Journée de pause. Enfin. Stop les entrainement. De toute façon, la saison n'allait pas tarder à se terminer. L'équipe devait avoir encore un match à passer avant le classement national final. Et autant dire que vu que pour l'instant, elles étaient deuxièmes, et qu'elles avaient beaucoup de points d'avance sur les troisièmes, et certainement beaucoup à rattraper aussi pour arriver première, Gemma doutait fort que les choses pouvaient changer d'un moment à l'autre. Leur coach était du même avis. Et puis, il ne leur en voulait pas de ne pas avoir été premières : elles avaient été tout sauf mauvaises. Comparé à la saison passée, elles avaient vraiment donné le meilleure d'elles-même. Et ça, c'était une évolution flagrante. Du coup, il leur avait laissé la journée pour se changer les idées. Et c'était fort bien mérité.

Gemma avait décidé de mettre ses écouteurs, la musique à fond, un jogging sur les fesses, ses cheveux bien tirés en arrière, des bonnes baskets, et d'aller un peu courir au City Park. Ce n'était pas à côté de sa maison, mais ça importait assez peu. Elle s'entretenait pour le prochain match, comme ça, tout en faisant quelque chose qui lui plaisait. Parce que pour se changer les idées, quoi de mieux que courir ? Autre que courir derrière un ballon, évidemment. En plus, le City Park était un endroit magnifique, et en ces temps de beau temps, on avait l'impression de le voir bourgeonner, en train de préparer l'éclosion de toute sa beauté. Gemma adorait ça.

Après environ une heure de course, dont bien quarante minutes dans le parc, elle s'était arrêtée pour remplir sa bouteille d'eau à une des mini fontaines présentes. Alors qu'elle se redressait pour boire l'eau récoltée, elle s'était arrêtée. Ce visage, devant elle. Il avait beau avoir des lunettes de soleil, et une casquette sur la tête, elle était sûre de le reconnaître.  Excusez-moi... ? fit-elle, poliment, avant de s'approcher un peu de l'homme. Vous ne seriez pas Clark, le Hockeyeur ? Oui, elle en était sûre ! C'était bien lui. Cet homme, il était son idole. Celui qui l'avait poussée à se dépasser, et certainement, celui qui avait influencé sa carrière de footballeuse professionnelle. Alors, oui, il n'était pas un footballeur, mais chacun son domaine sportif, non ? Et puis, il s'était toujours donné à fond, même blessé pour ses coéquipiers. Bref, elle l'adorait, et il était une de ses idoles sportives. Elle l'aurait reconnue entre mille ! Elle en était sûre, en tout cas !

Le sport, c'était l'exultation de Gemma. Elle passait son temps à en faire. Peut-être parfois un peu trop, d'ailleurs. Mais c'était le meilleur moyen pour elle de se sentir bien. Elle aimait ça, et en avoir fait son métier, qu'elle ait cette chance d'avoir réussi à exercer sa passion, c'était certainement la plus belle chose qui lui soit arrivée. Après, évidemment, elle savait qu'il y avait une vie en dehors de ça, et sa vie, elle en profitait autant sinon plus que n'importe qui d'autre.
Les visites au parc étaient fréquente chez la footballeuse. Elle savait qu'elle allait y rencontrer des habitués, qu'elle était toujours heureuse de voir, bien qu'elle ne leur parle pas souvent, vu que c'était assez compliqué de courir dans le sens inverse d'une personne et de faire connaissance en même temps. Peut-être qu'un de ces quatre, elle devrait essayer de faire demi-tour, pour courir avec ceux qui étaient aussi là. C'était toujours bien, de faire des connaissances, non ?
A ce propos, elle avait rencontré une personne, pendant le temps qu'elle était à la fontaine à eau. Elle avait presque halluciné de voir l'homme juste à côté d'elle. Non, c'était une blague ? Nathaniel Clark. Elle l'avait suivi du début à la fin de sa carrière, quasiment. Elle lui avait demandé confirmation de son identité.. pas par impolitesse ni pour le mettre mal à l'aise. Par curiosité, elle ne lui aurait même pas demandé un autographe ni rien. Elle ne voulait pas le déranger, mais elle n'en croyait pas ses yeux. En réponse à sa question, il commença à déblatérer sur sa vie. Gemma haussa un sourcil. Euuuh.. fit-elle, à haute voix, persuadée de se parler à soi-même. En le voyant rebrousser chemin, elle murmura. Vachement sympa, le mec. La tête bien vissée sur les épaules, hein. L'homme était doté d'un égocentrisme auquel même Gemma ne pouvait prétendre. Et c'était peu dire, parce que la célébrité lui montait assez fréquemment à la tête, heureusement, ses amis la ramenaient bien vite sur Terre. Il répondait à des questions qu'elle n'avait même pas posées, parce qu'en l'ocurrence, l'occasion ne se présentait pas à ses yeux, et qu'elle trouvait ça indiscret et gênant. Et comme si de rien n'était, après son dernier mot, il avait juste ignoré la jeune femme et rebroussé chemin. Quoi ? gemma ne méritait ps un peu de considération, comme n'importe qui d'autre ? C'était comme si l'image qu'elle se faisait de cet homme venait de se briser. Et pourtant, elle ne sentait pas de tristesse. De la déception sans doute. Rien de plus. "Tant pis." Qu'elle se disait. Elle but un peu d'eau à bouteille, et la remis dans son ceinturon, prévu à cet effet, et reprit sa course, dans le sens opposé. Quelle rencontre !

Elle était pas du genre à se formaliser, Gemma en général. Oui, bon, se faire un avis sur les gens, peut-être. Mais ses avis changeaient tellement au fil des actions de la personne en face, qu'il fallait un long moment pour avoir assez d'éléments pour se faire une vraie idée. Mais bon, là, c'était peut-être l'élément qui ne lui donnait pas envie d'en apprendre plus. Elle n'y perdait rien : sans cet homme dans sa vie de tous les jours, tout resterait pareil. Oui, c'était une image à laquelle elle aurait voulu ressembler autrefois, mais vu comme il avait pris de haut, elle se disait qu'il devait en être de même pour toutes les petites gens. Et ça, c'était certainement la chose qu'elle supportait le moins chez les gens connus. D'ailleurs, elle s'était toujours promis que si sa carrière de footballeuse décollait autrement que nationalement, et même juste nationalement, en fait, c'était pas du rien, elle ne voulait pas ressembler à ces people qui ne gardaient pas la tête froide et finissaient par se hisser eux-mêmes sur des piédestaux. Bon, c'était difficile, et elle pouvait se vanter d'avoir des amis hors pair qui étaient toujours présents à ses côtés.
Elle avait haussé les épaules, levé les yeux au ciel, et décider de poursuivre son bonhomme de chemin comme si de rien n'était. Comme si ça allait l'arrêter, ça, en pleine lancée. Elle avait préféré ignorer, bien qu'elle avait une sensation assez amère qui se profilait. La déception, l'évaporation de l'homme parfait qu'elle croyait voir en son idole, peut-être ? Dans le fond, elle avait encore en tête ça, et certainement qu'en rentrant, elle pesterait en expliquant à Seth sa rencontre assez contrariante, assez perturbante et dérangeante. Jusqu'à ce qu'elle entende à nouveau sa voix. Elle ralentit sa course, et ralentit au fur et à mesure, avant de se mettre au pas pour s'arrêter. Elle se tourna vers lui, et croisa les bras sur sa poitrine. Ah, non, mais vous avez rien fait. Vous avez été exécrable. Vous vous êtes entendu parler ? Vous vous êtes entendu m'envoyer chier comme si j'étais une sous-merde ? S'il ne lui avait pas demandé ce qu'il "lui avait fait" peut-être qu'elle se serait moins énervé. Mais elle avait décroisé les bras, et à chaque question, elle levait l'index, comme pour montrer à quel point ce n'était pas normal. Gemma souhaitait une chose à ce moment donné : s'éloigner de lui. Il la mettait en colère, et, incapable de s'excuser concrètement, il disait qu'il était désolé, mais finalement, ne savait pas de quoi. C'était pourtant évident, non ?
Mais en le voyant s'asseoir, elle sentit une vague de culpabilité s'installer. Peut-être qu'avec sa réaction, elle avait été comme lui ? Elle était certainement allée trop loin. Elle soupira et souffla, en s'étirant, sans pouvoir s'empêcher de le toiser un peu. Comment aurait-elle pu imaginer que Nathaniel Clark était un homme froid et distant, volontairement ou non, d'ailleurs, quand elle ne l'avait jamais vu qu'au travers de son écran de télévision ou de photographies dans le journal, sur les réseaux sociaux ? Je m'appelle Gemma. dit-elle avant de passer sa main sur son visage. Peut-être l'avait-elle mal jugé, à vouloir aller trop vite ? Puis, elle entendit la suite. Dans le fond, je m'en fiche, moi de ce que vous ferez ou pas. Tant pis si vous voulez resté derrière une caméra en tant qu'acteur. Tant mieux pour vous si vous reprenez le hockey. Si vous vous en sentez la force et que vous n'êtes pas trop vieux pour ça. Ce n'était pas une insulte, pas une méchanceté. La vérité était que dans le sport, continuer à jouer passé trente ans, c'était pas toujours évident. Ne vous sentez pas obligé de quoi que ce ne soit parce que vous prenez les gens de haut. qu'elle ne pu s'empêcher de cracher, avant d'hausser les épaules pour faire comprendre qu'au fond, elle s'en foutait. Ce qu'il était quand il était plus jeune, c'était ça, son idole, son modèle. Le reste, ce qu'il était maintenant, c'était son histoire à lui. Cela ne la regardait plus.

En vérité, elle avait peut-être été blessée par le comportement de l'ex-sportif. Mais plutôt dans sa fierté. Elle n'avait pas l'habitude de se faire remballer si violemment. Se faire remballer, oui, mais en général, les gens y mettaient les formes, disons. Mais il était coriace, le monsieur. Il ne voulait pas la laisser partir, alors qu'au début, c'était quand même lui qui l'avait joliment envoyée balader comme une malpropre. Et pourtant, c'était la culpabilité qui avait pris le pas sur Gemma. Elle était resté, et avait tenté d'accepter le dialogue qu'il souhaitait avoir. Enfin, sauf qu'apparemment, il avait plutôt entamé un monologue qui lui avait fait roulé des yeux. Il était pas possible ! Elle commençait sérieusement à se demander pourquoi est-ce qu'elle continuait à l'écouter, et surtout, comment il était possible d'une telle différence entre les images qu'on montre à la télévision et l'homme en vrai.
Bon, il fallait avouer que sa détresse, presque palpable quand il se mettait à parler, avait presque attendri la footballeuse. Enfin, pas trop quand même. En réponse à ses premières phrases, elle répondit. Je ne saurais pas par où commencer. Enfin, je sais pas, c'est votre entier comportement, là depuis qu'on s'est croisé. Le fait que vous soyez assez imbuvable, puis gentil, puis à nouveau insupportable. Elle soupira. Dans le fond, il avait l'air presque pas si méchant que ça, et elle se sentait vraiment de plus en plus coupable de l'envoyer sur les roses depuis quelques minutes. Enfin, d'un côté, s'il n'avait pas été si désagréable, les choses auraient été différentes. Gemma repoussa une mèche qui lui tombait sur les yeux. Vous savez, on a tous des mauvaises journées. C'est pas une raison pour s'en prendre au premier venu ou je ne sais quoi.. Elle savait ce qu'elle disait, elle était la première à avoir des journées horribles ces derniers temps. Entre les matchs que l'équipe ratait, la coupe de la ligue qui allait leur passer sous le nez, alors qu'elles s'étaient battues comme des chiennes. Qu'elle se soit blessée au bras pendant un entrainement, et que l'entraineur ait refusé qu'elle aille voir un médecin, ne serait-ce que pour avoir une attèle jusqu'au prochain match. Et pourtant, elle ne s'en prenait à personne. Enfin, sauf lui, mais il l'avait bien proprement cherchée. Mais plus le temps passait à se tenir en face de lui, et plus elle voyait qu'il était sincèrement désolée. Comment continuer à lui en vouloir dans ce cas là ? Elle soupira, et tenta un léger sourire. Comme pour dire qu'elle acceptait les excuses qu'il n'avait pas vraiment formulées.

Gemma ne savait plus quoi dire. Elle n'avait rien demandé à l'homme. Elle ne lui demandait pas de lui raconter sa vie : elle s'en fichait, c'était sportivement, apparemment, qu'elle était fan de lui. Il lui racontait trop, alors qu'elle n'en voulait rien savoir,qu'elle n'avait rien demandé. Le comble de l'égocentrisme, à ses yeux. Elle soupirait, en se rendant compte qu'elle était peut-être dure. Sa vie n'était pas facile. Mais diable ! qui allait raconter à tout va sa vie à un ou une inconnue, sous prétexte de justifier son comportement odieux qui avait eu lieu quelque minutes avant. Elle commençait à en avoir assez, tout en ayant de la peine et de la pitié pour cet homme. Décidément, elle était reine dans les sentiments contraires à la fois. Elle haussa les épaules. Elle n'allait pas "Le pardonner". Elle ne le connaissait pas, le pardon, ça intervenait quand il s'agissait de chose ou de gens qui affectaient son cercle proche non ? Là, ce n'était pas le cas. Pourtant elle prenait la parole, et disait, sans méchanceté ces mots. Ce n'est pas à moi de vous pardonner. Ni à moi qu'il faut demander pardon si vous êtes tout le temps comme ça... Mais à toutes les personnes que vous prenez de haut au quotidien. Et apparemment, il semblait à Gemma qu'il devait y en avoir beaucoup.
Quand l'homme lui demanda si elle n'avait pas vu des toilettes, cette fois-ci, elle su le sentiment qu'il lui inspirait le plus. Au delà du dégoût, c'était de la pitié. On ne demandait pas ce genre de chose à une inconnue qu'on vient d'envoyer chier de la sorte. Puis, un peu de classe ! Les femmes doivent se retenir, qu'en est-il des hommes ? Elle soupira et roula des yeux, en faisant quelques pas de recul, avant de se décider à repartir, sauf que c'était dans l'autre sens.. avant qu'il ne finisse par revenir à ses côtés. Mon dieu, mais comment pouvait-elle se débarrasser gentiment de lui ? La situation la gênait. L'homme aussi, il semblait croire etre le nombril du monde, et n'avait aucun respect, même pas pour lui même, à ses yeux à elle. « Baah.. je vis ici...» dit-elle à la fois en réfléchissant et comme si la réponse était flagrante. C'était sûr que d'avoir une question sur sa vie de la part d'un inconnu qui étalait la sienne sans la moindre gêne ni la moindre perplexité, ça perturbait Gemma.

Plus elle le regardait et l'écoutait, plus Gemma se demandait comment elle avait pu vouer une sainte admiration à cet homme. Il était bien moins impressionnant que sur l'écran plat du café où elle passait son temps regarder les matchs. Il était beaucoup moins sympathique que ce qu'il montrait devant une caméra. Et tellement moins intéressant. Peut-être qu'elle était dans le jugement. Peut-être qu'elle n'était plus du tout objective. Mais l'avait-elle été une fois seulement le concernant ? Heureusement, elle n'aurait pas à décrocher les posters de sa chambre : depuis deux ans, elle avait décidé de se concentrer uniquement sur le soccer, sa chambre ressemblait désormais à un temple du football international.
Elle était sévère, avec lui, peut-être pour lui montrer que traiter les gens comme des sous-merdes, ça ne menait à rien. En tout cas, elle avait l'impression qu'il était en permanence de la sorte. Elle avait peut-être tort, mais elle n'allait pas se casser la tête à vérifier si oui ou non. De toute façon, elle trouvait déjà que ça s'entendait bien assez dans sa façon de parler, et d'amener les choses. Gemma roula des yeux en entendant l'homme parler. Qu'il en soit ainsi ! Elle n'allait pas rester là, comme ça. Je n'attends rien de vous. Je ne vous connais pas. Comme ça, c'était clair. Il avait brisé un rêve, elle qui l'avait pris pour l'homme parfait, son idéal pour rencontrer celui qu'elle aimerait. Mais elle se trouvait bien chanceuse de l'avoir rencontré, comme ça, au moins, elle était certaine de rayer son nom du type d'homme idéal, et de ne pas se trouver avec une copie de lui.
A nouveau, elle roula des yeux en l'entendant; Personne ne l'aimait. Elle, elle n'y pouvait rien. Elle avait de la pitié pour lui. Non, pas de la compassion, vraiment de la pitié. Je suis désolée pour vous. Et au risque de vous paraître impolie et crue, mais si personne ne vous aime, il serait peut-être temps de vous poser les bonnes questions. Sur ce.. elle remit ses écouteurs sur les oreilles, et lui fit un signe de tête, comme un "au revoir" avant de se remettre à courir.