-ce qu'un regard sur elle et on verra si je suis toujours trop cynique à ses yeux. Bien évidemment je n’allais rien lui dire et de toute façon elle n'attendait pas de réponse. Elle semblait déçu par ce qu'elle venait de trouver en venant à moi et je ne pouvais même pas dire que ça me surprenait, je n'étais déjà pas assez bien pour être élevé par ma propre mère, alors comment une inconnue pouvait-elle vouloir de moi ? Elle représentait donc une agence qui portait des grand noms, mais en attendant elle venait faire son marché en province, c'était elle la naze de l'agence du coup ?

Me retenant donc d'être cruelle, je la laissais finir, même si l'alcool qui s'échappait de ses pores allaient sans doute me rendre ivre avant la fin. Elle jugeait que j'avais du talent, que je pouvais encore m'améliorer et qu'elle pourrait m'aider si je voulais jouer ailleurs que sur des petites scènes comme aujourd'hui. Elle attaqua alors un angle un peu particulier, l'argent, mon supposé ego avant de faussement s’intéresser à mes études. Si je lui répondais compta elle me dirait quoi ? Que je méritais de gagner plus ? Que je n'allais pas vivre pour ça ? Pour une vie de bureau ? Mais j'étudiais déjà dans un domaine qui devait sans doute largement dépasser ce que son esprit pouvait concevoir. « L'Astrophysique. » répondis-je donc sans prendre la peine de m'étendre sur le sujet, elle s'en fichait, elle voulais juste obtenir de moi quelque chose que je devais éviter de donner trop facilement. « Et la musique est autant une passion que les étoiles. C'est la seule chose que je tiens de ma mère, alors j'ai pas non plus envie de jeter cette partie de moi dans quelque chose d'inutile ou qui va corrompre ça sans comprendre. » levant d'avance les yeux au ciels, je lui coupais l'herbe sous le pied pour éviter qu'elle ne me prenne encore de haut inutilement, « Et oui, je suis cynique, je gagne ma vie avec ça justement car mes études me tiennent aussi à cœur et que je ne veux pas être qu'une serveuse. Et oui j'ai des rêves de gamines et j'ai un discours arrogant qui doit vous dépasser, mais la musique, les étoiles, c'est ma vie et j'ai pas envie d'en sacrifier l'un pour l'autre comme j'ai pas envie d'être qu'une pauvre prof de science blasé dans un lycée pourri. » je voulais découvrir des étoiles, aller dans l'espace aussi et continuer à jouer.

« Donc si on s’intéressait réellement à qui je suis, qui vous êtes au lieu de faire semblant juste pour me prouver que j'ai tort ? » demandais-je alors, bras croisaient sous la poitrine, regard plongé dans le sien. Je m'en fichais un peu de pas faire carrière dans la musique, de toute façon ce qui se passait sur Twitch suffirait sans doute à garder des portes ouvertes, et puis c'était une passion, une passion versatile et je ne voulais pas finir comme ces pauvres filles, à devoir me vendre à moitié pour qu'on me produise un disque, j'étais plus maligne que ça.

On me faisait la moral, j'avais horreur de ca, même si objectivement les gens avaient raison. J'étais horrible, mais j'avais toute les raisons du monde de l'être. Même les personnes de confiance m'avaient déjà plus d'une fois menti, alors pourquoi faire confiance aux autres ? Elle sortie alors sa carte de visite, m'assurant que je pouvais encore me construire, continuer mes études et pas tout abandonner. M'ouvrir aux autres était possible dans un sens, mais là. Prenant donc sa carte, je la regardais rapidement avant de relever les yeux quand elle affirma que je pouvais la jeter maintenant ou plus tard, ça n'aurait pas d'importance. J'étais pas sur d'un jour abandonner mes idées, mais la réalité c'était bien que si les deux étaient possibles... Ça changeait peut-être la donne, du moins si elle ne mentait pas. « J'ai rien contre une véritable conversation. » soufflais-je alors avec un peu trop de hargne pour que cela soit vrai. Pourtant c'était le cas. Quand on m'attaquait pas, quand je ne me sentais pas en danger, ca allait, je pouvais parler, il fallait juste pas me prendre de haut en étant bourré et en me faisant croire qu'on était le messie avec des réponses à tout. J'avais horreur du mensonge.

« Les deux sont vraiment possible ? » demandais-je alors, un peu perturbé par cette possibilité. J'avais du mal à voir comment gérer la musique et les études, surtout à ce niveau. Mais elle devait savoir ce qu'elle disait non ? Ou elle devait savoir comment obtenir ce qu'elle voulait. Ca m'agaçait, mais j'avais besoin de savoir et de savoir vite. « Comment on peut essayer d'avoir un nom dans ce monde et suivre des études aussi poussé ? » je ne m'attendais pas à une réponse magique, surtout avec le taux d'alcool qu'elle semblait avoir dans le sang, mais avant de la laisser partir et de vraiment réfléchir, j'avais besoin de savoir ce qu'il se passerait vraiment. Si tout ça était faisable, si ce n'était pas une façon d’appâter. Je savais qu'il fallait que j'arrête de me méfier de tout, mais sérieusement, des mecs me faisant croire que tout était possible et des filles aussi, j'en avais croisé et sérieusement j'avais pas envie de me faire encore avoir.

J'avais perdu assez de temps et je ne voulais pas me dénaturer. Ma musique c'était ma vie, les étoiles c'était ma vie. J'avais peut-être trop de passion pour quelqu'un de mon âge, peut-être trop d'ambition, mais c'était normal non ? Ne pas en avoir c'était pire en soit. C'était s'ennuyer ou faire comme tout le monde sans vouloir avoir une vie meilleure. Je voulais une vie meilleure, une vie que je contrôlais.