Il pouvait bien faire le fier, Wyatt avait eu la peur de sa vie. Alors oui, plaisanter sur le fait que Joy ressemblait à la version américanisée de Brigitte Bardot, c'était certainement un moyen d'essayer d'évacuer la pression qu'il avait eu quand c'était son visage qu'il avait découvert sur le brancard.
C'était bête, mais c'était déjà mieux que rien. C'était aussi soit ça, soit il s'énerverait. Pas contre elle, pas même contre lui-même, mais contre la vie qui lui avait fait tellement peur. Et s'il l'avait perdue ? Et s'il avait fallu qu'elle meure pour qu'il réalise qu'il tenait tellement à elle ? Non, le pire était derrière eux, et d'après les médecins, il n'y avait pas de risque de complications. Heureusement, encore ! Mais même Joy savait mieux détendre l'atmosphere que lui, et le faire penser à autre chose. Enfin, en partant de ses blagues à lui. Ton deuxième prénom ? Parce que t'as un deuxième prénom ? demanda-t-il, à la fois surpris, presque hilare et surtout curieux. Que pouvait-il être pour qu'elle le compare à "Brigitte" ?

Elle lui avait proposé de dormir avec elle. Lui avait pensé que c'était peut-être parce qu'elle craignait de dormir seule à l'hôpital. Mais ce n'était pas de refus, que ce ne soit aux raisons de la réconforter, ou même de dormir. A cause de l'accident, depuis sa garde, il n'avait pas fermé l'oeil depuis trop longtemps. Alors qu'il était -enfin- presque correctement installé sur le lit avec la demoiselle, elle lui demanda s'il avait eu peur. La tête appuyée sur une de ses mains, collée à l'oreiller, il hocha la tête. Comme jamais. Il fallait l'avouer. Quand c'était les gens qu'on aimait qu'il fallait sauver, on s'y prenait comme des manches. Parce qu'on restait tétanisée par la peur de les perdre, ou de mal faire à cause du lien qui nous unissait. Et c'était ce qu'avait senti Wyatt, avec l'impression ne ne rien savoir faire du tout. Et c'était le pire, dans ce genre de situation.

Peut-être qu'il était un peu surpris, Wyatt, de ce deuxième prénom qu'elle avait Joy. Ils n'en avaient jamais parlé. Mais bon, il fallait dire que ça ne semblait pas être un gros secret; Uniquement qu'ils n'avaient jamais mis ça sur le plateau. Il sourit légèrement en l'entendant.C'est vrai que ça va. Mais Brigitte non plus, ce n'est pas un prénom moche. Non, la seule chose qui était moche, dans "Brigitte", c'était uniquement la comparaison avec Brigitte Bardot.

Installé sur le lit, il lui avait avoué qu'il avait eu peur. Peur pour elle, de la perdre, de ne plus jamais la revoir, d'être incapable de l'aider. Une peur qui lui avait tiraillé le ventre de tous les côtés. Une peur étouffante, en somme. Wyatt regardait Joy, qui semblait sombrer peu à peu dans les bras de morphée, comme prise dans des filets du sommeil. Elle avait un sourire qui s'était étiré de ses lèvres, et une phrase, qui lui fit un drôle d'effet. Oui, il l'aimait. C'était évident, elle était sa meilleure amie. Pourtant, la journée, et même Joy mettaient le doigt sur un élément particulier. C'était plus que ça. Mais toujours dans le déni, il refusait d'entendre réellement ces mots l'atteindre, et réaliser ce qui semblait indéniable. Il l'aimait. Dors. dit-il, doucement, comme pour dire "arrête de raconter des bêtises." Et au fur et à mesure du silence qui l'entourait, il sentait lui aussi, s'abandonner aux bras de morphée.