I wish you would not forget me

Ma voisine, Dina, m'avait demandé d'aller chercher sa fille. En dehors du garage, je n'avais plus grand chose à faire. La danse, c'était définitivement terminé pour moi. Et, même si ce n'était pas forcément ce à quoi je me serais attendu quelques années auparavant, il fallait dire que je ne m'en portais pas si mal. J'avais pris le temps de me poser, de faire une introspection. Je n'avais pas réussi à reprendre contact avec mon passé. J'avais bien trop de mal à le faire comme ça. Il n'y avait qu'avec Dina que j'avais toujours gardé contact, et ce depuis la bonne dizaine d'années, voire quinzaine, qui s'était écoulée depuis.  J'avais d'ailleurs suivi ses désastreuse aventures maritales, l'avènement de sa petite poupée, et je vivais actuellement ses doutes quant à un probable futur divorce. La voir comme ça ne me plaisait pas particulièrement, mais je faisais avec.
C'était parce que j'avais coupé les ponts avec ma vie passée que je n'avais plus vraiment revu Nova, excepté cette fois où nous nous étions rencontrés dans la rue. La voire grosse de plusieurs mois m'avait assez chamboulé, d'autant que je n'en revenais pas qu'elle ait pu refaire sa vie aussi rapidement alors que nous avions cessé de nous fréquenter un peu moins d'un an auparavant. Mais je l'aimais plus comme une soeur que de la façon qu'elle aurait voulu, les choses étaient mieux ainsi. Quant à Nevaeh... j'y pensais encore, comme au premier jour. Mais mes erreurs, bien que pas vraiment "de jeunesse" puisqu'elles dataient de trois ans auparavant, avaient eu raison de moi et m'avaient empêché de prendre mon courage, si courage il y avait.
Mais je m'efforçais de ne penser qu'au présent. C'était pourquoi je me rendais utile, tentant du mieux que je pouvais de changer, limite me racheter une personne, laissant P-A derrière moi, et redevenant Freddie.
Je me rendais donc vers l'école, prêt à récupérer la fille de ma chère voisine avec qui, contrairement aux deux dernières femmes que j'avais côtoyées plus que régulièrement, je m'entendais particulièrement bien, mais sans plus.
Il me fallait une dérogation spéciale, ou quelque chose dans le genre. Je me présentais donc à la maîtresse, sans vraiment la regarder, le papier qu'elle avait signé pour m'autoriser à prendre sa fille.« Bonjour... je viens chercher Gabriella... » Je finis par tourner le regard vers elle, mes yeux s'agrandissant de surprise en la découvrant.

   
   Nevaeh & Freddie quelques années + tard...
   Ces moments où il y a impact, ces instants de grandes intensités qui chamboulent complètement nos vies finissent au bout du compte par nous définir. Alors c’est ma théorie, que ces moments où il y a impact définissent qui nous sommes. Mais il y a une chose que je n’avais jamais envisagé ; et si un jour on arrivait plus à se souvenir d’aucun de ces instants ?
WILDBIRD

I wish you would not forget me

Me retrouver devant l'école primaire me fit sourire. J'adorais voir tous ces petits gamins qui couraient partout, vagabondaient, aussi insouciants qu'innocents, le sourire quasi constamment aux lèvres, la vie plus simple que n'importe quand dans une vie humaine. Je les enviais parfois, m'imaginant ô combien la vie pourrait être simplifiée si nous restions des enfants, sans prise de tête. Sans aucun doute ce serait l'anarchie, mais une anarchie joyeuse. Ou du moins, je me l'imaginais ainsi.
Comme j'avais promis à Dina, j'étais allé chercher sa fille. L'école n'acceptait pas qu'un inconnu à la famille dont le nom n'avait pas été renseigné vienne récupérer un enfant, c'est pourquoi elle avait dû téléphoner pour prévenir. Ce qu'elle risquerait de devoir faire de nombreuses fois avec ses horaires de travail. Quant à moi, en tant que titulaire du poste de patron dans le garage de mon paternel, je disposais d'horaires flexibles, mais pas à volonté cependant.
Arrivé devant l'école primaire, j'avais été choqué de voir qui était la maîtresse. Elle était là, encore plus belle que dans mes souvenirs, ses yeux pétillants d'être au milieu de tous ces enfants. Mon coeur avait violemment bondit dans ma poitrine, mais il s'était vite calmé quand ses yeux se posèrent sur moi, vides de réaction. Mon organe vital accéléra cependant, mais cette fois d'angoisse: pourquoi ne me reconnaissait-elle pas? Avait-elle vraiment réussi à m'oublier aussi vite que cela? Cependant je me détrompais rapidement lorsque je remarquais qu'elle frémissait. J'espérais secrètement que ce n'était pas dû à la neige qui coulait le long de son coup -elle avait apparemment été victime des enfantillages de ses élèves. Mais à leur âge, c'était tout à fait normal.
Je dus me faire violence. Nevaeh n'avait pas changé, en cinq ans elle était restée la même. Je retrouvais ses yeux pétillants, son adorable sourire et son visage d'une douceur presque irréelle. « M... merci ... N... Nevaeh » Mon bégaiement m'agaçait assez, mais je ne pouvais détacher mon regard d'elle. Trois ans auparavant, je l'avais laissée tomber à défaut de ma carrière, dont j'avais vite fini par me lasser. Je ravalais ma salive, espérant de tout mon coeur qu'elle réussirait à me parler sans m'en vouloir réellement. À l'époque, égoïste que j'avais toujours été, je ne m'étais pas vraiment intéressé à son ressenti, trop centré sur la popularité du breakdance. Aujourd'hui, je le regrettais assez et je voulais qu'elle le sache, qu'elle s'en rende compte.