« Papaaa! Veux une glace s'il te plaît. » Le regard du petit bout de chou en face de moi me donnait envie de craquer. Dans d'autres circonstances, j'aurais sûrement dit oui. Mais là, c'était déjà la deuxième que Matthis avalait, et je me sentais vraiment coupable d'avoir cédé les deux fois précédentes pour refuser de céder cette fois-ci. « Non Matthis! Tu vas bientôt voir Papi et Mami. Tu sais très bien que eux, t'en donneront autant que tu en voudras, alors pas pour l'instant! » J'avais parlé avec beaucoup de sévérité, et le visage de mon fils me confirmait qu'il n'en avait pas vraiment l'habitude. Cependant, si tôt remarqué, il semblait déjà avoir oublié et revenir à la charge. « Tu promets? Je vais en avoir une, hein? » Je levais les yeux aux cieux, partagé entre le rire et un semi agacement.

Matthis avait plutôt insisté ce jour-là, déjà. A peine était-il sorti du centre aéré qu'il m'avait harcelé que l'on fasse un tour à la fête foraine à côté de la Nouvelle Orléans. Prendre la voiture ne m'avait pas réellement pris, déjà que je me sentais pris en otage par un petit bout d'homme de deux ans, qui s'avérait beaucoup trop insistant et manipulateur du haut de ses deux bougies. J'avais fini par dire oui, me disant que, tant que j'arrivais à l'heure chez mes parents, tout allait bien.
Bien sûr, comme à mon habitude, c'était mon fils qui menait la danse. Après tout, comment dire non à une bouille aussi parfaitement adorable? Et je savais très bien que je n'étais pas le seul à le penser. Il suffisait de voir comment Chrissy, Joan et nos parents regardaient Matthis pour comprendre que j'étais dix fois pire, simplement parce que j'étais son papa.

Résultat d'une dure demi heure de labeur et d'insistance, nous nous retrouvions tous les deux dans la voiture, direction la maison des Parker. Aujourd'hui, il était prévu que toute la famille se retrouve. Moi qui passais toutes mes après midi là bas avec Matthis, y aller faisait partie de mes habitudes. Toutefois, force était d'admettre que nous nous retrouvions très peu là bas, tous ensemble.
J'avais un peu trop appuyé sur le champignon, respectant toutefois au maximum le code de la route : que je mette ma vie en danger, c'était mon problème, mais il était hors de question que j'en fasse de même avec celle de mon fils. Résultat de la course, nous étions là avec un gros quart d'heure d'avance. Ce n'était pas mon père qui s'en plaindrait, lui qui me reprochais sans cesse mes retards.

Matthis était sorti de la voiture à peine détaché, une fois à l'arrêt, si vite que je n'avais pas eu le temps de le voir déguerpir. « Avant de demander à manger, tu vas te laver les mains, gamin! » Il avait sûrement eu le temps d'entendre, mais je me pressais tout de même derrière lui pour être certain qu'il ne désobéisse pas. Je montais à l'étage à sa suite, l'entendant entrer dans la salle de bain avant d'avoir seulement pu le voir entrer. C'est un cri, un hurlement, en fait, qui me fit monter plus vite. La porte s'ouvrit en un éclair, si vite que je manquais de me la prendre en pleine tête, ayant à peine le temps de voir mon petit blondinet de fils sortir de la salle de bain, complètement affolé. « Qu'est-ce qu'il y a, c'était quoi ce cri? » Inquiet, je suivais des yeux l'endroit qu'il me pointait du doigt. Combien de fois me faudrait-il le lui répéter? Il n'y avait pas de monstre aquatique dans le lavabo... Je faillis toutefois changer d'avis en entendant l'eau s'écouler dans la baignoire. Précédé d'un bruit de pas dans les escaliers. Mais qu'est-ce qu'il se passait ici?

Tentant désespéramment de savoir ce qu'il se passait, complètement affolé par l'état de mon fils, j'étais figé par le manque de parole de Matthis. Sous un oeil muet mais à l'affut, je vis monter mes deux soeurs, l'une après l'autre, à l'étage. À Chrissy, qui était là la première, je la regardais, dépourvu d'armes. Matthis ne répondant pas à mes interrogations, ni à celle de ma petite soeur, je me contentais de secouer la tête. Non, si Joan avait été là, j'aurais été mis au courant par mes parents en arrivant. Ne restait plus qu'à comprendre ce qu'il se passait réellement.

Ce fut Joan qui nous permis d'en savoir plus. Alors qu'elle arrivait, assistant à cette situation complètement absurde, elle resta imperturbable, se contentant de mondanités pour nous saluer. Sans un mot, sans même que quiconque ne puisse réagir, pas même mon fils qu'elle venait de prendre dans ses bras avant de s'écarter, elle entrait dans la salle de bain pour aller se doucher, quelque peu après nous avoir affirmé ne pas vouloir savoir ce qu'il se passait. Bon, eh bien apparemment Joan était la seule à n'avoir entendu personne crié. De mon côté, je n'avais certainement pas réagi car, excepté le cri aigu que nous avions tous sinon presque entendu, j'étais persuadé que Matthis n'avait vu qu'un simple monstre comme il en voyait où nous, adultes, n'en voyions pas.

Cependant, nous n'attendions pas pour avoir le fin mot de l'histoire puisque Joan s'écria soudain de l'autre côté de la porte, qu'elle avait fermée à clefs. Ce n'était donc pas un monstre. Accroupi devant mon fils, j'espérais avoir une réponse de sa part, mais il restait toujours muet. Il n'avait d'ailleurs pas même un regard pour moi puisque c'était Chrissy qu'il regardait. Après tout, il ne l'avait pas salué, et il adorait ses tantes à tel point que, lorsqu'elles étaient là, ma présence devenait futile. J'étais son papa chéri pour les fêtes foraines, mais il suffisait que les deux rousses lui fassent les yeux doux pour qu'il m'oublie aussi sec.
En voyant ma soeur sortir de la salle de bain en trombe, je me relevais immédiatement. Bien sûr, ne comprenant pas la situation, je ne l'avais pas lâchée du regard, ce qui me valut une belle réflexion. Bon, bah ok, je repasserai. Ce fut toutefois avec beaucoup d'amusement que je vis Patch sortir à sa suite. C'était donc ça. Pour le rassurer, maintenant que je l'étais moi-même, je caressais le haut de la tête de Matthis. C'était bon, il n'avait rien à craindre, ça n'était que Patch. En sortant, il s'approcha de Matthis qui s'agrippa à mon jean. Non, il n'était toujours pas rassuré!
Je me raclai un peu la gorge « C'est à lui que tu as fait peur... comme tu le vois, oui. »

Joan fulminait de colère, il suffisait de voir son visage pour le comprendre. Mais moi, j'étais complètement paumé. Je savais que je n'avais pas énormément loupé entre temps, mais je ne me rappelais pas l'avoir vue éprouver autant de haine pour Patch. Ou alors, mes souvenirs n'étaient pas assez présents dans mon esprit, peut être embrumés par le temps. Et je ne me rappelais pas non plus avoir vu Patch aussi hésitant que ça, surtout en présence de nous trois... nous quatre disons.

Risquant de m'attirer les foudres de mes deux soeurs, je pris mon fils dans mes bras et profitais de l'occasion. « T'as raison ! Viens, on descend avec toi! » Puis comme ça j'allais pouvoir dire vraiment bonjour à mes parents qui m'avaient vu passer en coup de vent, à la suite de mon petit monstre.

Les réponses que désiraient obtenir la rouquine ne prirent pas beaucoup de temps à venir surtout quand elle remarqua que Joan venait de les rejoindre. Comparé à son frère qui continuait de s'interroger, Chrissy comprit vite que si ce n'était pas Joan, ni Eliott, ni ses parents ou elle-même, cela ne pouvait qu'être l'imagination de Matthis ou Patch, il n'y avait pas trente mille solutions. À l'idée que ce soit le jeune homme, un sourire se dessina sur son visage surtout quand sa soeur rentra dans la salle de bains comme-ci de rien n'était. Peut-être qu'elle aurait dû leur demander ce qui se passait avant de rentrer surtout en l'entendant hurler de là salle de bains, elle semblait vraiment une colère et évidemment, cela tomba sur eux, chose qui énerva la cadette car après tout, c'est elle qui est rentrée dans la salle de bains sans leur donner l'occasion de leur expliquer qu'il avait entendit un cri qui provenait de la salle de bains.

« Tu te calmes là ? "Qu'est-ce qu'il fait là lui ?", dit-elle en imitant sa soeur d'une façon grossière. Déjà il a un prénom puis si tu avais attendu deux secondes qu'on t'explique la situation, tu te retrouverais pas à moitié nu devant ton neveu. Donc la seule fautif c'est toi madame alors arrête de hurler. »

Sans attendre une autre seconde, Chrissy ignora le faite que Patch s'approcha de son neveu ou qu'il leur donne des informations sur sa venue, qu'elle n'entendit même pas et fit directement demi-tour pour se diriger dans sa chambre. Franchement, elle adorait Joan mais qu'est-ce qu'elle pouvait l'énerver et ceci en seulement deux secondes. La rouquine se dirigea dans sa chambre et claqua la porte pour balancer son sac sur son lit, elle prit deux secondes pour se calmer et "se refaire une beauté" avant de retourner en bas où Patch et Eliott y étaient déjà, Joan devait certainement prend sa bouche et cela n'était loin de déranger Chrissy qui était énervé par le comportement de sa soeur car sérieusement fallait être débile pour ne pas remarquer que le brun lui manquait et l'occasion qu'elle avait pour le voir, elle se plaignait. Il n'y avait rien de plus qui énervait la cadette de la famille qui s'était déjà mise en tête de les réconcilier, elle allait avoir du mal à ce stade-là en tout cas, elle se pointa devant les deux jeunes hommes et le petit garçon en croisant les bras sur la poitrine et dévisageant l'inviter surprise.

« Salut Cipriano, je vois que les chemises de mon père sont à ton goût. Comme tu peux le voir, Joan n'est pas vraiment contente de te voir mais, j'espère qu'elle changera d'avis avant la fin de soirée, lâcha-t-elle sur un ton pas spécialement amical. » Puis elle tourna la tête en direction de son frère et un sourire s'installa sur son visage, elle prit même la peine de lui faire une accolade pour la saluer. « Comment tu vas toi ? Et mon petit-neveu préféré, il va comment ? »

Spoiler:

Dans le fond, ça crevait les yeux. Joan n'aurait jamais réagi comme ça à seulement un "intrus" tel que Patch si, quelque part, elle ne tenait pas à lui. Tout dans sa manière d'agir le faisait comprendre, à commencer par ses crises de colère contre lui, complètement injustifiées, même si, pour la douche, j'étais un tout petit peu d'accord avec elle : Matthis avait eu suffisamment peur comme ça, savoir qu'il était là aurait pu éviter une telle situation. Mais, clairement, ça n'était pas à Patch que j'irai reprocher une telle chose, mais plutôt à nos parents.

Je souris en me rendant compte que Chrissy ne comptait définitivement pas rendre la situation facile pour quiconque. C'était comme si faire enrager Joan encore plus était un vrai passe-temps, autant que de tenter de mettre Patch dans l'embarras. Mais j'étais au milieu d'une bande de fous, qui se délectaient de la situation. Ni une, ni deux, mon fils dans mes bras, profitant d'être descendu, je le regardais, avant de lui dire dans un demi silence. « Tu vois Matthis, ça ce sont les gens que je connais le mieux. S'il te plaît, ne deviens pas comme eux, d'accord? » Il me regardait, les yeux dans le vague. Pouvait-il seulement comprendre ce que je disais? « D'accord, papa. » C'était déjà ça ! Un fou de moins. Je souriais grandement à tout le monde autour de moi. Voilà, moi aussi je savais mettre de l'huile sur le feu, même si ça n'était qu'auprès de mon fils, peu importe le nombre d'oreilles qui traînaient de ce côté là.

Sans tarder, je posais Matthis à terre. Aussitôt, il alla courir vers sa grand mère « Mamiii! Dis, je peux avoir une glace? » et il lui sauta dans les bras, sans vraiment prévenir. Décidément, ce gosse n'était vraiment pas prêt à être lâché. Il allait finir par être un pourri gâté, ce gosse. C'est avec un petit sourire de papa satisfait que je voyais ma "mère" poser son petit fils à terre. Tant mieux!
Je m'écartais un peu de l'attroupement du salon pour observer de loin. Je souriais en voyant Patch et Joan se retrouver à tous les deux pour  mettre la table. Je doutais fortement que ça n'apaise les tensions apparentes entre eux, mais c'était vraiment marrant de les imaginer faire semblant. Enfin, surtout d'imaginer Joan devoir faire semblant.

Je savais que je me devais d'aider mais, avec le duo assez explosif qui mettait la table, je ne savais pas trop quoi faire pour me rendre utile. Alors quand Matthis revint à proximité de moi, ça me semblait évident. C'était du temps perdu en moins, au moins.  « Tu viens bonhomme, on va se laver les mains? » Ce que nous fîmes en deux temps trois mouvements. Une fois nos mains propres, vidées de toutes les bactéries récoltées à la fête foraine et essuyées, nous retournions auprès de mes parents et Chrissy. Avec un petit sourire je chuchotais à son oreille. « Pendant le repas, tu serais prête à parier 20 dollars que ça va s'empirer, ou que ça va s'arranger? »