L'équipe revenait d'un match de football qui s'était passé à Austin, au Texas. Autant le dire, elles étaient fracassées. Gemma aussi. Surtout. Elle avait l'impression de ne pas avoir dori depuis près d'une semaine. D'un côté, entre les entraînements intensifs juste après le trajet à l'allée, et le match, pour lequel elles s'étaient toutes données à 400% mais qu'elles avaient raté malgré tout, il y avait de quoi. Gemma se sentait totalement lessivée. Tellement qu'elle avait refusé de rentrer en Avion. Pour elle, rien de plus fatigant. Elle préférait le train, dans lequel elle aurait eu le temps de dormir, et de voir des paysages.. Pour juste quatre heures de trajet de plus. Mais l'altitude l'épuisait encore plus.

Après un long trajet pendant lequel elle avait bien dormi, la jeune footballeuse arrivait enfin à destination. Elle peinait à réaliser que ça y était, elle était chez elle ! Elle se frotta les yeux, avant de descendre pour aller chercher son bagage puis de se rendre sur le quai. Sur la terre ferme. Quel bonheur !

La gare était un peu ouverte, et l'air frais de l'extérieur semblait entourer la jeune femme. Elle prit une grande inspiration, son sac à dos sur une épaule, son bag de sport sur l'autre, et elle se rendit dans le premier café qu'elle trouva en gare pour prendre un gobelet à emporter. Elle soupira. Le cauchemar était presque terminé. Elle préférait les matchs à domicile. Moins de fatigue, donc moins de risque de perdre.

Une fois arrivée à destination du premier café, elle commanda un immense latte, et sorti son téléphone pour envoyer un message aux filles de l'équipe sur leur conversation de groupe pour savoir si elles étaient bien arrivées à destination et prévenir qu'elle, elle était bien arrivée. Son café ne tarda pas à arriver, heureusement ! Elle le paya, et s'en alla dans l'intérieur de la gare, jusqu'à s'arrêter sur un banc, posant ses sacs à ses pieds, à côté d'un pépé qui lisait son journal, et qui lui parla, sans réaliser, de l'échec des filles de la Nouvelle-Orléans au Texas. Elle imita un léger sourire et n'ajouta plus rien d'autre qu'un simple soupir. Elle tourna le dos au vieil homme et envoyant un message à son frère.
SMS à : Seth
Corps du Texte :Hello frérot ! Je suis arrivée à la gare, tu peux venir me chercher ?

Elle verrouilla son écran et s'affala sur le banc, avant de voir passer un visage connu, qui la fit se redresser. Hé, Sara ?! C'était une fille avec qui elle avait été à l'école, et elles avaient gardé contact via Facebook. Et encore heureux, sinon, elle aurait été incapable de la reconnaître. Mais depuis, elles ne se voyaient plus vraiment. Elles n'avaient pas les mêmes centres d'intérêts, et la Nouvelle-Orléans était quand même grande.  

J'avais accompagné ma mère à la gare. Elle allait voir notre grand mère. Avec le divorce à venir, elle avait l'air d'être incapable de faire la moindre chose. Et bien sûr, c'était à moi qu'elle demandait de faire le taxi. Comme si j'avais assez de temps libre à perdre comme ça ! Mais j'avais du mal à lui refuser quoi que ce ne soit, avec la bombe qui avait était lancée par notre père. Une sœur. Non mais le pire, s'il l'avait appris il y avait peu de temps, j'aurais pu comprendre. Enfin, non, mais ça aurait été moins dur à assimilé. Mais là, en vrai, il nous avait annoncé une double vie. Quand il était absent les weekend pour des conférences et des conventions, en fait, il devait certainement être avec elle et sa mère. En gros, il nous avait annoncé que tout ce que nous avions vécu ces dernières années avec lui n'était qu'un mensonge. Ou comment ruiner nos vies. Alors, tout simplement, j'avais fini par céder à ma mère. Elle semblait inanimée à l'intérieure, vide. Peut-être que de voir notre grand-mère lui changerait les idées. Du moins, je l'espérais.

J'avais attendu que son train ne parte, et je l'avais regardée partir, le cœur serré, pendant qu'elle feignait un sourire, le front collé contre la vitre. Son état me faisait de la peine, et je voyais que quelque chose avait changé chez chacune de nous. Même chez Sunee, qui faisait comme si tout allait bien, qui gardait la face pour ne pas craquer. C'était certainement comme ça qu'elle allait le plus craquer. J'étais allée me chercher des cacahuètes dans un distributeur automatique, et j'avais ouvert le paquet quand j'entendais qu'on m'appelait. Je tournais la tête et vit un visage que je connaissais. Et comment ! J'étais même fan d'elle. Gemma Carpenter ! C'était une des filles du milieu de l'équipe de soccer féminine de la Nouvelle-Orléans. Je n'avais pas eu l'occasion de voir leur dernier match à la télévision, mais elles avaient perdu... cela dit, dans les journaux, ils disaient qu'elles n'avaient pas démérité. Et j'étais sûre que c'était vrai. Ca me faisait toujours bizarre de me dire que je la connaissais. On avait été à l'école ensemble, et du coup, depuis quasiment toujours, je l'ai en amie sur Facebook, alors qu'en vrai, je ne la connais plus vraiment. Mais ça allait me changer les idées de rencontrer quelqu'un de différent que ma famille, j'allais pouvoir mettre ces problèmes de côté. Gemma, ça faisait longtemps ! Ce qui était vrai, quand on y réfléchissait bien. J'arrivais en face d'elle, devant le banc où elle plantait. Je ne savais pas s'il fallait que je la salue de la main, que je lui fasse la bise, que je lui serre la main, ou que je l'enlace. Petites, on s'entendait pourtant plutôt bien. Mais je l'avoue, j'étais impressionnée par la demoiselle.

Peut-être était-ce par fierté qu'elle ne le montrait pas, mais la fatigue rendait Gemma au bord des larmes. Ca, et l'échec cuisant rappelé par le vieil homme. Elle avait presque eu envie de lui coller le journal sur le visage, avec sa photo imprimée, mise à côté de sa tête actuelle. Alors évidemment, la photo la rendait belle, en forme... vive photoshop, alors que ce jour-là, elle avait des cernes qui n'en finissaient pas, les cheveux en bataille, et pour une fois, une seule fois dans sa vie, elle était habillée comme un sac. En mode "chaussette", comme elle disait. En soi, elle était habillée comme pour trainer chez elle. Cet homme venait la piquer au vif, lui rappelant son épuisement. Rien de bon.
Et finalement, contre toute attente, alors qu'elle désespérait de ne pas pouvoir partir, mais de devoir attendre son frère, elle avait vu un visage connu, une sorte de lumière dans la tempête. Certes, elles ne parlaient plus vraiment, pour des anciennes copines, mais c'était mieux qu'un illustre inconnu qui lui rappelait qu'elle avait merdé, et qui rappelait également qu'elle était mal coiffée, pas maquillée, et habillée comme un sac. Et quel bonheur de l'entendre la reconnaître !C'est vrai, ça fait un bail ! Ca fait plaisir de te croiser.. qu'est-ce que tu... Gemma s'était levée, avait tenté de s'approcher de Sara en faisant un pas, et s'était pris les pieds dans ses deux sacs, posés devant. La fatigue, vraiment ça n'aidait pas. Elle s'appuya sur ses deux mains, et s'assit au sol, en se frottant la tête. Mais quelle journée de merde. Quelle semaine de merde !

Il fallait l'avouer, j'étais toute étonnée de croiser Gemma. La Nouvelle-Orléans était pas grande, mais ça faisait des années qu'on ne s'était pas rencontrées ! Alors en plus en arriver à la voir à un endroit que je ne visitait pas vraiment souvent, pour ne pas dire quasiment jamais, c'était un vrai signe du destin pour moi. Ca me faisait vraiment plaisir de voir une amie de la petite école, comme je disais souvent. J'aimais bien Gemma, quand on était petites, mais sans plus. J'avoue que je n'avais pas été la fille la plus sympa avec elle, fut un temps. A ne jamais la soutenir. Jamais avoir quoi que ce ne soit de mot agréable pour elle. Mais en grandissant, ça s'était arrangé. Et même si on s'était perdues totalement de vue, j'étais une vraie fan de ce qu'elle faisait. C'était une vraie sportive, à mon idée. Une passionnée. Comme on ne trouvait pas dans le football soccer des hommes. Ils étaient plus attirés par le rendement, l'argent que par la performance de se dépasser soi-même. Je trouvais ça fort dommage. Mais elle semblait fatiguée,
ce que je pouvais aisément comprendre. Les matchs et tout ça ne devait pas être simple au quotidien. Enfin... Alors qu'elle se levait,
je l'avais vue tomber, se prenant les pieds dans ses bagages.E t j'étais restée bête, incapable de bouger à temps pour l'aider. Je me baisser à toute vitesse pour l'aider à se relever. Est-ce que tout va bien ? m'inquiétais-je en vérifiant vite fait qu'elle ne se soit pas fait de blessure. Mes quelques notions en médecine semblaient décidément plutôt bonnes et bien conservées dans mon cerveau, et surtout les gestes de premiers secours pour vérifier les blessures. Une fois relevée, je la faisais se rasseoir un instant, histoire qu'elle reprenne ses esprits. Je m'accroupissais devant elle et vérifiait une fois de plus que tout allait bien. Tu es sûre que ça va ?

Trop, c'était vraiment trop ! Les fesses au sol, Gemma se mit à craquer, et laissa quelques larmes couler sur ses joues.. Elle avait tellement honte ! La semaine était certainement la pire de sa vie. Elle désespérait de tout. Même si elle savait très bien qu'en très peu de temps, ça allait s'améliorer. C'était toujours comme ça, pour Gemma. Elle avait de la chance plus que personne, et tout finissait toujours par s'arranger.
Gemma accepta l'aide de Sara, attrapa sa main, et se laissa même faire asseoir par la jeune rouquine. Le vieil homme semblait comme hypnotisé par la scène qui s'était déroulée devant ses yeux, comme devant un film. Au fond, la jeune footballeuse commençait à psychoter. Si ça se trouvait, il devait bien se marrer, le vieux ! Tellement elle se faisait, elle, des films, qu'elle n'osait même plus lui jeter un coup d'oeil.
D'un revers de la main, elle essuya les quelques larmes qui coulaient, plus fortes qu'elle, alors qu'elle n'avait pas l'impression de pleurer vraiment. Devant l’inquiétude de Sara, elle hocha la tête. Oui oui, ne t'en fais pas, tout va bien. Elle tenta un sourire, avant de finalement reprendre. Je suis vraiment désolée, je suis un vrai boucan, il n'y a que moi pour m'écrouler comme ça.. Elle émit un petit rire. En fait,elle trouvait vraiment la situation risible. Elle pouvait être tellement maladroite. Alors que pourtant, elle savait faire beaucoup de choses bien... mais dès qu'elle baissait sa garde, elle redevenait un vrai Gaston Lagaffe.

Je m'étais trouvée toute penaude face à une Gemma qui craquait. Du plus loin que je me souvienne, je ne l'avais jamais vue pleurer.. Ou en tout cas, si c'était le cas, ça lui arrivait tellement peu souvent que ça n'était pas resté dans ma mémoire depuis tout ce temps. Alors évidemment, ça faisait un petit quelque chose. Je l'aidais à s'asseoir, et j'étais un peu perdue. Qu'est-ce que je devais faire ? Etait-ce sa chute qui la mettait dans tous ses états ? J'étais un petit peu inquiète, je l'avouais sans soucis.
Elle m'affirmait que tout allait bien. Oui, d'accord, mais en vrai ? J'étais accroupie face à elle, sans bouger, pendant qu'elle s'asseyait et semblait reprendre ses esprits. J'attendais un petit peu avant de me redresser. Mais non, ne t'en fais pas, ça arrive à tout le monde d'avoir des petits jours où ça ne va pas. répondais-je, d'un ton doux, qui se voulait apaisant. Je me redressais complêtement, et regardais un peu autour de moi. Il me fallait trouver quelque chose pour la réconforter.. tiens comme un café ! Allez, viens, on va boire quelque chose de chaud, ça te remontera le moral ! En tout cas, à moi, c'était toujours le cas !

Habituellement solide comme un roc, Gemma avait laissé tombé les armes.. Et se trouvait drôlement idiote à pleurer. A ce moment là, elle s'était détestée elle-même. Mais c'était sans compter que Sara était plus que gentille et patiente. Elle lui avait tendu la main, presque essuyé les larmes. Quand elle pensait qu'au tout début, petite, elle s'amusait à lui mener la vie dure à cause du handicap de Sunee. Pourtant, dans le fond, Gemma n'était pas méchante. Mais petite, elle ne comprenait pas la différence. Encore moins quand elle n'était pas voyante, cachée sous les longs cheveux de Sunee. Heureusement, le temps lui avait appris à comprendre, et les avait rendues plutôt copines. Enfin, jusqu'à en arriver à se perdre de vue, toujours.

Gemma avait bien vite séché ses larmes, et avait suivi Sara de regard, à la voir se redresser, en relevant la tête. Ça y était, elle l'avait tellement soulée que la rouquine s'en allait. C'était bien mérité. Prête à faire comme si de rien était pendant que son interlocutrice tournait les talons, elle fut surprise de la suite. Toujours à imaginer le pire, Gemma, toujours ! Déjà, la rassurer alors que sérieusement, elle n'était pas sûre qu'elle n'aurait pas perdu patience, elle, à sa place, c'était énorme. Mais mieux encore, lui proposer d'aller se remonter le moral auprès d'une boisson chaude ! Gemma eut un moment d'hésitation, comme s'il fallait ce temps pour que son cerveau soit en mesure d'assimiler correctement l'information. Euh... qu'elle fit, un moment interdite, avant de reprendre ses esprits, et de se lever. Oui, bien sûr, avec plaisir ! A nouveau elle émit un léger rire. Décidément, c'était une bonne chose d'avoir rencontré Sara ici. Bien que ça n'empêchait pas ses petits tracas. Mais loin de lui donner l'impression de la juger, comme auraient pu le faire des gens dans le train, Sara avait été tellement agréable, qu'au final, c'était presque passé. Elle s'était levée, en prenant bien soin de ramasser ses affaires avant de se reprendre les pieds dedans.

La jeune femme semblait retrouver ses esprits. Tant mieux, parce que j'avais eu l'impression de ne rien pouvoir faire pour elle. Parce que j'étais vraiment nulle pour ce genre de situation, y avait rien qu'à voir avec Sunee. On aurait dit un robot s'il n'était pas question d'aller donner des poings sur la possible personne qui lui aurait fait du mal. Non, franchement, j'étais loin d'être très douée dans le domaine de l'affection, plus dans celui des coups.
Je lui avais proposé d'aller boire un coup de chaud, pour lui remonter le moral. J'avais beau ne pas être douée envers les autres, je savais que chez moi, le sucre délivrait des hormones de bonheur dans mon cerveau. Et il en était de même pour toutes les filles que je connaissais. Elle s'était levée, et m'avait suivie jusqu'au premier café de la gare. J'aimais bien ce café, quand j'accompagnais ma mère ou mon père par ici. Enfin, bien qu'actuellement, je ne parlais plus à ce dernier, dégoûtée de son comportement. J'avouais facilement que ces derniers temps avaient été une véritable épreuve pour Sunee et moi.On arrivait, et je m'asseyais en souriant au serveur, pour lui demander un cappuccino avec un supplément chantilly. Je regardais Gemma, attendant qu'elle commande, avant de remercier le garçon, et de demander à la demoiselle. Ca va aller ? Si tu veux en parler, n'hésite pas. disais-je, étrangement calme et patiente. Moi qui ne laissais jamais personne me raconter leurs problèmes.

Gemma avait beau ne pas réussir sur certains points dans sa vie, elle devait avouer quelque chose : elle était chanceuse pour la grande majorité de ses relations. La preuve en était : elle avait beau ne pas avoir conservé de relations avec Sara, elles avaient été amies, et elle avait de la chance d'avoir des contacts avec des gens comme ça.
Elles étaient arrivée à un café que semblait connaître Sara. Et d'ailleurs, sa commande était très précise. Et alléchait Gemma qui, bien qu'elle était dans une période où elle ne pouvait pas se permettre trop d'écarts, entre les championnats et la coupe de la ligue, finit par commander la même chose, ce qui lui redonna légèrement le sourire. Ou au moins le cœur plus léger.
A la question de Sara, elle haussa les épaules. J'espère que ça ira, oui, peut-être en me reposant. dit-elle avait d'inspirer grandement. C'est juste que je me sens nulle après ce match. On en a quasiment pas gagné. Et je sais pas pourquoi, mais on y arrive plus. je me demande si j'ai encore une place dans cette équipe. fit-elle avant de baisser les yeux, pour éviter de faire couler une larme. En arriver à se dire ça,c 'était dur. Elle avait tellement travaillé pour entrer dans l'équipe de soccer de nouvelle orléans, que l'échec ne pouvait qu'en être plus cuisant. C'était comme se dire qu'elle n'avait pas d'autre choix que de renoncer à un rêve. Parce que oui, c'était un rêve, pour elle, le football.

Je me doutais qu'elle avait ses raisons de ne pas aller bien. Et le peu qu'elle m'en disait, j'arrivais parfaitement à comprendre. Ce n'était pas toujours évident, le milieu sportif. Quand on était un garçon, c'était déjà compliqué, mais que dire de quand on était une fille ? Et puis, c'était sans compter que tout domaine confondu, être une jeune femme aujourd'hui, c'était quasiment plus difficile que ce que ça n'avait jamais pu l'être auparavant. On attendait de nous d'être indépendantes du jour au lendemain, d'être mieux qu'un garçon, mais par contre, on ne nous fournissait ni aide ni manuel. Parce que sinon, c'était trop facile, évidemment. Donc il fallait apprendre à tout surmonter seule, sans trop ciller, sans trop frémir, sans trop bouger, faire trop doucement ni même faire trop vite. Alors qu'on nous mettait une pression impressionnante. Je grimaçais légèrement en entendant Gemma parler. Je pouvais comprendre ses doutes. Et pourtant, ma grimace se transforma vite en sourire. Mais non, tu n'es pas nulle ! disais-je, presque en tapant du poing sur la table. Tu crois vraiment que tu serais encore dans l'équipe si tu étais si nulle ? Que tu n'aurais pas fait des matchs sur le banc ? Que t'aurais été titulaire ? Moi, personnellement, j'y crois pas. Alors, tu vas arrêter de te faire du mal, te reposer, et tu verras, vous allez y arriver. Et si c'est pas cette saison, ce sera la prochaine. Ou celle d'après ! affirmais-je, avec une certitude non dissimulée. Cette équipe, je la suivais de près, j'étais une grande fan. Et pourtant, tout en étant fan, je me pourvoyais d'être objective. Il serait idiot de contredire le fait qu'elles avaient un potentiel énorme, surtout quand elles étaient assemblées en équipe de la sorte. Alors il ne suffisait plus qu'à ce que le temps ne fasse son effet. J'ajoutais enfin Allez, haut les coeurs ma belle ! La Nouvelle-Orléans vous aime et vous soutient. Sinon, on parlerait pas de vous dans les journaux.

Elle le savait, elle devait se reprendre. Gemma était naturellement quelqu'un de censé, et qui ne se mettait pas dans des états impossibles pour rien. Or, là elle avait pété un câble pour trois fois rien, elle le savait. Pourtant, elle savait aussi qu'elle craignait de voir ses rêves s'effondrer. Et ça, c'était la pire crainte qui torturait son esprit, et son estomac.
Heureusement, les mots de Sara tendaient à la réconforter. Cette fille savait trouver les bons mots. Elle était hors du commun, pour Gemma, qui finalement, n'aurait jamais espéré compter une amie si forte. Elle se moucha, et tenta un sourire, encore plein de larmes.Merci. C'était tout simple, mais elle ne trouvait rien d'autre pour exprimer sa gratitude et sa reconnaissance, pour aller chercher les mots. Et ça lui donnait envie de montrer à ses proches, dont Sara, qu'elle était capable de faire mieux, faire mieux pour eux. Gemma se redressa, comme pour faire écho aux mots de Sara. T'as raison. Autant prouver à la Nouvelle-Orléans, enfin, aux quelques fans des Jesters qu'on vaut le coup ! Gemma y croyait, et ça lui faisait tant de bien. Le serveur était arrivé avec leurs commandes, et, alors qu'elle se saisissait de sa boisson, elle regarda Sara. Rappelle moi ce que tu faisais à la gare déjà ? demanda-t-elle en plissant les yeux; Elle avait oublié de lui demander, trop centrée sur elle même. OU alors, peut-être qu'elle le lui avait dit, mais toujours egocentrée sur ses problèmes, elle n'avait même pas fait attention.

Dans le fond, parler avec Gemma, c'était un véritable réconfort. Bon sang, ça faisait du bien d'avoir laissé ma mère à la gare, et de parler d'autre chose que ses petits problèmes. Enfin, ils n'étaient pas si petits que ça, mais ça faisait du bien de penser à autre chose. Même si, là encore, ça n'était pas très gai. J'avais tout fait pour tenter de mettre le sourire à Gemma, telle que je la connaissais. Et voilà, ça avait fonctionné. Rolala, j'étais vraiment trop forte ! Non sans fierté de lui avoir bien remonté le morale, un grand sourire s'affichait sur mes lèvres. J'étais contente d'avoir au moins réussi ça. Mais de rien. Tout ce que je t'ai dit, je le pense. Sincèrement. ajoutais-je de nouveau. Et je hochais la tête d'un air entendu. Exactement. Montrez leur de quel bois vous vous chauffez. Et pareil aux autres équipes. Et crois moi, même sans ces équipes, ça en fait du beau monde. Vous êtes plus suivies que vous ne le pensez, sache-le.
D'un réflexe, je posais mes mains sur le café, bouillant, pendant qu'elle me demandait ce que je faisais à la gare. C'était inévitable, en fait, que ce sujet ne vienne sur la table. Je tentais d'étirer mes l_èvres en un sourire, ce qui rendait plutôt une grimace. Je viens d'accompagner ma mère. Elle a vécu pendant quelques temps à la colocation avec ma soeur et moi. Je baissais ma tête sur ma tasse, avant de me racler la gorge. C'est à dire que mes parents se séparent. Enfin, ils sont déjà séparés, mais ils sont en instance de divorce.. Mon père a une autre famille, quelque part dans l'Etat, de ce que j'ai compris. Je relevais la tête et haussais les épaules. Non, je n'allais pas pleurer; Oui, j'étais triste, parce que notre famille ne lui avait pas suffit. OUi, je lui en voulais, et je portais sur moi le chagrin de ma mère plus que le mien. Pourtant, cette situation ne me mettait pas au fond du trou. Enfin, sauf si sa troisième fille se trouvait devant nous, là, je tomberais certainement de très haut. Oh ça oui.

Les mots de Sara lui réchauffaient le cœur, et se présentaient comme une réelle consolation. Même si le temps les avait éloignées, elles qui n'étaient déjà pas forcément très proches, c'était toujours agréable et rassurant de savoir que quelque part, quelqu'un veillait à être gentil. Et qu'elle n'avait pas toujours que des emmerdes qui lui tombaient sur le coin du nez. Bien que cette fois-ci, il ne s'agisse plus d'une baisse de moral qu'une montagne d'ennuis et de soucis à régler. Même si ça jouait beaucoup sur tout le reste. Surtout avec tous ces journaux qui n'avaient de cesse de rabaisser les filles de l'équipe. Les temps étaient durs. Il fallait s'y faire. Aujourd'hui, avec la presse, elles n'étaient plus à l'abri de rien, toutes ces filles. Rabaissées par des journalistes machos, parfois plus sévère que lorsqu'il s'agissait d'équipes masculines qui faisaient pourtant bien pire.
Mais heureusement, il y avait encore des gens prêts à aider plutôt qu'à enfoncer les gens. Et qui voyaient le meilleur chez les autres. Comme Sara. Sara qui lui avait presque redonné confiance, autour de cette boisson chaude. C'était plutôt agréable de ne pas se prendre trop la tête ni de se faire juger. Mais, trop dans ses problèmes, Gemma en avait presque oublié de poser des questions à Sara sur sa présence ici, à la gare. Et la réponse de la rouquine lui fit l'effet d'une douche glacée.Oh. fit-elle simplement, accusant le coup. Comment prévoir ça ? La famille Patcharapa lui avait toujours semblée très solide, surtout avec les problèmes d'ouïe de Sunee, et c'était assez difficile d'imaginer qu'elle ne puisse exploser. Cependant, ça n'était pas Gemma qui allait pousser pour en savoir plus : si Sara voulait parler, elle parlerait. Mais elle n'allait pas user de trop de questions pour en connaître les réponses. Si elle devait savoir, elle saurait, sinon, pas besoin de pousser le bouchon trop loin. Déjà, ce que Sara venait de lui donner comme informations semblait plutôt difficile. Gemma fit une grimace, avant de regarder franchement son amie. Et… ça va ? Tu tiens le coup ? Enfin, vous tenez le coup, toutes et chacune ? Bien que le coup devait être principalement accusée par leur mère, les filles devaient avoir pris aussi pas mal dans les dents. Et ça devait être dur de se dire que son père avait d'autres enfants ailleurs. Sans jamais penser utile ou bien de les présenter les uns aux autres. C'était comme de leur arracher un membre, et de les priver de la sensation de les avoir, de vivre avec.

Je venais tout juste de lui dévoiler ce qui était désormais mon plus terrible secret. Mes parents divorçaient. On n'avait jamais vraiment suffit à mon père. Pour moi, c'était ce que ça signifiait, avoir une deuxième famille. On n'était pas assez bien pour lui. Et franchement, c'était pas évident à assimiler. C'était même plutôt très dur. Et la boule qui s'était formée dans ma gorge était telle que ma boisson faisait l'effet d'être chauffée au fer blanc dans ma gorge. Comme si j'étais désormais incapable de boire cette boisson pourtant tant aimée.
Et le regard que venait de me lancer Gemma, accompagné de cette grimace bien typique d'elle n'était pas pour aider. Elle ne faisait pas à mal, mais ça me rappelait simplement la galère dans laquelle je me trouvais. Et c'était dur. Vraiment très difficile. Elle était pleine de bonnes volontés, à ne pas tenter de me poser trop de question. Tellement que ça m'emplissait d'une gratitude émérite à son sujet.
A son unique question, je haussais les épaules
- ça va, on essaie comme on peut. Heureusement, on est là les unes pour les autres.. Dis-je, en un sourire, avant de reprendre. Mais c'était difficile de vivre en coloc' avec notre mère. Elle est tellement dépassé qu'elle ne faisait plus rien à la maison. Et quand elle faisait, c'était pire que quand elle restait sans bouger sur le canapé.
Cette situation, ça avait bien failli rompre les liens entre notre mère et nous. Mais le pire était désormais derrière nous, non ? Enfin, mis à part pour cette histoire de soeur.
- Notre père a fait en sorte de nous compliquer la vie, on dirait. Mais bon, on est plus fortes que ça, non ? là, j'avais clairement besoin de son aide et de son réconfort. Moi qui me pensais invincible, j'étais finalement très loin de ce que je pensais.